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lundi 2 mars 2015

Ieshoua de Claude Tresmontant

Vous trouverez ici, le livre de Claude Tresmontant : Ieshoua, Tresmontant nous invite à retrouver Jésus dans sa radicalité et à redécouvrir les Évangiles et l'enseignement du Christ comme un science de l'homme, de l'homme inachevé et complété. Livre magnifique pouvant nous aider à développer une relation plus profonde encore avec celui que notre langue a appelé Jésus.

L'enseignement de Ieschoua est toujours à contre-courant des opinions les mieux assisses, il enseigne le privilège des pauvres et des persécutés.
L'enseignement du rabbi Ieschoua est-il l'enseignement plénier de Dieu ?
Tresmontant va en 26 chapitres dessiner le portrait de Jésus et de ses ambitions.


1 Le guérisseur, Le professeur

Le monde est un paradoxe, il va vers la poussière (l'entropie) mais va aussi vers toujours plus de complexité. L'information ne cesse d'augmenter, refuser les miracles est aussi refuser la possibilité au monde de recevoir de l'information. Dans une création inachevée, rien n’empêche le créateur de continuer à inventer. Jésus par ses guérisons montre que Dieu ne cesse de créer, ré-informer, il communique de l'information par son enseignement, ces deux actions sont inséparables, il communique la science du Royaume de Dieu. Jésus communique les conditions d'une humanité nouvelle, informée par la vie divine.

2 Quelles sont ces conditions ?

-le privilège de la pauvreté.
Jésus ne va pas vers les élites mais vers le rebut, ils ont un privilège. Ils obtiendront justice, la vérité de l'être. Invitation au mépris de l'accumulation, la vie nomade est favorisée. Ieschoua n'enseigne pas le sacrifice par rapport à ces "richesses", il installe les conditions d'une richesse existentielle plus grande. Consentons. Pas de révolution à préparer mais le constat de notre inachèvement de la création qu'il est venu achever. Ne nous battons pas pour la richesse qui est le signe de notre faiblesse. Le révolutionnaire veut aider le misérable, Jésus veut libérer le riche de ses richesses.

-l'abandon du souci. Doctrine de l'insouciance, le souci est lié à un sentiment de solitude et d'abandon. Cela ne prône pas l'oisiveté mais la perception du travail dans sa dimension de shabbat (voir Hadjadj), la vie contemplative est première. Le disciple de Ieschoua est un homme non tourmenté, un homme de paix.

-la douceur génératrice de puissance qui se révèle dans la coopération à l'action créatrice

-La pitié, reconnaitre l'homme dans le prochain

-Excellence de la paix, enseignement judéo-chrétien rare liée à la notion de création. Tresmontant y voit l'origine de l'antijudaisme. L'option de la paix est l'option pour la vie des vivants et sortie du cercle de la violence présent à tous les niveaux de relation. La violence est un phénomène d'autodestruction. Jésus l'affirme même à Pierre quand il se fait arrêter... Remise en cause de la légitime défense. La guerre est quantitative alors que Ieschoua s'occupe des hommes un par un, de chacun de nous ontologiquement. De même on ne peut ré-informer les structures sociales si nous avons réformé avant les structures mentales. Encore, la guerre contre la violence est paradoxale, car le glaive, la doctrine évangélique entre en conflit avec les valeurs d'un système. Le christianisme est en guerre partout...

-la persécution pour la justice. De fait du dernier point....

-Le privilège de l'enfant Le plus important est senti par les plus petits, les philosophes passent à coté. De plus, l'enfant est le tout juste créé.
-Délégitimation des liens du sang et de la nation. Séparation entre Israel et l’Église. Le lien spirituel est le plus fort.




3 Distance avec la religion établie.
Jésus accomplit la loi et ne veut pas que son enseignement soit lourd, il met des différences entre lui et le judaïsme tel qu'il le rencontre souvent.
- Le sabbat n'est pas absolu car Dieu continue de créer,
- Nouvelle perception de la pureté. L'impureté vient du cœur, siège de nos options fondamentales (actes, paroles et pensées sont nos productions. )
- Risque fort d'hypocrisie chez l'homme religieux mais plus encore, ils obstruent le chemin vers la connaissance
- Radicalisation de l'exigence de la loi juive. Elle est au niveau du cœur et des intentions
- Renouvellement de la notion d'amour :
Aimer est la participation à l'action créatrice de Dieu. Le but de cette création est de susciter des êtres capables d'entrer dans l'économie de cette création. L'Agape est créatrice du principe des êtres.
.....

Différences donc, mais aussi maintenance de l'enseignement fondamental biblique. Si Israël ne l'a pas reconnu, cela a permis aux nations païennes d'entrer dans l'économie du monothéisme issu d'Abraham

4 Quelle morale pour le Christianisme ?

Jésus est l'inverse d'un puritain. Il prend des distances avec la morale de son époque, il va là où il faut enseigner et guérir. Avant la morale, il y a la justice rendue à l'être, à la vitalité des êtres, à leur sainteté. Tout moralisme peut devenir trahison de l’Évangile. Pour être cet homme juste, il faut toujours d'abord se reconnaître comme injuste.

La conséquence de cette disposition est l'attention de Jésus à prôner le non-jugement. L'homme ne peut pas juger. Le jugement implique l'exhaustivité de la connaissance de la personne, l'homme jugeant fixe l'homme dans un état précis. On ne peut juger ce qui est en gestation.

5 conséquences attendues de l'enseignement

La conséquence est l'achèvement de l'humanité et le développement du Royaume de Dieu que Jésus décrit par parabole. La graine de la semence contient toute les informations, ensuite tout se développera, il faut ensuite une collaboration (graine-terrain). Le royaume ne cesse de croitre. Cette acquisition de la vie et du royaume ne se fait pas sans renoncement à soi-même. Il faut prendre des risques pour celles-ci. La fécondité appelle sortie de soi. Mais ceci est crucial pour la fructification personnelle. Jésus au final n'enseigne pas d'interdits mais les règles de la fécondité. Il veut une coopération active. Il veut des vivants, des créateurs sans peur.

Pour développer la comparaison du fruit, Ieschoua est celui qui communique l'information créatrice. Il ne faut pas quitter ce corps dont Ieschoua est le principe d'information. (Je suis la vigne véritable.)

Dans les conséquences de cet enseignement, il y a le risque de déperdition et de sélection. Jésus condamne celui qui ne fructifie pas ses dons, de ceux qui arrêtent sa création.

La vie dans son royaume n'est pas automatique. Il faut être avant tout transformé en sa pensée, son être et son agir. Le pardon doit nous revivifier. Prévenons nous de la perdition ultime qui ne se caractérise pas par les péchés de chaire où Jésus se montre indulgent mais par les péchés contre l'Esprit qui est inimité vers l'enseignement de Jésus.

6 La foi

La foi est lié à la raison, elle est confiance en lui et réception de son enseignement. Elle est intuition de la divinité de Ieschoua. Celui-ci est à l'affut de cette foi chez ceux qu'il rencontrent, de ceux qu'il ont confiance en son identité née d'une intuition ou d'une intelligence profonde. Cette intelligence est ébauche de sainteté, intelligence fondée sur expérience, discernement de la réalité spirituelle.

La création va vers son terme, Ieschoua enseigne la vigilance et la veille pour attendre l'heure de l'achèvement, il faut y travailler en attendant.

L'ascèse évangélique, c'est la plénitude du travail accordé à la création en train de se faire, elle est la condition à la création.

Aux disciples de transmettre cet enseignement de feu. Il promet sa présence dans sa parole, l'enseignement, le pauvre secouru et le pain partagé en communauté de foi. Il est la première information et l’Église est le corps, il y a unité organique

7 Conclusion

Ieshoua est un homme qui a bouleversé les personnes qui l'ont connu de près, qui l'on reconnu comme verbe de Dieu incréé. Il a apporté un salut, non seulement par sa mort mais surtout par son enseignement et sa personne même.

En nous, son enseignement est pris en résistance.
N'a pas il dit vrai ? Si oui, il est ce par quoi Dieu le créateur veut achever sa création et diviniser l'homme. Il est la concordance entre vérité et intelligence.

Plus bas, notes au fil de la lecture


jeudi 19 décembre 2013

La violence révélée de Gil Bailie / 2nde partie


Après nous avoir conduit sur la question de la violence actuelle et de son paradoxe moderne, (et avant la troisième partie) Gil Bailie nous propose une lecture de la bible originale et catholique ayant pour but de nous montrer particulièrement comment la Bible est hantée par la question de la violence et du sacrifice et comment elle place ces deux réalités tout au long des livres et de l'histoire de la relation du peuple juif et de Dieu.

Nous pouvons lire la Bible comme l'histoire, le processus à portée universelle du passage du mythe vers la fin du processus victimaire. Le peuple juif est hanté par la question de la complicité avec la violence sacrificielle. La Bible est un texte en travail, en gestation, toute entière en remise en question, en avancée (et en déclin quelquefois) de la pensée anti-sacrificielle.
Cette seconde partie nous dresse le portrait d'une humanité (bien au delà de la Bible que cette partie travaille) fondée, travaillée par le sacré et la révélation biblique.

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Le premier mort de la Bible arrive vite, Abel, il fonde la culture. Déjà la Bible propose sa lucidité et montre qu'elle est le lieu où se donne à voir le combat entre le mythe et la révélation. Voir dans la Bible un livre de violence est une erreur de perspective, c'est ici plus qu'ailleurs que se donne à voir le lieu de la "guerre" contre la violence sacrificielle.

Par Caïn et Abel, la Bible nous montre ce qu'est un sacrifice ou plutôt ce qui se passe quand il rate. Caïn nous montre ce qui se passe quand on essaie de quitter trop brutalement le système sacrificiel. L'innovation en terme de gestion de la violence est dangereuse sans responsabilité morale et religieuse. C'est l'histoire du XXe siècle et de Lamek, se passer des structures sacrificielles sans renoncer aux passions mimétiques.
Au contraire Abraham, passage du sacrifice humain au sacrifice animal, lance une innovation sacrificielle avec pour source une expérience religieuse et une responsabilité morale, il renonce à une forme de sacrifice au nom de Dieu.

Ensuite l'Exode est l'effort d'Israël pour quitter le sacré. La culture juive se fait dans une perpétuelle crise, comment vivre et faire culture quand on prend le parti permanent de la réflexion morale et religieuse de la fin de la violence sacrificielle ? Le Dieu de Moïse se méfie du religieux et se met avec les esclaves. Mais Moise tente trop vite des innovations qui vont se retourner contre le peuple juif (Exode 32-25, 3000 morts), il remet plus de sacrificiel par la suite. Comment faire pour garder la problématique morale et garder une fascination suffisante de la justice divine ? (Lévitique 10, 1) Aaron marque par exemple un grand coup d'arrêt de la révolution sacrificielle, il recourt au mécanisme du bouc émissaire puis au cercle vicieux du nombre d'interdits.

Qui peut donner la légitimité religieuse à la violence ? Qui contrôle la politique ? Celui qui saura mettre en scène le spectacle liturgique. (Nombres 16, 5, 18).
Aujourd'hui, nos scrupules ne permettent plus d'enjoliver la scène et de renforcer l'harmonie sociale. Il faut un ennemi. La guerre sainte peut jouer ce rôle. Josué en traversant le Jourdain, rencontre la violence sacrificielle sous la forme militaire, rituel productif et mobilisateur. 
Si la compagne militaire a des problèmes, contre Aï par exemple (Josué 8), c'est le signe du manque d'esprit de corps, un sacrifice est donc nécessaire. Transfert de la terreur religieuse par sentiment de culpabilité sur la victime. Après la mort du roi d'Aï, il y a la restauration d'un système sacrificiel avec autels primitifs. Les tumulus sont le signe de la lapidation, avalanche mimétique où on ne peut plus reconnaître la victime. Le tumulus est le chaînon manquant entre la violence mimétique et le culte religieux. A ce sujet, il est pertinent de noter que Jésus est toujours menacé à l'intérieur du Temple. c'est le symbole du fait que le zèle pour sacrifier Jésus est ce qui conduit à la destruction du temple (= structure sacrificielle), dilapider les pierre du temple vers Jésus. Josué et Jésus, les deux traversent le Jourdain, l'un vis à vis de Dieu, le second avec Lui. Le 1er construit des monceaux de Pierre, le second tend à les dilapider.... Oui, le tombeau  va être vide....
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Bailie prendra encore du temps pour s'appesantir sur la révélation de la violence sacrificielle par l'intermédiaire des prophètes. Et toujours au centre de cette tension, le fait qu'on ne peut rejeter le sacrifice que de façon sacrificielle.

Elie. Au moment du roi Achab, Elie est en compétition contre 450 sacrificateur de Baal, qui sera le grand prêtre du roi ? Au départ, Elie se moque de ses rivaux et rend leurs sacrifices inopérants, il exploite la frénésie mimétique et la retourne contre les sacrificateurs de Baal. Cela conduit au sacrifice humain de ces sacrificateurs afin de mettre un terme à ces même sacrifices.

Michée: Achab veut envahir Ramot de Galahad, feu vert des prophètes officiels, Michée dit oui, par sarcasme puis annonce l'échec. La prophétie se signale comme affrontements avec les puissants. Le signe du prophète est son immunité contre la mimésis sociale car il a donné sa primauté à Dieu.

Jérémie : Le prophète possède le point de vue anthropologique de la victime mais il est aussi capable de regarder les traces (Jérémie 2, 20), il sait qu'il ne faut pas se débarrasser des tabous pour terminer la violence sacrificielle collective, cela conduit toujours en idolâtrie païenne et en infanticides rituels. Jérémie donne ensuite l'impulsion de la réforme religieuse, éradique sacrifice humain, purifie les cérémonies. Mais la passion anti-sacrificielle de Bethel se retourne en sacrifice en Samarie. Le renouveau de l'orthodoxie se retourne aussi en arrogance, Jérémie est persécuté.

Daniel : histoire de Suzanne, on peut voir cette histoire comme l'épilogue de l'ancien testament et l'introduction du nouveau testament. C'est un drame Shakespearien. Deux hommes installés développent de l'envie pour un homme prestigieux qui se transforme en proposition indécente et en mensonge sur la vertu de sa femme condamnée à tort pour adultère. Daniel pris par l'Esprit Saint défend Suzanne, dévoile les véritables menteurs. Mais curieusement, le défenseur se retrouve accusateur. D'une certaine manière Daniel crée le système judiciaire, il est aussi saisi par le zèle sacrificateur. L'indignation vertueuse créatrice de normes sociales. Il est toujours important de définir les culpabilités, mais très souvent, le processus mimétique se relance. Finalement Daniel joue le rôle de l'ange qui attire l'attention d'Abraham sur le bélier. Notre système judiciaire est conçu pour produire des variantes de cette conclusion heureuse pour une foule encline à la mise à mort. Daniel donne sens et légitimité à la violence. C'est toujours malgré tout l'origine de nos systèmes judiciaires.
L'histoire de Suzanne est l'histoire d'une réformation de système politico-social avec résolution heureuse de la crise et prestige social accru pour le héros grâce à son souci des victimes.

Esprit Saint, Esprit de vérité et de justice, sa révélation sera positive ou négative si nous vivons les temps de crises en nous protégeant de celles-ci et si nous regardons le ciel. Car l'Esprit biblique se soucie plus de progrès religieux que de progrès sociaux juridiques qui n'en sont que des conséquences. Entre Daniel et Jésus (et la femme adultère), il y a encore un écart, Jésus ne recherche pas à dévier, à utiliser la violence sacrificielle.

Si nous comprenons bien aussi la phrase de Jésus (Luc 11, 50, 51), un prophète n'est pas seulement une bonne personne morale, mais peut être aussi une personne dont on ne voit pas sur le coup que leur mort a resserré les liens de la communauté (et dont nous devrons répondre de leur sang), finalement, les deux prophètes l'histoire de Suzanne sont les deux vieillards lubriques...
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Au final, ce dont parle la Bible, c'est de la lutte entre deux représentations religieuses, le dieu violent et le Dieu déconstructeur de la violence, un Dieu qui demande de rendre compte des meurtres que nous voulions (consciemment ou non) sacrifice régénérateur. Nous devons à la fois nous repentir de la violence de notre justice et nous rappeler le mystère de la transcendance divine. Méfions nous de ceux qui ne veulent pas se repentir de leur justice (les conservateurs) et de ceux qui pensent sortir de la crise où nous sommes sans nous poser la question de la transcendance divine.




Ci dessous note chapitre par chapitre :


vendredi 26 juillet 2013

Hadjadj contre la "saine famille" de Michel Serres


Dans un article récent, Fabrice Hadadj réagit et contredit l'article de Michel Serres paru dans le magazine "Etude" sous le titre "La saine famille". Disputatio à quelques semaines d'écart pour éclaircir la nature de la Sainte Famille et la légitimation ou non du mariage homosexuel par la théologie catholique. Ces deux articles sont payants encore, je ne peux vous les mettre à disposition.
Parmi les catholiques, sans en connaître la proportion, il y a une séparation sur ce thème (dont voici deux exemples, ici et ), ces articles ne reprennent pas tous les arguments entendus, ils touchent plus particulièrement la délicate question de la défense de la famille "naturelle" et des liens du sang malgré tout.

Ici, Hadjadj fait oeuvre de santé publique en luttant contre les fausses évidences de notre temps. Les liens charnels, en plus d'être complétés et sanctifiés par le Christ dans ses liens avec Marie et Joseph, sont pris en exemple et utilisés par le Christ pour donner naissance à la fraternité universelle en lui, et non l'inverse. Ce n'est pas la fraternité universelle qui légitimerait les liens de sang.
Évitons tous les universalismes désincarnés qui, croyant offrir la paix au monde, éloignent de l'amour véritable qui est don reçu et, d'une certaine manière, toujours engendrement.
Les tendances modernes ne sont qu'un réchauffement de la gnose chrétienne méprisant l'incarnation, mettant en opposition la grâce et la nature, alors que cette première élève et guérit la seconde.
Cette gnose, en plus d'être une erreur est un chemin de fausse sagesse, de violence et d'indifférentiation, ne rendant hommage ni à Dieu, ni à l'homme.

In fine, la famille naturelle est l'icone de l'amour surnaturel. Saurons nous la protéger et l'honorer ?

Ci dessous, voici un résumé du texte de Fabrice Hadjadj.



Thèses de Michel Serres,
Serres prétend fournir un point de vue proprement théologique à la question du mariage homosexuel.
La thèse essentielle de Serres est que la Sainte Famille chrétienne déconstruit la famille naturelle. Il faudrait en tirer, alors, les conséquences.
En effet, en celle ci tout y est surnaturel, anormal, Il y aurait de la GPA dans l'annonciation, Joseph ne serait qu'un père adoptif. Les revendications homoparentales sont donc évangéliques.
Serres reproche à l'Eglise, dans ce débat, de se positionner sur des arguments anthropologiques et de refuser l'observation de l’Évangile.
Ensuite, Serres part des analyses de Francis Fukuyama sur le refus du moyen Age chrétien du mariage des hommes destinés à la prêtrise. Fukuyama pense que ce refus venait du désir d'empêcher la création de dynasties catholiques puissantes. Le célibat ne fut donc pas pour le "Royaume" mais contre les royautés dynastiques et surtout contre tout lien du sang.

Hadjadj diagnostique (en plus de la fragilité des arguments) un mépris de l'incarnation. Que sont devenus la généalogie des Évangiles ? Qu'est devenu le cousin Jean Baptiste ? La sainte famille refuse les liens de sang ?

Serres oppose les liens de sang raciaux, tribaux et excluant avec les liens choisis, liens libres et individuels, par amour. (ne parlons pas de la triade féminine perçue par Serres)

En quoi Serres est hérétique et est dans l'erreur par sa conception de la grâce.

Serres commet une erreur gnostique en mettant en contradiction le Dieu créateur et le Dieu rédempteur. En effet, il oppose Grâce et nature. Le surnaturel entre en concurrence avec le naturel et le culturel. La grâce chasserait l'ancien par le neuf (à l'encontre de Mt 13,5, du trésor sort du neuf et du vieux). Cette logique de la mode est aussi suggérée par le reproche fait à l'Eglise de s'appuyer sur des arguments anthropologiques. Or si l’anthropologie et la théologie diffère cela signifierait que l'incarnation de Jésus serait bancale et qu'il y aurait contradiction entre raison et foi. Le verbe incarné n'éclairerait pas vraiment le mystère de l'homme. Problème...

Serres voit aussi dans cette sainte famille une brisure avec l'ancien testament. Ce qui était exclusion tribale juive devient inclusion à tous.
C'est d'abord une vision étroite de l'élection juive qui oblige plus qu'elle n'exclut. (même si privilège, il y a) Puis, cela confirme la tendance gnostique de la pensée de Serres, qui voit dans la matière un piège créé par une entité mauvaise pour piéger les hommes destinés à être pur esprit. Dualisme de la liberté contre la nature, de la chair contre l'esprit, des liens de sang contre les essors de l'amour. Serres devient disciple de Valentin et Marcion.
Contre les cathares, Saint Thomas d'Aquin répétait : La grâce ne détruit pas la nature, mais l'achève, la comble.
La grâce complète la nature de l'homme. Elle l'affermit dans sa propre nature et la tire vers le surnaturel. Elle l'élève et la guérit. (Mathieu 5, 17, pas venu abolir mais accomplir.) Plus le Christ divinise, plus il humanise. Les deux vont ensemble. Tout homme est appelé à être greffé sur l'olivier franc.

Certes, le naturel humain est introuvable. Quelques fois réduit au  biologique et à l'animal ou bien en un ensemble d'invariants transculturels que l'on continue de chercher. Certains alors souhaitent le rayer de la carte. Car, en effet, la famille naturelle comme la raison, ne se trouve que rarement à "l'etat naturel". Mais la grâce ne vient pas renverser une nature perverse, elle vient guérir une nature blessée. L'affirmation du naturel est toujours un combat. Surtout quand la raison devient utilitariste... La "famille naturelle" devient autant trésor de la culture que don de la nature.

Amour de sang / Amour de charité

Mais pourtant le Christ ne nous a-t-il pas appris à aimer universellement quelle que soient nos identités non choisies ? Certes, cet amour dépasse les promiscuités mais il ne les défait pas.
De même, tout lien d'adoption se fabrique à partir d'un lien de sang préexistant. De même encore, la famille naturelle demeure l'analogie majeure pour exprimer le Royaume.
De même toujours, c'est au prix de son sang qu'il rachète tout homme et fait d'eux des frères. C'est par ce lien de sang tant honni par Serres que Jésus justifie la fraternité humaine, plus encore cette fraternité n'est pas un choix, une décision individuelle mais un fait auquel nous devons consentir et qui est difficilement choisissable vu le nombre d'enquiquineurs....
il y a un écart entre la fraternité chrétienne et "l'universalisme philanthropique, volontariste et plein de bonne conscience".
Pourquoi Serres a la certitude que les liens de sang seraient le principe de la violence et les liens adoptifs, choisis, les prodromes d'une civilisation de bonté ? Or les liens individuels purs sans lien de parenté est proche de la situation totale d'indifférentiation et donc propice à la guerre du tous contre tous.
N'est ce pas non plus dans ces horribles liens de sang que l'on peut découvrir l'amour le plus universel et l'amour sans condition, sans arbitraire, sans performances. L'adoption prend modèle sur cette parenté et non sur un marché des orphelins.
la charité trouve son analogie première dans les amours familiales les plus charnelles. Le Dieu qui veut nous ouvrir à l’amour inconditionnel de chaque visage savait ce qu’il faisait lorsqu’il créait l’homme et la femme : comment y aurait-il meilleure preparatio evangelica que ce qui procède des sexes ?

Les liens familiaux dans l'Evangile
Le terme adoption est utilisé par Saint Paul pour parler de notre vocation d'enfant de Dieu. Adoption qui nous permet de percevoir l'héritage divin. Cela est si proche de la filiation par engendrement que Saint Jacques préfère utiliser ce lexique. (Jc 1, 18)

Il ne faut pas diminuer, non plus, la paternité de Joseph. C'est de lui que Jésus retire sa généalogie. Jésus n'a pas d'autre homme pour père, Jésus est le fils de sa future femme légitime (et quelle légitimité!). Ce n'est pas de la nature qu'il tient sa paternité mais de l'auteur de la nature.Sa paternité est donc plus que naturelle.

Serres prétend aussi que Marie n'est pas absolument la mère, alors qu'elle est la mère absolument.
L'annonciation n'est pas vraiment un "choix individuel par amour" mais est le couronnement de l'ancien testament. Marie, nouvel Ève, qui ne dit pas "j'ai acquis un homme de par le Seigneur" (Gn 4,1) signe d'une possessivité étouffante qui explique souvent la stérilité débutante des matriarches, sevrage pour mieux accueillir le don du Tout Autre. Marie est le symbole extrême de cet accueil. L'annonciation est le contraire d'un planning, d'une PMA ou d'un GPA, d'une volonté démiurgique et de fantasmes de papa-maman.
Quel est, alors, le sens de l'Annonciation pour la famille naturelle ? Hadjadj répond :
Non pas défaire les liens du sang, mais rappeler, selon la constante affirmation juive, que le sang, c’est la vie, et que la vie ne nous appartient pas, qu’elle est mystère dans sa source et dans son embouchure, et que nous ne saurions avoir sur elle la mainmise sans la détruire.


Conclusion

La saine famille de Michel Serres ne vas pas dans la direction de la sainteté mais d'un certain hygiénisme psychologique, d'une normalisation technique et illusoire de la parenté. Rien ne remplacera l'accueil de ce qui nous est donné (malgré ses bêtises, ses péchés, ses faiblesses). Ce n'est pas en choisissant sa famille que l'on arrête ses névroses. C'est imaginer une cure radicale à nos maux intimes venant de la furie ténébreuse des sexes.
En croyant "rationnaliser" les relations, on va contre la révélation pour qui la famille "naturelle" est l'icone du surnaturel. La différence des sexes est cette ouverture folle au mystère d'amour constitutif de notre vie. Mystère si souvent broyé par non reconnaissance de l'amour et différence souvent reniée par l'orgueil du refus de l'insupportable fait.

dimanche 26 mai 2013

Avons-nous besoin d'un bouc-émissaire ? Schwager

Girard a très souvent cité Raymund Schwager.  Le citant souvent comme co-fondateur de la théorie mimétique.(exemple dans cette interview) Compagnon de travail lui faisant "renier" une partie de son livre "Des choses cachées depuis la fondation du monde" sur une interprétation non orthodoxe de l’épître aux hébreux et sur l'acceptation du terme de sacrifice pour Jésus.
Son livre le plus célèbre est celui-ci. En voici une fiche de lecture et quelques extraits qui me furent marquants. J’espère vous faire ainsi partager la lumière de ce beau livre qui me semble tellement nécessaire à chacun. La postface de Girard viendra plus tard dans le temps.
Après un résumé des théories girardiennes, Schwager s'évertuera à montrer ensuite la cohérence de celle-ci par l'unité qu'elles provoquent entre l'Ancien et le Nouveau Testament tout en éclairant d'une lumière aussi nouvelle que traditionnelle le mystère de la rédemption du Christ.
Accepterons nous l'importance du phénomène du bouc-émissaire dans nos vies ?


En introduction, Schwager dit combien l'oeuvre de Girard est importante pour la théologie Chrétienne. Il le dit en 78 après "la violence et le sacré" mais avant "de ces choses cachées depuis la fondation du monde". Le travail de ce livre est de montrer la déflagration que permet Girard dans l'environnement de la théologie qui s'est un peu égarée selon Schwager et s’éloigne de l'essentiel.
Le livre est en trois parties. Un résumé original et protecteur très convainquant des théories girardiennes, une lecture de l'ancien testament à partir de celles-ci puis la confrontation de cette lecture avec le nouveau testament avec pour objectif une interprétation synthétique de l'ancien et du nouveau testament.

I René Girard : La violence et le sacré.
Schwager appuie sur 4 points principaux pour présenter les théories de René Girard

L'importance de la violence et du sacrifice dans les sociétés humaines.
 En quoi la violence est la menace de tout groupe humain, comment le sacrifice et les tabous sont les médicaments et les poisons de celle-ci. La colère et non la sexualité comme dernier ressorts des actes humains.
La mimesis.
Aidé d'exemples dostoievskiens, Schwager montre comment Girard découvre la carence ontologique des hommes. La souffrance de ne pas être Dieu et de voir l'autre comme barrière à ce désir. Il détient la plénitude de l'être et me montre mon insuffisance fondamentale. On peut à la rigueur désirer que les autres nous prennent pour une idole. Mais cette blessure partagée conduit les désirs humains à se confronter et à devenir rivaux ainsi qu'à généraliser dans la communauté la violence. Le sacré est une protection existentielle à la communauté.
Le bouc émissaire
Le Bouc-émissaire est la victime innocente que la communauté croit vraiment coupable. Sacrifiée, elle redonnera la paix et se révélera souvent comme  le dieu de la religion sacrée.
Enfin Schwager défend la théorie contre certaines objections.
Freud à qui la sexualité dissimule la nature du désir. L'attention de Girard à la scientificité de ses recherches. Même par la révélation de la violence au plus intime  des communautés, il permet de voir l'angle mort, le point noir de toute recherche scientifique. Girard est aussi confronté à Hegel, quête de l'universalité et intuition de la violence dans les relations humaines. Pour Hegel, la conscience conduit à la vertu par la disposition au bien de la marche du monde (et par sa ruse). Mais Hegel tout en s'en approchant rate la nature mimétique du désir et le bouc-émissaire.

Tout sacré peut être vu dans une perspective sociale et intersubjective. Alors le véritable religieux n'est-il pas dans cette révélation que Girard voit dans la Bible ? Schwager poursuit la démonstration.

II Ancien Testament : du Dieu de la vengeance au Dieu de la paix


La violence est un thème central de l'ancien testament. Dans un schéma progressif, Schwager convainc à montrer que l'ancien testament est un chemin broussailleux vers la sortie du monde sacré de la violence. Il y a des retours en arrière, des pièges, des découvertes. Il n'y a pas de chemin clair, la représentation est partielle. Mais toute violence divine se révèle être transmise par des intermédiaires et puis petit à petit, de plus en plus clairement, toute violence est humaine. Le lien est toujours réalisé entre mimésis humaine et intervention de la violence divine.


La répulsion que Dieu communique des sacrifices dans Isaïe en est un autre signe. L'intuition girardienne nous permet de lire différemment aussi l'histoire d'Abel et Caïn.
P148 Le texte montre que c’est celui dont le sacrifice n’a pas rempli sa fonction qui est devenu un meurtrier. Ce n’est pas parce que Caïn était mauvais que son offrande a été écarté ; c’est parce que son offrande n’a pas atteint le but souhaité qu’il est devenu rival et meurtrier. Les textes vétérotestamentaires considèrent – en adéquation exacte avec la théorie de Girard- les sacrifices sous un double éclairage. D’un coté, certaines assertions indiquent que la violence surgit là où les sacrifices ne fonctionnent plus correctement. D’un autre coté, à cause justement d’une vue plus pénétrante de l’essence de la violence, l’inefficacité des sacrifices à débarrasser la communauté du mal est reconnue. Caïn a versé le sang car son offrande n’a pas été agréée.
Mais au delà de cette science du sacrifice, Dieu révèle sous son nom, une relation de confiance et de paix qui est exportable dans la société. Au contraire, tout homme ne lui faisant pas confiance se met à portée de la violence et du meurtre. La foi chrétienne pense notamment que le dénominateur commun de l'ancien testament se trouve dans Jésus, ainsi devant les mouvement disparate dans la révélation de la violence dans l'ancien testament ne trouve son ordre et sa clarté que dans l'enseignement et la vie du Christ.

III  Jésus, Bouc-émissaire du monde
Girard pense que sa théorie est déjà là toute offerte dans les Évangiles  A sa suite, Schwager le montre par l'importance de la parabole de la pierre d'angle (Luc 20 ; sa "clef herméneutique"). Signe de l'importance de la violence et de l'incapacité humaine à la voir comme fondatrice. Ensuite, Schwager expose des propos que je trouve très ambitieux. il pousse radicalement le lien entre péché, meurtre, mensonge et méconnaissance de l'homme de les pratiquer. La volonté de tuer et de mentir est le coeur du péché enfoui en l'homme pour son malheur  et c'est la cible de Jésus. Comment lutter contre cet aveuglement et cet entêtement humain ?
Schwager ensuite démontre en quoi Jésus est un bouc-émissaire et en quoi ce thème est central dans les Evangiles. Pour Schwager, derrière tous les boucs émissaires, Dieu est visé, il est donc normal qu'il y ait été vu dans le passé un signe de Dieu dans les boucs émissaires du passé. La violence est enracinée au coeur de l'humain mais ne fait pas partie de son essence.
Partant de là, il explicite la rédemption d'une manière qui m'est tout à fait nouvelle, ou alors plus précise. Par sa mort sur la croix, Jésus a révélé la violence humaine qui fut de tout temps orientée (sans le savoir) sur lui et son père. Il vient pour répondre présent et pour prendre la violence qui lui fut de tout temps (hier, aujourd'hui, demain) attitrée. Jésus est le vrai bouc-émissaire apportant la véritable paix. Le principe païen, comme l'a toujours dit Girard, est l'intuition et la préhistoire de la rédemption.
La parole de Christ devient alors la révélation de l'amour de Dieu car il confronte les hommes avec leur propre violence. La colère de Dieu est la conséquence de la liberté laissées aux hommes dans leurs actions tourné contre Dieu et inversion des relations entre les hommes, la colère est le déchaînement possible de la violence de l'humanité qui n'a plus de sens puisque Jésus y a répondu. Cette violence est ignorance de Jésus. Mais l'Esprit Saint travaille et continue le rassemblement par l'éducation à la vérité des hommes.


En perspective, l’œuvre de Girard, outil de liaison, d’unité et de cohérence entre l’ancien et le nouveau testament.
Œuvre tellement forte qu’on peut se demander pourquoi personne n’avait explicité avant la rancune contre Dieu. La violence aveugle… L’herméneutique de la pierre rejetée a tellement été rejetée que les chrétiens se sont cherché des bouc-émissaire comme les juifs ou bien même Adam d’une certaine manière… Mais cette vérité a agi comme le levain.
Girard aussi est l’accomplissement chrétien des penseurs athées (et souvent anti-religieux)qui ont importé la critique des prophètes dans la pensée des sciences humaines. Mais Girard est aussi le signe d’un progrès de l'époque de cette humanité plus consciente des boucs émissaires et (avec la science) plus consciente de la violence apocalyptique.


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Quelques extraits :