Ci dessous une émission de 5 min de Michel Serres sur le savoir.
(NdPC: elle n'existe plus....)
Rapidement, l'académicien relie le savoir avec l'histoire de son support. Il détermine alors 4 temps.
1) Au départ est le stade oral, les "artistes", les "anciens" pouvait chanter et réciter par coeur les histoires, mythes, souvenirs de la communauté, celui qui savait était celui qui se souvenait. Il avait la mémoire et la confiance de la communauté.
2) L'écriture vint, ce fut l'âge des scribes, Bible, Babylone, vélin, rouleau, tablettes. Le savoir est la rare bibliothèque
3) Puis l'imprimerie ! Tout devient plus accessible dans ma propre bibliothèque. Montaigne commence à dire : Je préfère une tête bien faite qu'une tête bien pleine.
4) Pour introduire le quatrième temps, Serres parle de Saint Denis.
Persécuté à Paris autour de l'an 250, cet évêque de Paris est condamné à la décapitation à Montmartre. Décapité en chemin, il prendra sa tête et montera au sommet de la colline.
Serres compare cette tête désolidarisée à un ordinateur portable et donc l'homme moderne à Saint Denis.En effet, cet ordinateur devient le siège de notre mémoire. Mais pas seulement mémoire personnelle, mémoire mondiale. Il dit que tout savoir est objectivé sous nos doigts. Serres va plus loin, il dit que nous sommes condamné à devenir intelligent. En effet, nous serions les enfants gâtés du savoir, nous n'avons plusqu'à ! Plus qu'à devenir intelligent, intuitif et innovant.
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Beaucoup de réactions en écoutant cette émission.
Le savoir serait une connaissance stockée et prête à être utilisé. Les capacités de stockage externe se développant, la notion de savoir s'est transformé et externalisé.
La conclusion de Michel Serres est paradoxalement optimiste. La condamnation à l'intelligence. Face à l’extériorité infinie des informations, nous, qui avons tout à notre disposition, nous n'avons plus qu'à être parfait. Mais la condamnation sonne comme une menace.
N'est on pas devenu des Saint Antoine du désert perçu par Flaubert. (cf: note précédente). Nous sommes face à une montagne de savoirs, d'opinions, de gens intelligents se contredisant. Face à cette montagne, nous sommes peut être condamnés à être intelligent ou bien à voguer dans les eaux tièdes du relativisme ou du parti pris. Je suis surpris que Serres ne parle pas de la confiance ni de la sagesse. Qui peut nous guider devant cette bibliothèque universelle ?
Cela aussi est lié avec les désirs de cerveau globale que nous partageons avec la communauté internet (n'ai je pas trouvé cette vidéo sur Twitter ?). Cerveau global théorisé par Howard Bloom, désiré par HG Welles.
Je repense à ce premier temps du savoir, le temps du "par cœur ". Je pense à Fahrenheit 451 de Bradbury par Truffaut où les livres étant menacés, certains hommes devenait hommes-livres et apprenait par cœur un livre pour le conserver et se promettait de la transmettre à un jeune homme.
Je pense à un chef de chœur nous racontant l'histoire de la musique occidentale et de ces lignes mélodiques du grégorien parvenu jusqu'à nous sans écriture mais seulement par la répétition et la transmission de bouche à oreille avant la notation musicale.
Je me souviens de ce prêtre nous disant que la Bible n'est qu'un aide mémoire... Appuyant bien sur ce fait, il rappela que nous ne sommes pas une religion du livre mais une religion du verbe incarné. Le livre n'est que le moyen de transmettre une parole qui n'a plus qu'à s'incarner en nous.
Internet, la nouvelle technologie, comme le dit Serres, fait bien de nous des décapités. Le cerveau mondial technologiste et internetisé n'est il pas la montagne éloignées de nos têtes décapitées pour une communauté d'acéphale cher à Bataille (cf note précédente) ? Monstres défigurés par Internet ? Le geste de Saint Denis que nous rapporte la tradition prend de plus en plus de sens. Il reprend sa tête !
Tout d'abord, ce geste témoigne de la volonté de ce saint à se conformer au Christ. Mourir en haut de la colline comme Lui, témoigner de la foi en Lui. Ensuite, mourir et conserver sa tête avec Lui. Comme si la séparation du corps et de la tête était l'objectif ultime du mal. Comme si la sainteté de Denis nous indiquait que son unité corporelle en était le plus beau symbole.
Si nous allions au bout de la comparaison de Serres. Ne nous faut il pas reprendre notre tête, veiller sur elle?
Regoûter à l'apprentissage par la mémoire. Car tout ce que nous avons, n'est ce pas ce que nous sommes capable de donner, de transmettre à l'oreille d'un autre comme au temps oraux ?
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