mardi 4 septembre 2012

Désenchantement - Brassens et Batman

D'abord, "Le grand Pan" est une belle chanson

Ensuite, j'ai beaucoup pensé à elle, en lisant les tentations de Saint Antoine. Plus particulièrement, quand nous voyons les dieux de l'Olympe mourir.
Brassens, a imaginé aussi cette mort des grands dieux grecs et latins. Il l'imagine car il regrette la disparition des dieux accompagnateurs. L'époque où chaque moment de vie retrouvait sons sens par la personnification des vertus de ceux ci en un Dieu. Ici Brassens donne l'exemple de l'alcool, des amours et de la mort. Il est nostalgique : comme tout devait être plus beau avant. l'alcool était fête de l'amitié, l'amour sentimental était un rite de l'amour de ce monde et la mort faisait partie de la vie. Et aujourd'hui ? C'est fini. Plus rien n'a de sens et tout est triste. Pourquoi ? La bande au professeur Nimbus est arrivée ! La science en révélant les causes a pu nous priver des récits, des contes qui nous permettaient de nous faire comprendre le monde non pas seulement dans sa matérialité  mais dans une compréhension plus globale. La science croit enlever tous les récits sans voir qu'elle nous en impose d'autres (illusion de la science...)
Brassens chante encore que, bientôt... face à ce désenchantement global, le Christ partira. Fin du Christianisme, vue comme la conséquence d'une humanité dénaturée et "pauvre-typisée"



Pour un horrible Girardien, c'est une chanson merveilleuse mais auquel je donnerais quelques modifications. Brassens ne fait aucun lien entre la croix et la fin des dieux grecs. Il ne voit pas la généalogie de la révélation chrétienne et celle de la révélation positiviste qui pour moi est relativement claire...
Autre paradoxe. Le grand Pan est il mort ? Qui est il celui là,? En creusant à peine, on découvre chez ce dieu à apparence mi homme - mi bouc (émissaire ?) une relation avec l'imitation et une description du dieu de la foule hystérique et du lynchage. (voir wikipedia notamment), protecteur des troupeaux de mouton. Comme si les grecs avaient vu la capacité de l'homme à se transformer en mouton suivant une foule aveugle.

Jamais aussi clairement aussi, nous pouvons voir la descendance du bouc-émissaire dans la fondation mythologique.


Nietzsche faisait remarquer qu'en occident nous n'avons plus eu de nouveau Dieu depuis deux mille ans. Lui-même écrivait pour la mort de Dieu, mais plus clairement pour son meurtre pour revenir à un monde de nouveau rempli de Dieux archaïques.

Alors le grand Pan a disparu ?
Il se meurt, mais il est toujours vivace. l'homme est toujours cette machine à créer du sens, à raconter des histoires même quand ses histoires sont tues.

Quelles sont nos histoires maintenant ? il y en a partout....

Celle de Batman a retenu mon attention et plus particulièrement cet article paru sur Itinerarium lors de la sortie du dernier épisode au cinéma.
Cet article montre (au delà du grand spectacle), la dimension mythologique de l'oeuvre et plus généralement l'univers des super-héros et des comics book.
Je n'ai pas vu le film ni les épisodes précédents mais l'auteur (Maxime Roffay) nous montre en quoi ce film est la mythologie de notre époque désenchantée. Quelle mythologie pour un monde qui croit de moins en moins bien à la mythologie ? Tout devient ambivalent et rempli de mauvaise conscience. Derrière tout mythe, il y a "le réel et le tragique de la violence dont on se divertit".
Désenchantement, on ne peut plus être violent sans mauvaise conscience, nos super-héros non plus... et donc ne peuvent plus être de vrais demi-dieux auxquels on croit aveuglement

Alors, comme dit le Jésus de Brassens, "j'ai bien peur que la fin du monde soit bien triste." ?

C'est possible (voir là), mais cela me rappelle, une phrase d'un conférencier catholique pour qui " l'évangile, c'est le seul conte de fée vrai."
Je fus choqué à cette époque par la comparaison. Mais c'était une manière de dire, il demeure un chemin beau, juste, vrai, réel de donner un sens à chacun de nos gestes et de faire de nos vies un nouvel enchantement. 

La Passion et la résurrection du Christ.



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Du temps que régnait le Grand Pan,
Les dieux protégaient les ivrognes
Des tas de génies titubants
Au nez rouge, à la rouge trogne.
Dès qu'un homme vidait les cruchons,
Qu'un sac à vin faisait carousse
Ils venaient en bande à ses trousses
Compter les bouchons.
La plus humble piquette était alors bénie,
Distillée par Noé, Silène, et compagnie.
Le vin donnait un lustre au pire des minus,
Et le moindre pochard avait tout de Bacchus.

{Refrain:}
Mais en se touchant le crâne, en criant " J'ai trouvé "
La bande au professeur Nimbus est arrivée
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les Dieux du Firmament.

Aujourd'hui ça et là, les gens boivent encore,
Et le feu du nectar fait toujours luire les trognes.
Mais les dieux ne répondent plus pour les ivrognes.
Bacchus est alcoolique, et le grand Pan est mort.

Quand deux imbéciles heureux
S'amusaient à des bagatelles,
Un tas de génies amoureux

Venaient leur tenir la chandelle.
Du fin fond du champs élysées
Dès qu'ils entendaient un " Je t'aime ",
Ils accouraient à l'instant même
Compter les baisers.
La plus humble amourette
Etait alors bénie
Sacrée par Aphrodite, Eros, et compagnie.
L'amour donnait un lustre au pire des minus,
Et la moindre amoureuse avait tout de Vénus.

{Refrain}

Aujourd'hui ça et là, les coeurs battent encore,
Et la règle du jeu de l'amour est la même.
Mais les dieux ne répondent plus de ceux qui s'aiment.
Vénus s'est faite femme, et le grand Pan est mort.

Et quand fatale sonnait l'heure
De prendre un linceul pour costume
Un tas de génies l'œil en pleurs
Vous offraient des honneurs posthumes.
Et pour aller au céleste empire,
Dans leur barque ils venaient vous prendre.
C'était presque un plaisir de rendre
Le dernier soupir.
La plus humble dépouille était alors bénie,
Embarquée par Caron, Pluton et compagnie.
Au pire des minus, l'âme était accordée,
Et le moindre mortel avait l'éternité.

{Refrain}

Aujourd'hui ça et là, les gens passent encore,
Mais la tombe est hélas la dernière demeure
Les dieux ne répondent plus de ceux qui meurent.
La mort est naturelle, et le grand Pan est mort.

Et l'un des dernier dieux, l'un des derniers suprêmes,
Ne doit plus se sentir tellement bien lui-même
Un beau jour on va voir le Christ
Descendre du calvaire en disant dans sa lippe
" Merde je ne joue plus pour tous ces pauvres types.
J'ai bien peur que la fin du monde soit bien triste. "

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