lundi 19 août 2013

Eric Zemmour sur le féminisme, la virilité et le couple


Sur une video datant de la parution de son livre, le premier  sexe, Zemmour diagnostique un malaise dans la modernité sur la question de la différence des sexes. Plus que cela, il voit aussi un terrorisme intellectuel.
Selon lui, il nous est imposé, peu a peu, indifférenciation des sexes et ses conséquences. Tout le monde, hommes ou femmes, peut tout faire, l'égalité des sexes (bien mal définie) est une obligation historique et même la personnalisation d'un certain progressisme auquel il ne reste plus grand chose... Qui ne pense pas ainsi est un macho (ce qui est devenu aussi infamant que facho) donc un homme violent contre les femmes. C’est un qualificatif qui vise la mort sociale. L’indifférenciation est en chemin... 

Pourquoi ? Que s’est il passé ? Zemmour pense que les hommes ne veulent plus autant de responsabilité. La virilité, l’identité des hommes face à la guerre s’est transformée depuis 14-18, de plus le capitalisme veut des consommateurs, des individus interchangeables et manipulables et non des hommes critiques et producteurs. Il ne faut pas oublier les féministes et les lobby gay travaillant dans cette direction.

Cette indifférenciation rencontre un autre phénomène, l’instauration du couple roi. Il n’y a plus l’intérêt de la famille. C’es aussi pour cela qu’il y a tant de divorce, le couple a été sur-investi au point qu’il ne peut répondre à toutes les attentes...

Tout est chamboulé, les hommes sont terrorisés et les femmes avouent à demi mot leur malheur de ne plus compter sur les hommes.

Zemmour s’insurge contre la supercherie féministe. L’invention de la femme victime et oubliée d’une société machiste est une illusion née de bourgeoises voulant avoir les premiers rôles de intelligentsia, refusant la différence sexuelle et refusant le génie masculin comme il est présenté dans l’histoire. Génie que Zemmour explique par la capacité de transgresser.

Enfin, il pense que toutes ces folies conduisent à imposer le désir féminin à l’homme, celui qui réconcilierait désir et amour. Déjà, l’homme du 19ème a recréé le mariage de convenance et le bordel.

Les conséquences de ce chamboulement peuvent être la soumission des hommes (et le malheur des femmes) ou bien la virilité humiliée et "ressentimentale" que Zemmour voit dans le porno actuel et dans un machisme chaotique de banlieue. Revanche....



Quelle virilité pour les hommes d'aujourd'hui ?





Comment ne pas penser à ce poeme de Vigny après écoute de la vidéo....

La Femme est à présent pire que dans ces temps
Où voyant les Humains Dieu dit : Je me repens !
Bientôt, se retirant dans un hideux royaume,
La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome,
Et, se jetant, de loin, un regard irrité,
Les deux sexes mourront chacun de son côté.


Comment ne pas partager cette impression de malaise sur cette question. Malaise ressenti par nos expériences personnelles, nos observations sur le militantisme de l’indifférenciation et nos propres doutes inavouables de génération de chrétiens féminisés. C’est en cela que je peux me sentir proche de Zemmour. Je crois qu’il cible de vrais problèmes. L’indifférenciation (donc), la recherche de la virilité perdue, le divorce de masse, la différence des désirs....


Mais, si j’aime entendre un avis aussi tranché, je ne partage pas toujours l’avis de Zemmour sur ces questions.

En particulier sur la question du couple. Zemmour regrette ces couples féminisés où l’homme s’astreint ou fait semblant de s’astreindre à une fidélité qui n’est pas faite pour lui. Les chrétiens aurait créé ce mariage d’amour et de fidélité par folie et par intégration forcée de valeurs féminines dans le couple. Nous en vivons le drame aujourd’hui, où tout n’est que déception par attente démesurée. Zemmour semble dire que le couple bourgeois balzacien (avec une danseuse quelque part) fut une victoire des hommes dans ce rapport de force éternel. Zemmour ne se révèle-il pas un continuateur de la guerre des sexes ? Il analyse l’indifférenciation actuelle comme une hubris féminine malheureuse qui imposerait son désir et sa sécurité aux hommes.

Le couple d’amour serait donc une légende dangereuse.

C’est bien sur très éloignée de la perspective catholique. Le couple homme-femme aimant est image divine. Le désir partagée dans l’amour, signe divin. Tout amour humain prend modèle de l’amour de Dieu pour son peuple puis Son Eglise. Rencontre, désir partagé et communion. Cela ne se fait pas sans malentendu, piège, désillusion, pardon dans notre humanité blessée. On ne peut pas reprocher aux jeunes générations de croire que dans l’amour du couple se trouve ce qui vaut d’être vécu. On peut regretter de voir qu’il ne comprenne pas la vertu de chasteté, de séparation (à propos de ce terme, je me réfère toujours à ce texte). Quand au désir masculin, il doit apprendre la frustration....

Ensuite, le génie des hommes seraient la capacité de la transgression. Je ne suis pas très sensible à cette particularité masculine. Si transgression veut dire plus grande capacité de violence, cela me semble juste. Ou bien l'homme, contrairement à la femme ne veut pas être le bon élève, il veut devenir prof à la place du prof... Mais Zemmour ne développe pas la notion de complémentarité des sexes, ni leur sens. Dans cette relation de complémentarité qui symbolise la réconciliation entre Dieu et sa créature, la femme est le symbole de l’humanité dont elle fait partie et l’homme est le symbole de Dieu qu’il n’est pas.

Mais maintenant, je dois laisser la parole au père Marc Lambret et prendre deux extraits de deux conférences données autour de ce sujet. Ces extraits comme ces conférences me semblent lumineuses sur cette question.







Dans l’attente du salut, par la grâce prévenante de Dieu, l’homme n’a pas oublié tout à fait le bonheur de la vie et celui qui en est la source : il garde au cœur la recherche de son créateur et le goût du bien, c’est-à-dire de l’amour. En particulier, il ne cesse de poursuivre le bonheur de s’aimer, homme et femme, lorsque chacun est ce qui peut absolument combler l’autre de joie, et que chacun s’y emploie de tout son être, sans restriction ni calcul, et que le plus grand bonheur de chacun est de rendre l’autre heureux.


La dégradation et la perversion de cette situation advient lorsque chacun se met à craindre et jalouser le pouvoir qu’a l’autre sur lui. Tel est le sens profond de l’expression : ils virent qu’ils étaient nus. Avant la transgression, l’homme et la femme étaient "nus sans se faire pâlir", c’est-à-dire qu’ils étaient à la fois puissants (autre sens de arum) et vulnérables (sens figuré de la nudité) sans que chacun n’inspire à l’autre de la peur ou de l’envie, parce qu’il n’y avait entre eux que confiance. C’est la rupture de cette même confiance entre Dieu et eux de leur côté qui se répercute dans leur relation mutuelle. De même que l’homme se met à craindre et à envier le pouvoir créateur de Dieu, au lieu de l’accueillir en toute confiance puisqu’il est toute bienveillance, de même l’homme et la femme se mettent à craindre et envier chacun le pouvoir de l’autre sur lui, précisément en rapport avec la procréation, le pouvoir de donner la vie. C’est ce pouvoir qui donne toute son importance réelle et symbolique à l’acte sexuel, et l’on ne cesse de désirer l’exercer, d’une part pour vérifier qu’on possède bien le sien, le pouvoir de son propre sexe, et d’autre part pour tenter de capter et d’acquérir, en quelque sorte, celui de l’autre. On voit bien que ce désir est, de soi, insatiable. Il ne peut bien se réaliser que dans l’alliance conjugale où, sur une parole échangée, chacun accepte d’être tout entier pour l’autre, librement, exclusivement et pour la vie.


La différence sexuelle est l’inscription dans notre humanité de son origine divine et de sa vocation à être "épousée par Dieu" et ainsi divinisée. La perturbation du bonheur qu’il y a à être homme et femme et à s’aimer mutuellement comme tels est le signe et la conséquence du péché qui est entré dans le monde, entraînant avec lui la mort. La réussite de l’amour conjugal est un signe par excellence du salut, c’est pourquoi le mariage des baptisés, sanctifié comme tel, est un sacrement de la nouvelle et éternelle Alliance en Jésus-Christ.



Donc la masculinité et la féminité sont des signes complémentaires portés par l’humanité, des signes essentiels, qui disent d’où nous venons et où nous allons et sans lesquels il n’y a plus d’humanité : si ces signes venaient à disparaître avant l’avènement plénier de la réalité qu’ils annoncent, l’humanité serait informe et dépourvue de visage comme de sens. En même temps ce ne sont que des signes, au sens où, hommes et femmes, nous sommes l’humanité que représente le signe de la femme ; et au sens où, par les hommes et par les femmes, Dieu réalise son projet d’amour sur l’humanité, puisqu’il nous fait participer à son propre acte divin de réalisation de son dessein, ce dont la virilité est le signe.


Comme signes, ces signes de la féminité et de la masculinité, pour essentiels qu’ils soient, sont certes à garder et à cultiver, mais non pas à adorer ni à absolutiser. Et, comme signes portés par les uns et par les autres, ils sont signes pour tous. Ils ne sont donc sûrement pas non plus à accaparer. Les hommes n’ont pas à accaparer le signe de la masculinité, pas plus que les femmes n’ont à accaparer celui la féminité. Mais la tentation n’est pas la même dans les deux cas, car, si la femme porte le signe de l’humanité qu’elle est, l’homme porte le signe de Dieu, qu’il n’est pas. Il est bien naturel que l’on désire plutôt accaparer ou revendiquer le signe de Dieu que celui de l’humanité.

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