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vendredi 5 juillet 2013

Postface girardienne à "Avons nous besoin d'un bouc-émissaire"


 Comme promis, voici la note dédiée à la postface de René Girard à la fin du livre de R. Schwager, Avons nous besoin d'un bouc-émissaire?
Cette postface touche un point très important dans le chemin intellectuel de Girard. Comme il l'a avoué dans cette postface (qui fut édité dans un autre ouvrage précédemment), il s'est trompé en refusant le terme de sacrifice pour la mort de Jésus et en jugeant que l'Eglise était fondé sur une une mauvaise perspective de celui-ci.... (voir sa lecture de la lettre aux hébreux dans "les choses cachées depuis la fondation du monde.")
Il exprime ici son regret et son ralliement aux thèses contemporaines à ses recherches du jésuite Raymund Schwager.  Girard explique qu'il refusait le terme "bouc émissaire" pour Jésus. Conscient de la lecture chrétienne du mythe, il ne voulait pas compromettre le christianisme avec une quelconque dimension mythologique. Or on ne peut pas se couper du sacrifice, on ne peut que s'éloigner du sacrifice païen qu'en prenant le risque du sacrifice chrétien qui met une fin à tous les sacrifices. Acceptons la dimension provocante de la continuité du religieux.

Cette histoire peut sembler une affaire byzantine pour beaucoup de chrétiens. Elle me semble importante dans notre propre compréhension de la violence, du sacrifice et de notre salut par le Christ.

Ci dessous un petit résumé personnel de cette fameuse postface.

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Jésus, l’agneau de Dieu qui porte le péché du monde. Dieu l’a fait comme le pécheur par excellence. C'est à partir de ces faits de la tradition catholique que Schwager aide à comprendre comment le processus du bouc-émissaire peut nous faire saisir la rédemption du Christ.
Girard explique qu’à partir de ses premiers travaux, Schwager et lui-même en sont venus aux mêmes conclusions parallèlement mais que Schwager est allé plus loin sur la question de la rédemption du Christ se faisant lui-même bouc émissaire (péché pour Saint Paul). 

Girard se pose la question suivant : Qu’est ce qui m’empêchait de voir en Jésus un « bouc-émissaire » qui se sacrifie pour les hommes ?
Rappel de l’histoire de l’anthropologie. Ce sont des positions antichrétiennes mais cherchant des lois universelles et non des différences comme maintenant qui ont inauguré l'histoire de l'anthropologie. Et pourtant, lui a découvert que le christianisme est différent. Il perçoit que les victimes sont innocentes. Moralisme idiot pour Nietzsche, vérité selon Girard. Coïncidence entre morale et vérité.  On ne peut réduire le christianisme au mythique. On peut seulement lire le mythique avec le christianisme.
Donc, le rapprochement du christianisme aux mythes du bouc émissaire sacralisé effrayait Girard. La paix du Christ serait-elle la paix des boucs-émissaires ?!
Pour lui, La théorie mimétique permettait de frapper l’idéologie relativiste à la tête. Girard voulait alors effacer complètement le terme de sacrifice pour Jésus.
Or le sacrifice du Christ est invitation à refuser la logique mimétique de la violence. Il faut abandonner au rival l’objet du litige. Ce n’est pas pour jouer au jeu sacrificiel qu’il se voue au sacrifice, c’est pour y mettre fin. La différence entre le sacrifice mythique et chrétien se retrouve dans la différence qu’il y a entre les deux prostitués devant Salomon pour le jugement de maternité. Girard a donc parlé de christianisme non sacrificiel. Or il ne faut pas absolutiser la recherche de lien non-sacrificiel tout en reconnaissant la différence fondamentale entre les deux sacrifices. Il ne faut pas effacer l’unité paradoxale du religieux d’un bout à l’autre de l’histoire humaine.
On ne peut refuser le premier sacrifice qu’en assumant le risque du second sacrifice. Il est illusoire de chercher un lieu d’observation non sacrificiel.
Si les deux sacrifices se ressemblent c’est parce que la violence imite l’amour du Christ.

dimanche 26 mai 2013

Avons-nous besoin d'un bouc-émissaire ? Schwager

Girard a très souvent cité Raymund Schwager.  Le citant souvent comme co-fondateur de la théorie mimétique.(exemple dans cette interview) Compagnon de travail lui faisant "renier" une partie de son livre "Des choses cachées depuis la fondation du monde" sur une interprétation non orthodoxe de l’épître aux hébreux et sur l'acceptation du terme de sacrifice pour Jésus.
Son livre le plus célèbre est celui-ci. En voici une fiche de lecture et quelques extraits qui me furent marquants. J’espère vous faire ainsi partager la lumière de ce beau livre qui me semble tellement nécessaire à chacun. La postface de Girard viendra plus tard dans le temps.
Après un résumé des théories girardiennes, Schwager s'évertuera à montrer ensuite la cohérence de celle-ci par l'unité qu'elles provoquent entre l'Ancien et le Nouveau Testament tout en éclairant d'une lumière aussi nouvelle que traditionnelle le mystère de la rédemption du Christ.
Accepterons nous l'importance du phénomène du bouc-émissaire dans nos vies ?


En introduction, Schwager dit combien l'oeuvre de Girard est importante pour la théologie Chrétienne. Il le dit en 78 après "la violence et le sacré" mais avant "de ces choses cachées depuis la fondation du monde". Le travail de ce livre est de montrer la déflagration que permet Girard dans l'environnement de la théologie qui s'est un peu égarée selon Schwager et s’éloigne de l'essentiel.
Le livre est en trois parties. Un résumé original et protecteur très convainquant des théories girardiennes, une lecture de l'ancien testament à partir de celles-ci puis la confrontation de cette lecture avec le nouveau testament avec pour objectif une interprétation synthétique de l'ancien et du nouveau testament.

I René Girard : La violence et le sacré.
Schwager appuie sur 4 points principaux pour présenter les théories de René Girard

L'importance de la violence et du sacrifice dans les sociétés humaines.
 En quoi la violence est la menace de tout groupe humain, comment le sacrifice et les tabous sont les médicaments et les poisons de celle-ci. La colère et non la sexualité comme dernier ressorts des actes humains.
La mimesis.
Aidé d'exemples dostoievskiens, Schwager montre comment Girard découvre la carence ontologique des hommes. La souffrance de ne pas être Dieu et de voir l'autre comme barrière à ce désir. Il détient la plénitude de l'être et me montre mon insuffisance fondamentale. On peut à la rigueur désirer que les autres nous prennent pour une idole. Mais cette blessure partagée conduit les désirs humains à se confronter et à devenir rivaux ainsi qu'à généraliser dans la communauté la violence. Le sacré est une protection existentielle à la communauté.
Le bouc émissaire
Le Bouc-émissaire est la victime innocente que la communauté croit vraiment coupable. Sacrifiée, elle redonnera la paix et se révélera souvent comme  le dieu de la religion sacrée.
Enfin Schwager défend la théorie contre certaines objections.
Freud à qui la sexualité dissimule la nature du désir. L'attention de Girard à la scientificité de ses recherches. Même par la révélation de la violence au plus intime  des communautés, il permet de voir l'angle mort, le point noir de toute recherche scientifique. Girard est aussi confronté à Hegel, quête de l'universalité et intuition de la violence dans les relations humaines. Pour Hegel, la conscience conduit à la vertu par la disposition au bien de la marche du monde (et par sa ruse). Mais Hegel tout en s'en approchant rate la nature mimétique du désir et le bouc-émissaire.

Tout sacré peut être vu dans une perspective sociale et intersubjective. Alors le véritable religieux n'est-il pas dans cette révélation que Girard voit dans la Bible ? Schwager poursuit la démonstration.

II Ancien Testament : du Dieu de la vengeance au Dieu de la paix


La violence est un thème central de l'ancien testament. Dans un schéma progressif, Schwager convainc à montrer que l'ancien testament est un chemin broussailleux vers la sortie du monde sacré de la violence. Il y a des retours en arrière, des pièges, des découvertes. Il n'y a pas de chemin clair, la représentation est partielle. Mais toute violence divine se révèle être transmise par des intermédiaires et puis petit à petit, de plus en plus clairement, toute violence est humaine. Le lien est toujours réalisé entre mimésis humaine et intervention de la violence divine.


La répulsion que Dieu communique des sacrifices dans Isaïe en est un autre signe. L'intuition girardienne nous permet de lire différemment aussi l'histoire d'Abel et Caïn.
P148 Le texte montre que c’est celui dont le sacrifice n’a pas rempli sa fonction qui est devenu un meurtrier. Ce n’est pas parce que Caïn était mauvais que son offrande a été écarté ; c’est parce que son offrande n’a pas atteint le but souhaité qu’il est devenu rival et meurtrier. Les textes vétérotestamentaires considèrent – en adéquation exacte avec la théorie de Girard- les sacrifices sous un double éclairage. D’un coté, certaines assertions indiquent que la violence surgit là où les sacrifices ne fonctionnent plus correctement. D’un autre coté, à cause justement d’une vue plus pénétrante de l’essence de la violence, l’inefficacité des sacrifices à débarrasser la communauté du mal est reconnue. Caïn a versé le sang car son offrande n’a pas été agréée.
Mais au delà de cette science du sacrifice, Dieu révèle sous son nom, une relation de confiance et de paix qui est exportable dans la société. Au contraire, tout homme ne lui faisant pas confiance se met à portée de la violence et du meurtre. La foi chrétienne pense notamment que le dénominateur commun de l'ancien testament se trouve dans Jésus, ainsi devant les mouvement disparate dans la révélation de la violence dans l'ancien testament ne trouve son ordre et sa clarté que dans l'enseignement et la vie du Christ.

III  Jésus, Bouc-émissaire du monde
Girard pense que sa théorie est déjà là toute offerte dans les Évangiles  A sa suite, Schwager le montre par l'importance de la parabole de la pierre d'angle (Luc 20 ; sa "clef herméneutique"). Signe de l'importance de la violence et de l'incapacité humaine à la voir comme fondatrice. Ensuite, Schwager expose des propos que je trouve très ambitieux. il pousse radicalement le lien entre péché, meurtre, mensonge et méconnaissance de l'homme de les pratiquer. La volonté de tuer et de mentir est le coeur du péché enfoui en l'homme pour son malheur  et c'est la cible de Jésus. Comment lutter contre cet aveuglement et cet entêtement humain ?
Schwager ensuite démontre en quoi Jésus est un bouc-émissaire et en quoi ce thème est central dans les Evangiles. Pour Schwager, derrière tous les boucs émissaires, Dieu est visé, il est donc normal qu'il y ait été vu dans le passé un signe de Dieu dans les boucs émissaires du passé. La violence est enracinée au coeur de l'humain mais ne fait pas partie de son essence.
Partant de là, il explicite la rédemption d'une manière qui m'est tout à fait nouvelle, ou alors plus précise. Par sa mort sur la croix, Jésus a révélé la violence humaine qui fut de tout temps orientée (sans le savoir) sur lui et son père. Il vient pour répondre présent et pour prendre la violence qui lui fut de tout temps (hier, aujourd'hui, demain) attitrée. Jésus est le vrai bouc-émissaire apportant la véritable paix. Le principe païen, comme l'a toujours dit Girard, est l'intuition et la préhistoire de la rédemption.
La parole de Christ devient alors la révélation de l'amour de Dieu car il confronte les hommes avec leur propre violence. La colère de Dieu est la conséquence de la liberté laissées aux hommes dans leurs actions tourné contre Dieu et inversion des relations entre les hommes, la colère est le déchaînement possible de la violence de l'humanité qui n'a plus de sens puisque Jésus y a répondu. Cette violence est ignorance de Jésus. Mais l'Esprit Saint travaille et continue le rassemblement par l'éducation à la vérité des hommes.


En perspective, l’œuvre de Girard, outil de liaison, d’unité et de cohérence entre l’ancien et le nouveau testament.
Œuvre tellement forte qu’on peut se demander pourquoi personne n’avait explicité avant la rancune contre Dieu. La violence aveugle… L’herméneutique de la pierre rejetée a tellement été rejetée que les chrétiens se sont cherché des bouc-émissaire comme les juifs ou bien même Adam d’une certaine manière… Mais cette vérité a agi comme le levain.
Girard aussi est l’accomplissement chrétien des penseurs athées (et souvent anti-religieux)qui ont importé la critique des prophètes dans la pensée des sciences humaines. Mais Girard est aussi le signe d’un progrès de l'époque de cette humanité plus consciente des boucs émissaires et (avec la science) plus consciente de la violence apocalyptique.


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Quelques extraits :