jeudi 1 novembre 2012

the rake's progress - Stravinski

Nous sommes dans une capitale européenne, la neige tombe, un petit opéra de poche, un système de billet de dernière minute...
Je suis prêt "The Rake's progress" commence.
La musique est belle. Il n'y a pas de Aria héroïques et magistraux, de moments reconnaissables parmi tous, de mélodies séduisantes. Tout est modeste, tout est comme si Stravinski voulait être honnête, faire de la musique pour des gens honnêtes avec une histoire honnête. Tout fleure l'humilité acharnée et sincère. 

Oui, une histoire morale et chrétienne. Rakewell est amoureux de Anna Truelove. Il a devant lui une vie probablement banale mais probablement heureuse aussi avec une femme aimante. Mais Rakewell est ambitieux, paresseux et oisif. Il veut plus et surtout, il veut devenir riche. 
Quand il exprime ce souhait haut et fort, Mister Shadow (le diable of course) arrive et lui annonce qu'il est riche réellement et qu'il doit partir pour Londres s'occuper de ses nouveaux biens. Il quitte sa campagne, sa belle et sa belle famille. A bientôt, mon destin naturel m'appelle.

A Londres, Mr Shadow lui donne pouvoir et femmes mais il ne recevra que de la tristesse. Ensuite, Mr shadow lui suggère qu'il peut montrer sa force d'âme contre le désir et ainsi se marier avec la femme à barbe "Baba la turque" mais il ne recevra ainsi que la tristesse et la nostalgie de Anna.
Encore une fois, Mr Shadow le persuade qu'il vient de trouver la machine capable de transformer les pierres en pain. il est heureux d'avoir trouvé une cause philanthropique pour lui. Mais... Ce sera un désastre. 
A la fin, Mr Shadow se révèle tel qu'en lui même et veut enfin être payé de l'âme de Rakewell. Mais le souvenir d'Anne le sauve face au jeu du diable. Cependant, il ne peut éviter la folie. il se prend désormais pour Adonis. L’opéra se terminera dans un hôtel psychiatrique.
Anne lui rendra visite, sa Vénus le consolera. Mais la folie n'est pas un lieu pour Anna Truelove. Elle part tandis que lui mourra doucement dans l'hopital.

Cette histoire peut nous faire penser à Faust, l'homme à qui la vie ne suffit pas et dont le souvenir de la femme aimée servira à le sauver des enfers. Mais je pense plus particulièrement  aux trois tentations du Christ. Comme Lui, Rakewell fera face à ces trois tentations. Mais contrairement aux Christ, il sera désemparé.
1 Le pouvoir (et ce qui s'ensuit, les femmes et l'argent). 
2 Etre le centre de l'attention, sortir de l'humanité afin de prouver sa propre exceptionnalité. (épouser la femme à barbe pour rakewell et montrer sa libération des désirs, Sauter du temple pour Jésus) dans les deux cas se tromper d'espérance et de prophétie.
3 Transformer les pierres en pain

A chaque fois, notre naïf Tom tombera dans la tentation, il tombera de plus en plus dans un enfer personnel vers la mort et la folie. Parralèlement, Anna Trulove, véritable amour combattra chaque minute (elle me fait penser à Micaela du Carmen de Bizet) et essayer de le sauver. Elle réussira magnifiquement mais elle demeurera le signe tragique de l'amour humain. La bonne volonté de l'ouverture ne suffira pas.........

La lecture morale de l'opéra est possible, il montre l'hubris humaine, l'envie comme péché originel, il montre le péché et les conséquences sur la société humaine. Tristesse, fuite de l'amour véritable et mort. Le chemin de la communauté humaine devient tout naturellement l'hôpital psychiatrique...
Est ce donc un opéra simple ? Bien contre le mal ? Oui, c'est un conte spirituel et morale possédant une intelligence sur l'homme. C'est un conte qui voudrait confirmer aussi l'intelligence des évangiles sans que nous puissions parler d'une œuvre chrétienne, encore moins prosélyte. Mais une œuvre qui a été voulu classique jusque dans ses thèmes et sa sagesse. Le titre indique sa principale cible. Progress ? Cela rejoint les thèmes Stendhalien du snobisme, où chaque moi narcissique rêve à d'hypothétiques progrès, ambition.

To win at once in love or cards is dull;
The gentleman loves sport, for sport is rare;
The positive appals him;
He plays the pence of hope to yield the guineas of despair

En reprenant les trois tentations du Christ, Auden et Stravinski placent l'enjeu de l'ambition au niveau métaphysique. Les tentations du Christ sont celles de l'homme moderne. Elles reprennent et distordent les trois caractéristiques du Messie, (prêtre, prophète et roi) du sauveur de l'humanité. Jésus semblent nous dire de même, nos ambitions sont bonnes mais sont facilement perverties, contre le désir de puissance, retrouvons la chasteté, contre les faux prophètes, acceptons  notre humanité ordinaire  contre les "politiques sociales" absurdes, se nourrir du verbe fait chair, pain qui nous fait devenir pain pour l'humanité.... Tout le reste n'est que folie.

La mise en scène de cette soirée fut claire, belle et se permettant quelque originalité. Il fut intéressant d'ajouter le rôle de la mère d'Anne Truelove comme la claveciniste des récitatifs, De fait dans le coin droit de la scène, l'intérieur sage et  classique des Truelove demeurait sur scène et souvent les acteurs les uns avec les autres.
Mr shadow intervient comme producteur de télé réalité, la maison de rakewell et lui-même sont toujours filmé et nous pouvons voir en direct, la scène et la représentation sur un petit écran.... Sur scène, le mondes des illusions.
Les chanteurs étaient formidablement doués et expressifs...









Ici même le lien du livret de l'opéra ainsi que sa traduction en français, il y a aussi quelques éclairages intéressants. Il a été réalisé par l'opéra de Lyon.
Je recommande la lecture du livret (W. Auden y a participé), nous pouvons y trouver des perles.


ALL
Good people, just a moment:
Though our story now is ended,
There’s the moral to draw
From what you saw
Since the curtain first ascended.
ANNE
Not every rake is rescued
At the last by Love and Beauty;
Not every man
Is given an Anne
To take the place of Duty.
BABA
Let Baba warn the ladies:
You will find out soon or later
That, good or bad,
All men are mad:
All they say or do is theatre.
TOM
Beware, young men who fancy
You are Virgil or Julius Caesar,
Lest when you wake
You be only a Rake.
TRULOVE
I heartily agree, Sir!
NICK
Day in, day out, poor Shadow
Must do as he is bidden.


Many insist
I do not exist.
At times I wish I didn’t.
ALL
So let us sing as one.
At all times, in all lands
Beneath the moon and sun,
This proverb has proved true,
Since Eve went out with Adam:
For idle hands
And hearts and minds
The Devil finds
A work to do,
A work, dear Sir, fair Madam,
For you and you.




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