vendredi 12 juillet 2013

Les questions anthopologiques de notre temps - Interview de René Girard

Mars 2007, René Girard est interviewé par  il Foglio. On ne trouve pas trace de cette interview sur le net sauf sous sa traduction anglaise. Permettez ci dessous, une traduction personnelle de l'anglais vers le français. (Dites moi, si éventuellement certains passages manquent de clarté ou s'il y a quelques erreurs. Puis pardonnez les éventuelles fautes d'orthographe)

J'ai rarement connu René Girard autant en verve que dans cette interview. Déconstruction, sexualité, nihilisme, anthropologie, mariage, Islam, postmodernité, apocalypse, papes, linguistique. Interview très percutante, tout autant personnelle que dans la ligne directrice de toutes ses recherches.


Autres traductions girardiennes ici et
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"Après le langage, c’est l’homme que l’on commence à déconstruire ", "L’Eugénisme est une forme de sacrifice humain", “La sexualité est le problème, non la solution” : Les idées impitoyables d’un grand penseur

Malgré son âge de 84ans, René Girard n’a rien perdu de son audace de penseur définitivement radical. Il travaille actuellement sur un nouvel essai sur Karl von Clausewitz. L’auteur de grands livres contemporains comme "la violence et le sacré", "le bouc-émissaire", récemment élu parmi les 40 immortels de l’académie française est, en même temps que Claude Lévi-Strauss, notre plus grand anthropologiste vivant. Dans cette interview à « il Foglio », Girard revient vers ce qui définit « les grandes questions anthropologiques de notre temps ».

Il ouvre lui-même avec une question:

“Puisse-t-il y avoir une anthropologie réaliste qui suit la déconstruction ? En d’autres mots, est ce licite et encore possible d’affirmer une vérité universelle sur l’humanité ? Le structuralisme et l’anthropologie postmoderne contemporaine conteste cet accès à la vérité. L’école de pensée actuelle est « une castration de sens ». Mais de telles manières de discuter de l’humanité sont dangereuses."

Girard commente le "scandale" des religions comme il est apparu dans cette époque de néo sécularisme:

"A partir des lumières, la religion fut conçue comme un pur non-sens. Auguste Comte eut une théorie précise sur l’origine de la vérité, et son intellectualisme du XVIIIe rappelle beaucoup ce qui est en vogue aujourd’hui. Comte a dit qu’il y avait trois phases : la religieuse, qui est la plus enfantine ; la philosophique ; et finalement la scientifique, la plus tardive et la plus proche de la vérité. Aujourd’hui, dans le discours public, le but est de définir la « non-vérité » de la religion, cependant la religion est indispensable pour le survie de la race humaine. Personne ne s’est demandé quelle est la fonction de la religion. La foi est seulement exprimée comme "j'ai la foi" ou non. Quelle est la conséquence ? La théorie révolutionnaire de Charles Darwin a espéré démontrer l’inutilité de l’institution de quinze millénaires qu’est la religion. Aujourd’hui la démonstration est tentée sous la forme de la recherche sur le chaos génétique comme elle est énoncée par les néo-darwinistes. Si vous écoutez les scientifiques comme Richard Dawkins –un penseur extrêmement violent- vous voyez la religion comme quelque chose de négligeable."

Mais la religion a une fonction qui va bien au delà de la foi. Girard résume la véracité du don du monothéisme en une seule phrase (puis développe ensuite):

“L’interdiction contre le sacrifice humain. Le monde moderne a décidé que cette prohibition est un non-sens. La religion ne peut être conçue que comme une coutume de bon-sauvage, un état primitif d’ignorance sous les étoiles. La religion, cependant, est nécessaire pour supprimer la violence. L’homme est l’unique espèce dans le monde qui menace sa propre existence par sa violence. Les animaux même dans leurs jalousies sexuelles ne s’entretuent pas. Les êtres humains, si. Les animaux ne connaissent pas la vengeance, ne connaissent pas la destruction de la victime sacrificielle qui est un phénomène lié à la nature mimétique de la multitude applaudissante.

Malheureusement, aujourd’hui il n’y a qu’une seule définition de la violence, celle comme pure agression.

"C’est parce que nous voulons nous rendre innocent. La violence humaine, cependant, est le résultat du désir et de l’imitation. Le postmodernisme n’est pas capable de parler de violence. La violence est placée entre parenthèse et son origine est simplement ignorée. Et avec cela, la vérité la plus importante : que la réalité est, dans une certaine mesure, connaissable."

René Girard vient du radicalisme français:

"Je me suis rempli la tête avec la grotesque, la stupidité, la simple médiocrité de l’avant-garde. Je sais bien comment le déni postmoderne de la réalité peut conduire au discrédit des questions morales sur l’homme. L’avant-garde, en un temps relégué dans le domaine artistique s’est aujourd’hui étendue au domaine scientifique pensant à l’origine de l’homme. En un certain sens, la science est devenue la nouvelle mythologie : l’homme a créé la vie. Pour cette raison, j’ai accueilli avec un grand soulagement l’explication de Joseph Ratzinger sur le « réductionnisme biologique » - la nouvelle forme de déconstruction, le mythe biologique. Je me trouve avoir recours à la distinction faite par l’ex-cardinal entre science et scientisme.

La seule grande différence entre l’homme et les espèces animales est la dimension religieuse :

"C’est l’essence de l’existence humaine. C’est l’origine de la prohibition des sacrifices et de la violence. Là où les religions se sont dissoutes, commence un processus de décomposition. Le Micro-Eugénisme est notre nouvelle forme de sacrifice humain. Nous ne protégeons plus la vie de la violence. Nous brisons plutôt la vie avec violence. On cherche à s’approprier par nous-mêmes le mystère de la vie pour notre propre bénéfice. Mais nous raterons. L’eugénisme est l’apogée de l’école de pensée initiée deux siècles plus tôt et qui constitue le plus grand danger pour l’espèce humaine. L’homme est l’espèce qui peut toujours se détruire elle-même. C’est pour cette raison que la religion a été créée."

Aujourd’hui, il y a trois domaines- les armes nucléaires, le terrorisme et les manipulations génétiques- dans lesquelles l’homme est particulièrement mis en danger:

"Le vingtième siècle fut le siècle du nihilisme classique. Le vingt-et unième siècle sera le siècle du nihilisme attrayant (alluring). C.S. Lewis avait raison quand il parlait de l’abolition de l’homme. Michel Foucault ajoutait que l’abolition de l’homme était devenue un concept philosophique. Aujourd’hui, on ne peut plus parler d’ « homme ». Quand Friedrich Nietzsche annonçait la mort de Dieu, il annonçait la mort de l’homme. L’eugénisme est la mort de la rationalité humaine. Si on considère l’homme comme l’aboutissement du hasard et comme de la matière brute pour les laboratoires, un objet malléable à manipuler, on atteint le point d’être capable de tout faire de l’homme. Cela finit avec la destruction de la rationalité fondamentale qui appartient à l’être humain. L’homme ne peut pas être réorganisé et demeurer un homme."

Selon Girard, hormis la religion, nous perdons de vue aujourd’hui la fonction d’une autre institution anthropologique, à savoir le mariage:

"L'institution préchrétienne et renforcée par le Christianisme, le mariage est une indispensable organisation de vie. Elle est liée à la quête de l’immortalité. En créant une famille, c’est comme si l’homme recherchait l’imitation de la vie éternelle. Il y a eu des lieux et des civilisations où l’homosexualité fut tolérée ; mais aucune société ne l’a jamais placé au même niveau légal que la famille. Dans un mariage, nous avons toujours un homme et une femme ; qui sont des opposés. Dans les dernières élections américaines de 2006, le véritable vainqueur fut finalement élu sur un référendum sur le mariage naturel."

L’ennui métaphysique de l’Europe
Girard est en accord avec ce que dit Rémi Brague, arabiste de la Sorbonne, l’Europe est immergé dans un ennui métaphysique:

"C’est une très belle explication, et il me semble que la supériorité du message chrétien devient de plus en plus visible. Quand il est le plus attaqué, le Christianisme brille avec une plus grande vérité. Étant la négation de la mythologie, le Christianisme brille spécialement dans le moment quand le monde une fois de plus est imprégné de mythologies sacrificielles. J’ai toujours compris le « scandale » de la révélation chrétienne d’une manière radicale. Dans le Christianisme, au lieu d’assumer le point de vue de la foule, nous assumons le point de vue de la victime. Ainsi le Christianisme traite du renversement complet du scénario archaïque. Et provoque l’épuisement de la violence.

Girard parle de l’obsession de la sexualité:
"Dans les Evangiles, il n’y a rien de sexuel, et ce fait a été complètement romancé par les gnostiques contemporains. Les gnostiques, comme toujours, excluent des catégories de personnes, et les transforment en ennemis. Le Christianisme est l’exact opposé de la mythologie et du gnosticisme. Aujourd’hui, une forme de néo paganisme est mise en avant. La plus grande erreur de la philosophie post moderne est d’avoir pensée qu’elle pourrait librement transformer l’homme en un mécanisme de jouissance. Mais de cette poursuite du plaisir arrive la déshumanisation qui commence avec le désir faux de prolonger les plaisirs de la vie en sacrifiant les plus grands biens."

La philosophie postmoderne, dit il, se base sur la fausse affirmation que l’histoire est terminée:

"De là, nait une culture naufragée dans le présent. De là, vient encore une haine pour une culture vibrante qui affirme une vérité universelle. Aujourd’hui, il est largement cru que la sexualité est la solution à tout ; alors qu’au contraire, elle est l’origine de tous les problèmes. Nous sommes continuellement attirés par une idéologie de la séduction. Jusque là, la déconstruction n’a pas envisagé la sexualité au cœur de la démence humaine. Notre folie repose ainsi sur nos efforts volontaires de faire de la sexualité une chose frivole et banale. J’espère que les chrétiens ne suivent pas la direction de la déconstruction. Car la violence et la sexualité sont inséparables. C’est pourquoi la sexualité contient ensemble les plus beaux et les plus sombres éléments que nous portons en nous."

Nous sommes au milieu du divorce entre l’humanité et la syntaxe, dit Girard ; c’est le divorce entre la réalité et le langage:

"Nous perdons tout contact entre le langage et les régions de l’être. Aujourd’hui nous croyons seulement au langage. Nous y aimons des histoires à dormir debout  plus que partout ailleurs. Mais le Christianisme est une vérité linguistique, le logos ; Thomas d’Aquin fut le grand promulgateur de cette rationalité linguistique. Le grand succès du Christianisme anglo-américain et ainsi des Etats-Unis n’est pas sans rapport avec l’extraordinaire traduction anglaise de la Bible. Mais dans le catholicisme d’aujourd’hui, il n’y a pas eu suffisamment de rationalité, mais plutôt trop de sociologie. L'Eglise est trop souvent compromise par la flatterie du temps et de la modernité. Dans un certain sens, de tels problèmes ont commencés avec le concile Vatican II, même s'ils viennent d'une déperdition du Christianisme eschatologique qui le précède. L’Eglise n’a pas réfléchi assez sur ces transformations préconciliaires. Comment peut on justifier l’élimination totale de l’eschatologie, et ce même dans la liturgie ?"

Nihilisme et Apocalypse
Girard répète que jamais l'humanité ne fut dans un tel danger qu'elle ne l'est aujourd'hui:

"C’est la grande leçon de la formule de Karol Wojtyla : « La culture de la mort ». C’est sa plus belle formulation linguistique. Elle va très bien avec l’autre grande formule, de Joseph Ratzinger, la dictature du relativisme. Ce nihilisme de notre temps peut être aussi appelé déconstruction, ou simplement 'théorie'. Mais ce nihilisme est transformé en une respectable théorie philosophique et ensuite, tout devient frivole, tout est jeu de mots, tout est blague. Ainsi on peut commencer avec la déconstruction du langage, mais ensuite on finit avec la déconstruction de laboratoire de l’être humain."


Avec cette perte du respect pour la vie humaine, la déconstruction du corps est l’autre idée que Girard récuse:

"Elle vient des mêmes gens qui, d’un coté, veulent prolonger la vie infiniment, et maintenant, d’un autre coté, disent que le monde est surpeuplé."

Le critique littéraire Georges Steiner a écrit que même l’athéisme est métaphysique, Girard commente:

"Assurément, Steiner a toujours des idées merveilleuses. G.K. Chesterton dit que le monde moderne est remplie d’idées chrétiennes devenues folles. Même les lumières ont été un produit du Christianisme. Prenez une figure comme Voltaire, un exemple de mauvaise lumière qui a contribué à la déchristianisation de la France. Mais tout de même, Voltaire a toujours défendu les victimes, et fut en cela un grand chrétien, même sans le savoir. C’est pour cette raison que je dis qu’une mauvaise interprétation de la doctrine chrétienne est encore pire quand elle vient de l’extérieur de la tradition. Le Christianisme continue de nous proposer une explication convaincante et fascinante du mal humain. Mais nous perdons la dimension apocalyptique du Christianisme par laquelle les gens deviennent conscients qu’aucune société sans religion ne peut survivre. Le romantisme chrétien a oublié que la religion chrétienne a eu comme principale réalisation le désamorçage de la violence sacrificielle. Aujourd’hui, la religion chrétienne est plus réaliste que l’optimisme scientifique. Science qui créé l’homme pour le tuer. Ainsi l’Apocalypse n’est plus la colère de Dieu mais plutôt la colère de l’homme sur lui-même. L’apocalypse n’est pas derrière nous mais se tient face à nous. L’apocalypse n’a pas été écrite pour Dieu mais pour l’homme. Les chrétiens fondamentalistes actuels croient en l’apocalypse mais dans un mauvais sens ; ils croient que Dieu punira l’homme, pas que l’homme se punira lui-même. Aujourd’hui, nous devons avoir de la considération pour l’Apocalypse, pour ne jamais oublier que la violence est chez elle (indigenous)chez l’homme."

Il manque à’Islam quelque chose d’important : la Croix
Le discours de Ratzinger à Ratisbonne était décisif selon Girard :

"Le défi lancé par Ratzinger contre le relativisme est salutaire, non seulement pour les catholiques mais aussi pour les laïcistes. Je vois Ratzinger comme un signe d’espoir pour l’Europe. C’est un pape très similaire, mais aussi très différent de Jean Paul II. Wojtyla était inarrêtable ; il voulait toujours être vu et écouté. Benoit XVI veut plutôt pacifier les gens ; c’est un grand professeur de réflexion et de modestie. La religion chrétienne, la plus grande révolution de l’histoire humaine, est la dernière à nous rappeler l’utilisation correcte de la raison. C’est un défi qui transporte avec lui le concept de culpabilité. Pendant longtemps, l’Europe a décidé que les allemands devaient être les bouc-émissaires pour la seconde guerre mondiale ; il était impossible d’attaquer le communisme et le nazisme. Une fois que la mort de Dieu était déclaré, accompagnée avec la fin de la possibilité pour le mot "lumière" d’avoir un quelconque sens religieux, il devait s’élever un « anti Dieu », une contre divinité : le communisme. Je suis d’accord avec la thèse d’Ernst Nolte sur l’affinité entre nazisme et communisme. Chaque régime totalitaire commence par la suppression de la liberté religieuse. Aujourd’hui, cette contre divinité anti-vie est relancé par le scientisme."

Girard confirme que l’exaltation de l’homme comme contre divinité rejoint le sens de la phrase d’Henri de Lubac, si souvent mal utilisé (comme si elle était au contraire un idéal): l’athéisme humaniste

"Je fus honoré par son amitié. Quand il fut accusé de n’être pas chrétien, de Lubac dit que tout ce qu’il avait écrit fut juste et qu’il n’y avait rien d’hérétique en eux. La grande crise démographique de l’occident est un des nombreux éléments de la paralyse apportée par "l’athéisme humaniste". L’idéologie de notre temps est hostilité contre la vie elle-même. La culture moderne maintient que toute la mythologie, qu’elle soit jeune ou vieille, est affirmation de la vie ; d’un autre coté, elle maintient que la religion est reniement de la vie. Mais la vérité est exactement l’opposé. Le nouveau dionysisme de la culture moderne a un visage mortel et violent. Parmi les premiers à le comprendre, il y a eu Thomas Mann. Désormais ce qui domine aujourd’hui est une forme de nausée existentielle hérité du spleen romantique."

Nous sommes si ethnocentriques, dit Girard, que nous pensons que seuls les autres peuvent avoir le droit de clamer la supériorité de leur propre religion:

"L’islam conserve une relation avec la mort qui me convainc que cette religion rate absolument le combat contre les anciens mythes. La relation de la mystique islamique avec la mort rend la mort encore plus mystérieuse. L’Islam est une religion de sacrifice. Le chrétien, cependant, ne meurt pas en vu d'être imité. Nous devons nous rappeler les mots du Christ à Paul : Pourquoi me persécutes-tu ? Dans le Christianisme, qui détruit toutes les mythologies, il existe une dialectique constante entre la victime et le persécuteur ; En islam, cela n’existe pas. L’Islam élimine la victime problématique. Dans ce sens, il y a toujours eu un conflit entre le Christianisme et l’Islam. En Islam, la chose la plus importante manque, la croix. Comme dans le Christianisme, L’Islam réhabilite la victime innocente, mais elle le fait comme un militant. La Croix, au contraire, met une fin aux mythes anciens et violents. La Croix est le symbole de l’inversion de la violence, de la résistance au lynchage. Aujourd’hui, la Croix s’oppose au sacrifice dionysiaque des nouveaux mythes. Le Christianisme, se différenciant de l’Islam, interdit le sacrifice."

René Girard a toujours choisi de ne pas parler de choses faciles ou accommodantes:

"J’ai été, même ici en Amérique, plus ostracisé. Aujourd’hui, je pourrais moins me soucier de ce que les autres disent de moi. Nous ne devons pas nous rendre à la séduction ; il y a beaucoup à apprendre du passé. Je relis souvent l’histoire de Joseph dans l’ancien Testament car elle est la plus belle exemplification du Christianisme. Je me suis marié en 1951 ; J’ai neuf petits enfants et trois enfants. Ma femme est protestante, et ne s’est jamais convertie au catholicisme. » A ce moment, un de ces nombreux rires séraphiques de cet homme rigoureux et droit sort.

"J’ai un fils dans le business ; ma fille est peintre ; et mon autre fils est avocat. Concernant les Etats-Unis, j’aime ses grands paradoxes, elle a en elle-même la plus efficace protection contre tous ses pires aspects – des protections que l’Europe ignore. Ici, aux Etats-Unis, je reconnais la véritable indépendance. Je suis entouré par la vie."
 Sur son propre statut d'intellectuel, un de ces soi-disant "castrateurs de sens":

“Le moins que je puisse faire est de penser que c'est le moment du silence, mais d'un silence rempli de sens.”

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