Les sentiments comme illusion et
vérité de l’homme.
Stéphane est luthier (ancien
violoniste…) Il se dédie à son métier corps et âme, il s’est associé avec
Maxime, jeune homme jouisseur, aimant la vie simple, l’argent et le frisson de
la musique, il est le capital et une certaine superficialité de l’homme vivant
sans s’en rendre compte….
Ce Maxime a une nouvelle copine,
Camille, belle violoniste qui enregistrera bientôt les trios de violon, violoncelle
et piano de Ravel. Que va-t-il se passer ensuite ? Par volonté, par
accident, une étincelle va naître entre Camille et Stéphane, elle deviendra très
amoureuse, prête à tout pour lui, il se refusera à elle, il devra tout
recommencer, changer d’association, découvrir que quelque chose est mauvais en
lui, et pouvoir avoir un nouvel horizon…
Ce film froid, dur et austère m’a
fait renouveler l’expérience du bonheur
que j’ai à toute vision d’un film de Sautet. Est-ce ma connaissance
Girardienne ? Est-ce la beauté de la photographie, le réalisme de son anti-réalisme primaire, la douceur jamais ennuyante du montage ? Le mélange du
plaisir symbolique et humain, la sagesse presque métaphysique de chacun de ses
films ? Peu de films m’embarquent avec autant de justesse et d’humanité
dans les labyrinthes de l’âme humaine…
Tout d’abord tout est dans le métier de
nos héros… Maxime près de l’argent, du salon, du téléphone, de l’avion, de la
mondanité et des femmes… il est loin du violon (une seule scène, au début, où
il aide à recoller un instrument) mais en profite…
Camille près du violon, de l’art, de
son agent. Stéphane, lui, entre dans les entrailles de l’instrument, le
connait, le fabrique, lui rend son son plus élégant.
A travers ces trois métiers Sautet
nous parlera de l’art et du cœur humain car le violon sera le cœur humain et le film montre
celui qui en profite, celle qui en joue, celui qui le décortique.
Car Stéphane comprend le cœur humain
et ne joue plus de violon (bien qu’il fut un excellent élève de Mr Lachaume,
personnage important de notre histoire…) il n’est plus amoureux et n’y
croit pas, il sait comment se faire aimer, il sait comment cela marche et est écoeuré par les sentiments, il ne
veut plus y croire… Il sait même que la coquetterie et l'indifférence sont des armes efficaces dans cette situation.
Il va être piqué par la rencontre de
Camille, présentée comme le nouvel amour de Maxime, il jouera un jeu sans le
jouer, tout en étant clair et brouillé, évident et confus… C’est Camille qui va
dans l’atelier par le charme de l’artisan et de la transmission… Mais elle est
happée par le personnage qui la fixe et semble déjà la repousser. Girard,
Girard encore Girard.
S’il la repousse, c’est en effet car
il ne croit pas l’aimer vraiment, il pense qu’il a joué avec elle, avec Maxime (rival finalement), avec ce qu’elle avait de plus
précieux. Son statut d'indifférent blesse tous ceux qui l'approchent et se retournent contre lui. La crise qui suit, sa violence, son humiliation devant le monde entier. Viendront que plus tard, les douces
réconciliations, la mort du maître, le départ de la meilleure amie.
Nous découvrons "l’horreur" du
personnage, du mal qu’il peut propager autour de lui tout en découvrant aussi qu’il
est victime en majeure partie. Au final, l’homme qui ne croit pas en l’amour, car il l’a analysé avec acuité comme personne, perd
en conséquence un part de son humanité. S'il a vu l’amour comme une illusion alors
toute la vie lui semble de même une illusion ou bien un mécanisme un peu bébête
(travail sur l’automate violoniste), il perd toute vigueur, propage le malheur,
le malaise. A-t-il donc raison ? Dans un certain sens oui, il réussit tout
ce qu’il veut, il croit en l’imitation, en la tradition et en la transmission mais il
perd toute possibilité de création, d’amour
et de relation… La chaleur de l’amour est aussi illusoire que peut être
un film, tout aussi artificiel par rapport à l’original (la vie réelle) qu’elle
est elle-même par rapport à l’amour réel qu’un chrétien appelle divin… l’art et l’amour humain, tout autant artificiel
qu’ils sont, nous approchent de la vérité et de l’amour, la vérité sans amour
est chute et illusion… Tout peut être vu comme illusion et mécanisme, mais l'homme qui en est conscient n'en est pas moins épargné. N’est ce pas le sens du film ??? Le personnage du maître est très
éclairant… Nous comprenons à la fin du
film que la relation de Stéphane envers lui est cruciale. Stéphane ne l’a-t-il
pas trop bien imité, n’a-t-il pas été la barrière pour le même objet du désir,
désir de l’être envahissant et illusoire encore une fois, car celui-ci se
meurt, il est faible, il pleure dans les bras de sa bonne à qui il a fait un
enfant. L'amour est affaire de servitude consentie. Il est humain finalement celui qui détenait l’être, celui que j’imitais
en ne croyant imiter personne, en le tuant, une porte s’ouvre…. Personne ne détient l'être, nous sommes tous dans la même situation de carence ontologique. L'amour et le don est la voie étroite malgré tout...
Tout est possible, je touche le bras
de Camille et la grisaille parisienne me devient insupportable.
A noter
Quelqu’un souffre toujours…. Phrase
si inélégante de Maxime
Toutes les relations sont
incroyablement montrées, crédibles et grinçantes
L’agent de Camille, mimétique
L’amie de Stéphane, mimétique
(amoureux intimidé)
Réglage de violons
Grisaille parisienne, grisaille d'un monde où l'amour est un piège
Cafés parisiens, téléphones, scène en
voiture
Déclaration d’amour de Camille. La
déclaration humaine
Film très universel malgré son froid
Ravel ? Comme Stéphane, sa
musique ne nous le dit pas…
Tout le mimétisme est là et beaucoup
de métaphysique
L’amour qui monte,
Le couple qui se dispute
La discussion sur la tradition et l’aliénation
et la démocratisation culturelle
Le squash comme symbole de la lutte mimétique des meilleurs amis
J'ai longtemps cru que c'était la seule personne que j'aimais
Le scénariste du film (Jacques Fieschi) demandant Oblomov dans une librairie
Si c'est un jeu....
Tu voulais démystifier les sentiments ?
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