vendredi 7 décembre 2012

Soudain l'été dernier


Faim d’être

Etats Unis 1937. En Louisiane, un chirurgien d’un petit hôpital psychiatrique, sans trop de moyen, lobotomise devant les yeux de certains étudiants. Il se plaint à son directeur des moyens mis à son service. Mais cela tombe bien, ils sont désormais en lien avec la richissime veuve Violet Venable. Celle-ci est curieuse des méthodes du docteur Cukrowicz pour la Lobotomie et plus particulièrement pour sa nièce Catherine complètement dérangée depuis la mort de son propre fils Sébastian.  La première entrevue avec Mrs Venable nous permet de faire connaissance avec elle. Riche, arrivant de son ascenseur personnel comme une déesse, nous découvrons une femme troublante, hautaine, une beauté se fanant. Elle ne cessera de parler de son fils décédé Sébastian. Son aura, sa vie d’artiste oisif, sa pureté, sa conscience supérieure, sa popularité, l’adoration que les gens lui portaient. C’est une femme abandonnée vivant du souvenir d’un fils que nous avons encore du mal à cerner. Ils passaient toujours leurs vacances ensemble quelque part en Europe sauf l’été dernier où il était avec sa cousine. A ce propos, elle fait comprendre à notre ami docteur, que les fonds viendront quand il aura opéré sa pauvre nièce. Qu’a-t-elle ?  Folie, agressivité sexuelle, hallucinations et propos incohérents.
Tiens, il rencontre la mère et le frère de celle-ci… De pauvres gens manipulables et âpres au gain. 
Le docteur rencontrera ensuite Catherine que nous voyons en femme sexy et tourmenté. Perdue depuis la mort (de plus en plus mystérieuse) de son cousin. Elle se sent depuis pourchassée, est accusée d’agression sexuelle et est cloîtrée dans une maison de bonnes soeurs l'enquiquinant.  Le docteur par son attention et son doute naissant vis à vis de la tante va la convaincre d’entrer dans l’hôpital psychiatrique. Le docteur est coincé entre la tante poussant à l’opérer une fille qu'il croît saine mais handicapée par les réactions surprenantes de celle-ci se sentant pourchassée et comprenant les risques de la lobotomie. Continuant son étude et se sentant pressé par les évènements, il invite tout le monde chez Mme Venable, au moment de la piqûre et d’une réflexion sur la vérité, ils s’embrassent. Comme promis, elle dira la vérité : la prédation sexuelle homosexuelle de son cousin, elle qui l’accompagnait car elle était son appât, le nouveau car sa mère lui servait ainsi dans le passé. Cette fois ci, son aura se retournera contre lui et la foule le conduira vers la colline où il sera dévoré par la foule dans ce qui ressemble à une cérémonie païenne spontanée. Elle a enfin pu dire ce qui était impossible à dire. Alors que sa famille veut la consoler, Mme Venable, elle, devient explicitement folle et se coupe d’une réalité qu’elle refuse.Elle était, peut-être, trop bien dans un monde d’illusion où son fils était le dieu de ce monde et de ses représentations. Le docteur prend Catherine par la main et reviennent dans la maison.

Il m‘est quelquefois arrivé de me demander si tout cela n’était pas trop beau et véritablement crédible. Je dirais oui et non. Le scénario est un peu trop bien fait et les plans viennent avec un ordre merveilleux. Les dialogues, les détails, tout est trop beau et peut être trop théorique. Mis à part ce doute, on ne peut que être ébahi face à l’ambition et la beauté de ce film.

Bien sur tout le film culmine dans la scène finale qui est aussi un résumé, une résolution, un moment de terreur et de vérité. Car, nous le comprenons rapidement, malgré sa fragilité, Catherine est tourmenté par la vérité qu’elle porte sur Sebastian et sa mort. Personne ne voudra la croire. Elle a du mal à le croire elle aussi. Petit à petit, elle se sentira acculé de toute part. Les sœurs empêchent tout loisir, sa tante veut la lobotomiser, sa famille, bien faible, est prête à l’accepter pour une histoire de gros sous, le directeur de la clinique n’attend que cela pour avoir plus de fonds pour s’agrandir. Et le docteur Cukrowitz ? C’est celui qui tient le scalpel mais il aurait quelques intérêts lui aussi. Et pourtant, il attend. Est-ce par volonté de protéger cette patience avec qui il a développé des relations d’empathie ? Il a le soupçon de la vérité chez elle, comme il a le soupçon de la folie chez Mme Venable. Ou bien, tombe t il amoureux de sa beauté, de ses formes féminines, de son désir comme en témoigne leur baiser et la ressemblance probable du docteur avec Sebastian ?
 Avant de commencer la séance de vérité, Catherine et  le docteur parle ensemble sur ce sujet, on peut même comprendre la piqûre comme un envoi de sérum de vérité.  C’est aussi à ce moment que le docteur et Catherine s’embrasse amoureusement. Voici le vrai sérum de vérité. Une confiance et peut être même un amour au moment où celle-ci est de nouveau face à ses « persécuteurs ».
Mais que dit Catherine ? Sebastian, homosexuel conquérant, conscient de son « aura », de son charme et de la fascination qu’il produisait, l’utilisait pour séduire tout autour de lui pour la propre fin de sa jouissance personnelle.  Il utilisait les gens, mais soudain, cet été, les pauvres gens utilisés et charmés l’ont utilisé pour un rite païen. Le film ici est très ambitieux, il parle du phénomène du bouc émissaire comme celui du danger d’être adoré, de déclencher la violence sacrificielle. Celui qui se fera adoré, se fera mangé. N’est ce pas ce qui s’est passé non plus avec sa mère, nous comprenons rapidement qu’il n’y a pas d’amour mais un gros oedipe non résolu et une dévoration mutuelle marqué sous le sceau de l’utilisation narcissique. Car petit à petit, on devine Sebastian. Narcissique, beau, vaniteux et en même temps quelqu'un qui fait de son narcissisme une religion d’auto adoration qui le conduira à une mort logique et impossible. (Fin du livre le Parfum de Suskind.)
Cette vérité de la dévoration humaine et du bouc émissaire est un tabou moderne, que nous soyons des êtres religieux marqué par le sceau du sacrifice, du tabou et de la violence unanime dionysiaque. Le film ressemble plus à cette thèse qu’à une histoire vrai. Etant (piètre) girardien, je trouve que ce film inspiré d’une pièce de Tennesse Williams, lui-même inspiré par l’histoire de sa sœur, est incroyable d’inspiration et de vérité. Même si demeure en mois le doute de sa forme, que nous croyons trop rapidement à l’innocence de Catherine, que le folklore de la mise à mort soit un peu trop fumeux et esthétique, mais il y a là une réflexion puissante sur la folie, le narcissisme et cette religiosité humaine dont les psychiatres ressembleraient au gardien du temple .

A noter
Le mépris de Mme Venable, elle si haute et descendu des cieux
L’homosexualité de Sebastian,
La confusion de Catherine entre l’amour et l’utilisation d’autrui pour sa propre jouissance.
Les figures de la mort
Les fous de l’hôpital psychiatrique
Les premiers scènes, une lobotomie
Les oiseaux dans le ciel faisant une grande unité
Le maillot de bain de Liz
La lobotomie comme la guillotine
La montée vers l'autel de Cabeza del lobo
Cukrowitz / Mankiewicz

A lire absolument, le texte de Jean Christophe Goddard qui en plus de développer la réflexion girardienne sur ce film parle de l'activité de celui-ci en ce qui concerne la participation de Montgomery Clift  et Liz Taylor jouant leurs propres rôles dans celui de Sebastian et de Catherine. (Bouc-émissaire comme image de soi???) Sebastian étant l'acteur mythique américain dans tout son être. Celui qui se fait dévorer... Le cinéma comme communion liturgisée anthropophage par la "star". Le film révélerait la structure mythique du cinéma....... Passionnant.... La suite citant Lévinas et Derrida m'est encore inaccessible.... sorry...


Autre exemple napolitain...


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