Temps propice aux romans policiers aussi. Je
ne partage pas la mode actuelle aux romans merveilleux, de « fantasy »
ou de bouquins policiers genre scandinaves glauques… (à éssayer ?)
Je suis fidèle à Agatha et à San
Antonio.
Littérature de seconde zone !
De divertissement !
Certes… Peut être… non… Oui…
Premièrement, je suis fidèle à
Agatha car je lui dois mes premières « sensations fortes »
littéraires. Dix ans à peine et les dix petits nègres dans la main, je connus
des sentiments nouveaux et pour la première fois un livre, un assemblage de
lettres imprimées me foudroyait…
San-Antonio, ensuite, car je suis
rarement déçu. Sa réputation le poursuit… Quand, j’en prends un, je pense être déçu…
Ecrit trop vite, gaudriole trop rapide, histoire-prétexte pour quelques bons mots, aphorismes et blagues douteuses… et chaque fois, j’en ressors
enthousiaste. Néologismes fameux, répliques, images… Les histoires ensuite sont
étonnamment malignes. Oui, c’est un plaisir délicat, peut-être même d’esthète…
J’ai donc lu « la mystérieuse
affaire de Styles » Le tout premier roman d’Agatha Christie, avec Poirot
aussi. J’ai retrouvé tous les petits plaisirs d’Agatha. Des personnages
simples mais bien brossés, le plaisir d’une histoire bien préparée, solide,
stable, une étude de caractères, un inspecteur surprenant voyant la vérité
avant nous et nous mettant que très subrepticement au courant de ses avancées, de
ses découvertes, une machine bien huilée pour nous montrer que nous sommes
joués par nos perceptions et nos sentiments…. Et à la fin, le feu d’artifice où
nous nous réjouissons de la vérité exposée et du meurtrier arrêté. Bien sur,
tout cela dans une société aristocratique de classes anglaises…
De San Antonio, j’ai lu « la
rue des Macchabés », là encore, j’y ai retrouvé tous les meilleurs
ingrédients, des séductions, des pensées misanthropes et tendres, une histoire
très astucieuse liée à une problématique générationnelle, nationale et enfin et surtout des caricatures ! Oui, San Antonio est une caricature de flic
français séducteur à qui tout réussit avec les femmes, les affaires, le travail,
jugeant avec tendresse et exigence ses contemporains, le tout dans une société
française caricaturée, la France des années 50-60-70 environ, monde des
concierges et gens simples, de la truanderie, de la bourgeoisie françoise. Oui,
il faut aimer les caricatures.
En lisant ces deux livres cette
semaine, je pensais à notre goût des romans policiers et du mien plus
particulier pour ces deux auteurs…
Je pense d’abord que nous aimons les
mystères… L’enquête synthétise, réduit en 200 pages et permet de voir en
quelques images notre recherche personnelle et métaphysique de la vérité. Tous
ces romans sont une reconstitution de la réalité des faits, des causes premières
et des fin dernières d’un évènement. Evènement qui est souvent un meurtre !
Nous avons le gout du sang ? Oui certainement et du morbide aussi (c’est
ici que je rattacherai la mode du film et du roman policier glauque qui croit
gagner en réalisme et ne se complait souvent que dans le triste et le tragique).
Mais nos deux auteurs, à travers l’enquête, les interrogatoires, les indices difficilement
récoltés, le talent des enquêteurs, nous parlent (inconsciemment ?)
de notre difficile recherche de la réalité… Qu’avons-nous vu ? Qui nous
manipule ? Qui ment ? En quoi nos croyances sont fausses ? En
quoi nous sommes meurtriers ? Qui tue ? Pourquoi ? Christie en
particulier joue sans arrêt à manipuler son lecteur. « Vous croyiez cela ?
Mais vous vous trompiez ! Vous avez une mauvaise perception de la réalité
et de la vérité… »
Les motifs du meurtre, chez
Christie, sont bien souvent l’argent, l’amour, l’orgueil, le mensonge, la folie.
On retrouvera souvent aussi le couple caché comploteur cherchant à faire vivre
son amour sur le meurtre d’une vieille femme à héritage, un passé à cacher, un
gout du sang. Tranquillement, Agatha se pose la question de la justice et du châtiment,
ses œuvres les plus célèbres n’ont-ils pas ce sujet dans leur cœur (le crime de l’orient express, les dix petits
nègres), n’y aurait il pas quelques liens à réfléchir avec Dostoievski ?
Dans l’opus lu cette semaine, nous retrouvons le plaisir d’Agatha à berner ses
lecteurs, Hastings représentant le gentil idiot manipulé, croyant ce que tout
le monde croit et qui passe toujours à coté de la vérité alors que Poirot par
ses questionnements décalés va à l’essentiel. Mais plus encore le meurtrier ici
manipulera son monde en se présentant d’abord comme bouc émissaires parfait qui
sera innocenté… Christie touche là de fortes questions girardiennes, la
dissimulation ne se fait plus par le processus de victimisation mais par le
détournement de celui-ci. Agatha Christie préfigurant à sa manière Girard dans
ce livre ??? Autre point commun, cette pensée instinctive qu’au
commencement, il y a le meurtre, ensuite le mensonge, la dissimulation de la
vérité, enfin la révélation de celle-ci. (non pas par le sacrifice du Christ
mais par la connaissance de l’âme humaine et de faits par l’enquêteur… ) Dans le livre de San A, la meurtrière
tue et ment, tue pour quitter le monde bourgeois afin d’en redevenir une plus
grande encore, tue ses complices dont son amant, chacun de ces meurtres est
caché en accident de vie, provoque le suicide de son père et dissimule le
meurtre d’un complice calciné en y ajoutant une carcasse calcinée (elle aussi)
de mouton. Là nous voyons l’idée que derrière le meurtre du bouc-émissaire se cache un
véritable meurtre….
Bref, San Antonio, Poirot et le Christ même
combat ? Dévoiler le meurtre, c’est dévoiler la vérité et la réalité.
Littérature de vacances ? Ou
bien littérature spirituelle ?
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