L'économie est la continuité du sacré par d'autres moyens....
Promis, il y a très longtemps. Voici les extraits de ce livre que je souhaite conserver. Ils n’empêchent pas une lecture complète de ce livre extrêmement éclairant sur la manière d'utiliser les thèses de René Girard sur la compréhension de notre monde économique.
La première partie de Jean Pierre Dupuy se concentre sur la consommation ostentatoire et la vanité du monde que nous ne savons plus limiter. ("La modernité, c’est le libre cours donné à des compétitions abstraites dans lesquelles les hommes s’épuisent à se distancer les uns les autres.") Il ne reste que la compulsion de notre société au mensonge de notre autonomie par la "grâce" du droit et de la consommation.... Face à la médiation interne envahissante, à la crise mimétique démultipliée chez les individus et dans l'histoire, recréons des barrières entre les hommes proposait Dupuy.
La seconde partie de Paul Dumouchel tente une analyse de la rareté, nuance clé de la
théorie économique. Il souhaite nous montrer avec l'aide de Girard que la
rareté n'est lié à aucune quantité, qu'elle est subjective et tente ensuite de
la comparer, en ce qu'elle est le moteur de notre monde économique, à la crise
sacrificielle décrite par René Girard. Elle est le refus volontaire et social
des solidarités communautaire, la transgressions systématique des
interdits traditionnels. Avec l'aide de l'anthropologue Sahlins, il montre que
les sociétés primitives par bien des aspects étaient des sociétés d'abondance
où l'expérience de la rareté était égale à celle de la violence et de la
destruction de la communauté. De ce fait, la science économique, par son
retournement de cette expérience et des valeurs (cf phrase de Keynes voir
en bas à la page 141), devient indissociable de la violence. Le
libéralisme est la religion de cette pratique qui utilise cet ensemble social
dangereusement déséquilibré et qui comme tenant la bride à un cheval enragé
avance avec folie en faisant la course à son ombre. le rodéo n'est il pas le
symbole de notre monde économique? Le cheval enragé n'étant que la crise
mimétique moderne sans résolution. La course est folle et si le livre est écrit
en 1979, il est incroyablement d'actualité et nous appelle à une conversion.
Conversion sur la manière dont nous voyons notre économie. Science qui comme le
dit Girard dans la postface conçoit le désir linéairement et s'expose
à toutes les déraisons raisonnables....
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Partie de Jean Pierre Dupuy
P24 La satisfaction des besoins relationnels
passe nécessairement, dans cette société, par la recherche d’un statut, de
l’argent, du prestige, etc. : de façon générale, du meilleur classement
possible dans les compétitions de toutes sortes qui opposent quotidiennement
les hommes les uns les autres. Or le niveau de vie, les objets possédés ou
consommés ostensiblement sont les signes visibles des victoires remportées dans
ces joutes du temps moderne, de même que, pour Veblen, les trophées, le
butin étaient pour les époques barbares « des preuves tangibles de
vaillance, prisées comme autant de témoignages d’une force remarquable »
P31 La réprobation morale propre aux
sociétés puritaines n’est souvent, affirme Foster, qu’une envie refoulée :
en s’attachant rigidement aux respects de normes et de règles définies
strictement pour justifier son indignation, on cache une envie que l’on a peur
de s’avouer et honte de reconnaître, envers l’autre qui goute aux plaisirs
interdits.
[…] Aussi, celui qui se plaint de sa
condition ne peut que s’en prendre à lui-même et incriminer sa paresse ou son
incompétence. Voila ce que n’arrête pas de répéter le libéralisme triomphant
face aux revendications ouvrières. L’égalité des individus, c’est le droit à la
concurrence, et tout ce qui vient entraver le libre jeu du mécanisme
concurrentiel, dans le but de venir en aide aux plus défavorisés, finit par se
retourner contre eux en diminuant la richesse nationale. La situation n’offre
donc aucune prise, culturelle ou symbolique, aux rationalisations qui
attribuent à des forces incontrôlables l’origine de l’infortune. La valeur
personnelle des hommes se lit à leur condition. Il faut les supposer non
envieux pour imaginer qu’ils puissent former une société dans ces
circonstances. C’est ce que font la plupart des auteurs libéraux.
P42 Supposer que les hommes sont
naturellement et culturellement mauvais est aussi paresseux que moralisateur
que de faire l’hypothèse inverse. Cela évite de réfléchir, non à l’objet, mais
aux raisons de leur violence. A la question que posait
Stendhal : « Pourquoi les hommes ne sont ils pas heureux dans le
monde moderne ? », nous avons répondu comme Tocqueville : parce
qu’ils sont des obstacles les uns pour les autres. Sans fausse modestie, cette
réponse est certainement très supérieure à tous les discours actuels sur
« le pouvoir et les pouvoirs ». Mais elle reste très insuffisante.
Quand à la façon dont nous avons concilié le signe et l’envie, le recul me l’a
fait mieux percevoir. Dans le monde moderne que nous avons mis en scène, on
voit partout des gens qui se font admirer, mais on ne voit nulle part
d’admirateur.
P50 A mesure que les conditions de vie de
la société industrielle se mettent en place, les différences concrètes entre
les hommes s’atténuent toujours plus et se résument finalement à ce qu’on nomme
aujourd’hui les inégalités. Or jamais on n’a consacré tant d’efforts à se
distinguer les uns les autres, tout en jugeant insupportable le moindre signe
de distinction chez le voisin. Les préposés à la recherche des inégalités
sociales en découvrent des nouvelles tous les jours – les dernières en date
portent sur la capacité de résistance au soleil et à une nourriture abondante
-, tandis que des divisions arbitraires se creusent entre des groupes
parfaitement identiques, qu’ils se fascinent d’autant plus qu’ils s’inventent
les raisons les plus dérisoirement abstraites pour s’excommunier les uns les
autres. Il n’y a pire rivalités que celle des frères ennemis. Blanc bonnet et
bonnet blanc sont toujours convaincus que tout les oppose et qu’ils n’ont rien
en commun.
L’ordre social traditionnel est fondé sur
la différence, qui exclut l’imitation. La modernité juge toute différence
arbitraire et donc intolérable : plus elle réussit à les effacer, plus les
hommes, subjugués, portent leur regard sur leurs doubles, non pour les copier
mais pour s’en distinguer au contraire. Où voit-on que les hommes
s’imitent ? L’imitation, la
mimesis, est une force de cohésion sociale : que ferait-elle dans une
société divisée, où les hommes sont des loups pour les voisins ?
P57 La modernité, c’est le libre cours
donné à des compétitions abstraites dans lesquelles les hommes s’épuisent à se
distancer les uns les autres.
P58 La grande découverte de Girard, c’est
la pensée primitive qui la lui a fait approcher. Les primitifs craignent
l’imitation, car ils savent qu’elle est indissociablement liée à la violence.
Derrière l’oscillation du sort qui favorise tantôt un rival, tantôt l’autre,
ils discernent la réciprocité et l’identité. Chacun des antagonistes a toutes
les raison du monde de se penser radicalement différent de l’autre, mais de
l’extérieur ils se ressemblent comme des frères ennemis. Voulant interdire la
violence, les primitifs interdisent tout ce qui évoque le mimétisme : la
vengeance, qui n’est que la répétition de l’acte qui la suscite, mais aussi les
miroirs, les jumeaux… Nous ne voyons que superstition et magie, sans soupçonner
qu’il pourrait s’agir de la manifestation d’un savoir qui nous échappe.
P62 Le romantisme, c’est l’individualisme
bourgeois, le Moi dominateur et solipsiste, l’originalité érigée en dogme,
l’autosuffisance proclamée en dogme bruyamment. Il faut le génie de quelques
romanciers pour révéler que ce ne sont que mensonges. Jamais le souci de
l’autre n’a été une telle obsession, nous dit Stendhal, jamais le besoin
d’imitation n’a été aussi irrésistible. Si ces sentiments modernes que sont « l’envie, la jalousie
et la haine impuissante » apparaissent si contagieux, il faut en chercher
la raison dans « l’imitation passionnée d’individus qui sont au fond nos
égaux et que nous dotons d’un prestige arbitraire ».
P91 Quant à « l’effet de signe »
proprement dit, c'est-à-dire l’utilisation d’objets « signifiants »
dans cette recherche de l’admiration des autres, nous avons déjà compris à quel
retournement radical nous convie Girard. Ce n’est pas parce qu’ils leur permettront
d’être bien vu de leurs semblables que les hommes désirent les objets. Ils
désirent les objets parce que ceux-ci sont possédés ou désirés par d’Autres qui
leur semblent jouir de ce à quoi ils aspirent le plus au monde :
l’autonomie, c'est-à-dire la sortie de l’enfer mimétique où ils se trouvent
plongés. La première interprétation reste au service du mensonge
individualiste : l’autonomie du désir est possible, la société donne les
moyens d’y accéder. La double logique du discours publicitaire l’illustre
à merveille.
P94 Voila pourquoi toute victoire est
destinée à se transformer en échec. Seule la distance métaphysique qui sépare
le sujet du couple modèle-objet (nous savons que cette distance varie en sens
inverse de la distance sociale et spirituelle) est capable de donner de la
valeur au modèle et à l’objet ; Or une victoire, c’est par définition
l’annulation de cette distance. Le sujet réussit à posséder l’objet, être ou
chose, le rival se soumet, fasciné. Les regards qui convergent vers le sujet et
le désignent comme modèle ou objet désirable perdent par là-même à ses yeux
leur vertu d’orientation. Dans ce monde sans repère, il n’y a qu’une chose dont
il soit sûr : sa propre nullité. Il se hait trop pour ne pas mépriser
celui qui admire ou simplement lui veut du bien.
P134 Les hommes se sont laissés entraînés
dans un cyclone qui les emporte Dieu sais où. Girard nous dit que c’est vers
l’œil du cyclone, lieu pacifique où une humanité enfin réconciliée avec
elle-même s’ouvrira au Royaume –qui-n’est-pas-de-ce-monde. Mais le cyclone est
l’image même de ce paradoxe. Plus on est proche de son œil immobile, plus on
tournoie, impuissant à maîtriser sa course. Il est possible que le royaume
d’amour soit notre destin. Je préfère, moi, qu’il advienne porté par notre liberté.
Partie Dumouchel
P141 L'envie et la convoitise devienne
hautement recommandable parce qu'elles sont les moteurs de l'activité
économique, et que l'activité économique permet d'échapper à la pauvreté, de
vaincre la rareté, la nécessité qui causent et engendrent de bien plus grand
maux, la violence et la destruction, le vice et la misère. L'économie devient
une morale plus haute que la morale. Elle dépasse les velléités de
faire du bien des bonnes intentions moralisantes comme l'a rappelé Keynes dans une
phrase terrible : "Pour au moins cent années encore nous devons nous
persuader, nous et les autres, que le bien est le mal et le mal est le bien, car
le mal est utile et le bien ne l'est pas."
P176 C’est donc à la perte des
interdits anti mimétiques, à la crise sacrificielle que correspond la rareté.
Mais manifestement, à une crise qui ne comporte nulle résolution sacrificielle,
car l’unanimité et la paix retrouvée effaceraient la rareté. L’ambivalence de
la rareté suppose un état où le paroxysme de la crise coïncide avec un ordre
stable, sans que n’ait lieu pour autant le mécanisme de l’unanimité fondatrice.
Si la mimésis désirante et la crise sacrificielle
sont bel et ben ce qu’en dit Girard, on se demande comment un tel état est
possible. L’ambivalence de la rareté exige une simultanéité des contraires si
grandes, qu’elle semble impensable.
Or il n’est pas inutile de remarquer que
cet état, indispensable à l’émergence de l’ambivalente rareté, correspond
exactement à la définition des sociétés modernes donnée par Girard :
« Le mouvement historique des sociétés modernes est la dissolution des
différences, il est très analogue à tout ce qu’on a nommé ici crise
sacrificielle… Il faut noter, toutefois, que le monde moderne réussit sans
cesse à retrouver des paliers d’équilibre, précaires, assurément, et à des
niveaux d’indifférenciation relative qui s’accompagnent de rivalités
toujours plus intenses mais jamais suffisantes pour détruire ce même monde. Les
analyses des chapitre précédents donnent à penser que les sociétés primitives
ne résisteraient pas à une telle situation : la violence perdrait toute
mesure et perdrait, par son paroxysme même, le mécanisme de l’unanimité
fondatrice, restaurant du même coup quelque système fortement différencié. Dans
le monde occidental et moderne, rien de tel ne se produit jamais, l’effacement
des différences se poursuit, de façon graduelle et continue, pour être tant bien
que mal absorbé et assimilé par une communauté qui s’étend peu à peu à la
planète entière.» On retrouve en maints endroits, chez Girard, cette définition
du moderne comme une espèce de « crise mimétique démultipliée, chez les
individus et dans l’histoire », « sans emballement catastrophique ni
résolution d’aucune sorte».
P179 La rareté est une institution
sociale. Elle institue le monde moderne comme le sacré instituait les sociétés
primitives. Comme lui, elle protège la communauté contre la violence essentielle.
Son fonctionnement, à la fois très proche et très différent de la résolution
sacrificielle de la crise, repose sur les mêmes mécanismes. Seule une mutation
survenue à l’intérieur du sacré détermine ce changement de registre et de
régime.
La rareté est l’abandon généralisé des
obligations de solidarité qui unissaient la communauté. Elle est la
transgression systématique des interdits traditionnels. Elle est le refus
volontaire des protections antimimétiques offertes par le sacré et le sacrificiel.
Ce renversement à l’égard du sacré construit socialement un ensemble de biens
et de ressources tel que les besoins et les désirs de tous ne puissent être
satisfaits.
P185 Si la Révélation chrétienne fournit
la distance intérieure nécessaire à l’extériorité des sociétaires, la rareté,
rigoureusement, doit être définie comme le mécanisme par lequel
l’intensification des rivalités joue en faveur de cette extériorisation
progressive des sociétaires. La transformation du sacré en rareté se produit tout
entière dans l’aveuglement mimétique. Pour chacun de ceux qui la professent, et
la produisent sans le savoir, il ne s’agit pas d’autres chose que de poursuivre
leur propre désir, c'est-à-dire que d’être de plus en plus victime de la
fascination mimétique.
P232 Les textes de la tradition libérale
sont des légendes profanes qui racontent la naissance des sociétés sans dieu.
Des mythes athées qui rappellent l’institution de la rareté, éternelle et
atemporelle, et la chute du religieux primitif. Ce sont des commémorations sans
rites, de l’époque où l’extériorité des sociétaires a prévalu contre le religiare sacré. Des épopées sans héros où la
parcimonie de la nature se charge de la violence humaine. Le compte rendu de
l’aventure mesquine des vices privés, produisant la misère publique, au nom de
l’abondance. Derrière les calmes raisonnements des philosophes libéraux, se
cache une violence terrible et terrifiante réalisée socialement dans
l’indifférence, au nom de l’abondance, et sous le signe de la rationalité
instrumentale.
P246 Pour qui cette rationalisation
a-t-elle un sens ? Pour ceux qui ont déjà commercialisé une grande, ou la
majeure partie de leur production. C'est-à-dire pour ceux qui sont les plus
riches et qui sont tout en haut de l’échelle sociale définie par le système de
l’occupation parcellaire du sol, les gros propriétaires et les seigneurs.
Reprenons maintenant le problème d’une
autre manière. L’ancien système d’occupation du sol est un système hiérarchique
au sommet duquel se trouvent les grands propriétaires et les seigneurs. Or ce
système va être détruit, et détruit par eux. A quelle fin et pour quelle
raison ? Pourquoi détruire ce qui vous est tout entier favorable ?
Pour en tirer plus d’avantages ? Réponse équivoque, puisque vous en tirez
déjà tous les avantages. La preuve en étant que vous allez bientôt réussir à
détruire ce système, contre l’avis de tous les intéressés. Vous ne pouvez donc
tirer plus ou moins d’avantages de ce système que par rapport à un autre
système apparenté, et plus précisément par rapport à quelqu’un qui occupe dans
l’autre système une position équivalente la votre. En d’autres termes,
les raisons qui poussent les riches propriétaires et les seigneurs à enclore
les paroisses ne viennent pas des relations qu’ils entretiennent avec leurs
paysans, mais de rivalités qui les opposent entre eux. CQFD.
L’expulsion des tiers par les doubles
socialement est le résultat de rivalités qui opposent les doubles entre eux.
Ces expulsions s’accomplissent dans l’indifférence par l’abandon des
obligations traditionnelles de solidarité, et sous le signe de la rationalité
instrumentale. Ouvrez n’importe quel livre d’histoire de l’Angleterre au
XVIIIème siècle, et vous trouverez exactement la même chose. Les enclosures ont
été accomplies par la petite et la grande aristocratie terrienne, désireuses de
s’enrichir et jalouses de la prospérité croissante de la nouvelle bourgeoisie
commerçante. Prenez maintenant un livre un eu plus spécialisé, comme la révolution industrielle au XVIIIème
siècle, de Paul Mantoux, et vous verrez que les arguments mis en avant pour
justifier les enclosures étaient essentiellement la rationalisation du travail
agricole et l’augmentation de la production.
P251 Revenez quelques pages en
arrière ; les enclosures étaient la condition indispensable à la
rationalisation du travail agricole et à l’accroissement de la production. La
conclusion est immédiate : c’est le procédé par lequel on accroît la
production agricole qui institue la rareté. Là je retrouve mon modèle :
c’est le mouvement même par lequel on s’imagine lutter contre la rareté. Je
retrouve l’aporie de la rareté : la rareté est parfaitement indépendante
de la quantité réelle de biens et de ressources disponibles.
Partie Girard
P258 Ces écrivains ne doivent pas leur
supériorité à une image particulièrement fertile, à un pouvoir d’inventer ex nihilo. Ce n’est pas
l’originalité qui m’importe, ce qui distingue les œuvres les unes des autres,
mais au contraire ce qui fait qu’elles se ressemblent. Essayer de préciser ses
ressemblances, comme j’ai voulu le faire, c’est forcément s’orienter vers le
désir mimétique, qui tend peu à peu à se dégager de ses illustrations
romanesques et dramatiques et à faire figure d’instrument d’analyse
indépendant, directement applicable au phénomène les plus divers. Jean Pierre
Dupuy et Paul Dumouchel jugent que l’expérience vaut la peine d’être tentée
dans le domaine de l’économie.
P261 Loin d’être
« inconscient », comme le veut Freud, le désir est à son propre égard
d’une lucidité extraordinaire ; il ne cesse jamais de s’instruire et de
modifier ses moyens et même, jusqu’à un certain point, ses fins, en fonction de
ce qu’il apprend. Il n’y a pourtant pas de pire aveuglement que cette
lucidité-là, il n’y pas de pire déraison que la raison du désir, car elle
consiste à se montrer aussi raisonnable que possible sans renoncer au désir
lui-même, et en lui ménageant chaque fois « une dernière chance » qui
consiste à chercher dans la résistance la plus forte, l’opposition la plus
hostile ou l’indifférence la plus profonde, le modèle le plus prometteur, et à
resserrer toujours, de ce fait, l’étreinte du double
bind. Comme tous tendent alors à collaborer pour assurer les effets les
plus pervers, les paradoxes prolifèrent. C’est donc ici le domaine de la
prophétie auto réalisatrice (self-fulfilling prophecy), qui est aussi
bien ce lui de la sexualité dite névrotique et du « snobisme »
proustien que celui de l’économie consommatrice et inflationnaire.
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