"La Rome de la décadence ressemble beaucoup à notre monde actuel, avec cette frénésie obscure de jouir de la vie, la même violence, la même absence de principes, le même désespoir, la même vanité"
"est-il vraiment possible d’effacer de notre conscience deux mille ans d’histoire et de christianisme, de tenter d’imaginer les mythes, les attitudes, les coutumes d’ancêtres si éloignés, sans ne faire un objet de complaisance moraliste, sans les juger, sans réserves critiques, sans inhibitions psychologiques ni préjugés ? Sans doute cela n’est-il pas possible ; mais je veux tout de même essayer." Fellini
D’où venons-nous ? Où allons-nous ?
"est-il vraiment possible d’effacer de notre conscience deux mille ans d’histoire et de christianisme, de tenter d’imaginer les mythes, les attitudes, les coutumes d’ancêtres si éloignés, sans ne faire un objet de complaisance moraliste, sans les juger, sans réserves critiques, sans inhibitions psychologiques ni préjugés ? Sans doute cela n’est-il pas possible ; mais je veux tout de même essayer." Fellini
D’où venons-nous ? Où allons-nous ?
Fellini reprend l’œuvre de Pétrone,
du premier siècle de notre ère. Œuvre poétique, vulgaire, pornographique de la
vie de jeunes étudiants nobles romains errant dans l'empire. Œuvres fragmentaires qui part dans tous les sens à travers différentes histoires où nous perdons de vue
l’histoire cadre. Cette sensation demeure dans le film. Fellini, ne pouvant
tout garder, a beaucoup sélectionné, tout en voulant, je crois, préserver
l’impression de sa lecture.
Que histoire voyons nous ?
L’histoire est centré sur un jeune étudiant noble déclassé, on le suivra à la
recherche de son jeune esclave amant perdu, vivre un chagrin d’amour, disserter
sur l’art et la poésie avec le poète Eumolpe
qui l’emmène au festin de Trimalcion, formidable orgie où nous méditons sur les
affranchis, partant ensuite à la campagne, notre héros retrouve Giton et son
rival Ascylte et se retrouve esclave sur un bateau de chaire fraiche pour Rome,
il se marie avec le capitaine, mais il y
a un coup d’état à Rome, notre héros se retrouve auprès du minotaure, (sans avoir
oublié le coup de l’hermaphrodite) là encore il devient le héros d’une fête,
mais il a perdu son « glaive »…, il part à sa recherche auprès d’une
magicienne. Guéri, il prend part à l’enterrement d’Eumople. Mais, non, lui, il
ne le mangera pas… L’histoire continue mais s’arrête brutalement au milieu
d’une phrase.
Décousu ? Incompréhensible ? Non, non, fragmentaire, incroyablement cohérent même s'il faut déjà quelque fois se battre pour comprendre la logique
d’un fragment…
Nous nous sentons
incroyablement étranger à tout ce qui se passe. Fellini promène sa caméra sans jugement mais en étonné. C’est un voyage incroyablement
dépaysant qu'il nous propose alors. Tel est son pari, selon moi : nous
faire visiter l’antiquité romaine dans sa matérialité et son dépaysement. Nous
faire comprendre que l’antiquité, ce n’est pas nous avant, mais un monde qui
nous est devenu en partie étranger. Des rapports humains différents, des
visages, des maladies, des histoires, des individualités, des couleurs, des
religions, des brigands, des histoires, un rapport à la religion, à la vie, à
l’enfance, à la liberté, à la philosophie. Tout est différent et il veut nous
le planter au marteau !!! Non, l’antiquité, ce n’est pas ce que vous
croyez. Certes, il y a le droit, la justice romaine, l’art oratoire mais
d’abord, c’est les bidonvilles romains rempli de sexe, d’homosexuels, de sang,
de vengeance, d’esclaves, d’oisiveté,
d’injustice, de violence, d’impulsivité, de danse, de folie (mais ce ne sont
pas exactement les mêmes que chez nous…), de travail, de sagesse quelque fois. Pourquoi, suis je si enthousiaste ? Pourquoi, j’y crois et que je serai déçu si
l’antiquité ne ressemblât pas à celui de Fellini ? Car, c’est un homme qui
a pris au sérieux le texte de Petrone, (« San Antonio de l’antiquité »)
qui le prend au sérieux dans son époque, sur la réflexion sur la jeunesse déclassée,
sur les bouleversements humains des affranchissements, sur la religiosité de
son époque, sur la folie aussi. (cela veut peut être dire que la folie n’est
pas dans l’écrivain mais dans ce qu’il observe de son époque ??) Et
ensuite, Fellini, en fait un message (ou plutôt des questions) pour notre temps, comprenons nous bien le
passé, savons nous d’où nous venons, (changez de paradigme comme on dit
maintenant…) oubliez votre perspective et pensez à un monde occidental sans
christianisme. Et pensez à notre monde qui rejoint celui de l’antiquité par son
absence de questionnement sur le péché (rf phrase de Fellini….). Le moment où
le héros est dans la pinacothèque est un saisissant effet de profondeur sur
notre époque incapable de connaître les trésors du passé et donc incapable de
savoir là où elle va. Oui, les orgies, l’affranchissement anarchique,
l’homosexualité, la violence, l’oisiveté est aussi la notre quand bien même
nous voyons tout cela comme des étrangers…. Dépaysement et découverte de notre proximité.
Ce ne sont pas seulement de vieilles
mosaïques que nous observons mais un questionnement sur le sens de l’humanité
par une plongée dans une œuvre du passé, d’où venons nous ? où
allons-nous ? Peut-on ignorer le Christ ?
A revoir et revoir et s’émerveiller
devant chaque plan…
Beauté plastique des hommes,
ouvirers, étudiants, combattants,
Ciel figé
Décor de studio, aussi artificiel que réel
Histoire de la veuve, d’Oenothée,
Festin incroyable, four, ours,
cochon
Le spectacle grec, égratignement,
d’un monde que l’on ignore encore en croyant le connaître.
Combat omniprésent, meurtre, sang
Fresques, sculpture, rendre
l’antique moderne dans son temps présent
La mort de l’hermaphrodite
Couple noble se suicidant, jeux dans
leur domus ensuite
Spectacle théâtrale du début
Rire du minotaure qui le sauve et
fête du rire suivant ce rire, humiliation de l’impuissance
Humiliation du chagrin d’amour
Incroyable giton
Et incroyable Ascylte, partout.
Rival souriant, toujours présent, toujours obstacle et humiliant, girardien
Que de visages, que de visages, de
foules, même les petits rôles, les visages vus une seule fois sont
incroyablement convaincants.
La page wikipedia sur l'oeuvre de Petrone est très riche, à lire pour les plus curieux.
En streaming, il y a une version sous titrée en espagnole qui traîne sur youtube mais je crois que c'est un film qui mérite de l'attention et de bonnes conditions pour le regarder et en jouir du mieux possible.
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