Ils se sont tant mal aimés.
Nous sommes à Rome, une belle terrasse. C’est la soirée, la maîtresse de maison a bien préparé l’événement, un grand groupe d’amis vieillissants se retrouve, se dispute, s'asticote. Nous allons suivre successivement 5 personnes de cette assemblée, leur relation entre eux et les autres membres de ce réseau culturel et politique. Oui, ce sont les intellectuels des années 70. Ils ont vieillis, ils sont déçus, ils sont tristes ou en colère. Heureusement, il leur reste le chant, les bon mots et… peu de choses finalement.
La construction de ce film est très travaillée. Les interactions entre les différents personnages au moment de la soirée puis ensuite dans les six scènes consacrés à un personnage en particulier sont très subtiles. Tout cela rajoute à l’intérêt de cette symphonie et de ce tableau d’ensemble.
L’un est un scénariste de film à succès qui n’a plus d’inspiration et qui devient fou à chercher à faire rire les gens… On découvre petit à petit que ses problématiques sont aussi celles du réalisateur, comment faire rire de l’époque alors que l’on en est soi-même dégoutté et le film semble le fruit des bouleversements intellectuels et intimes d'Ettore Scola.
Le second, journaliste sans plus aucun idéal vit sa vieillesse comme un naufrage, la seule femme qu’il ait vraiment aimée est devenue son propre monstre incontrôlable. Du verbe, de l’orgueil et de la recherche de pouvoir… Tout coule et nous aussi, les femmes sont nos rivales et non plus nos bien-aimés…Plus rien n'est possible entre nous...
Le troisième, Sergio, disparaît petit à petit, ne mange plus pour mieux disparaître, il résiste, on l’oppresse et il meurt comme son héros favori de capitaine Fracasse, il n’aura plus à jouer aucun rôle… sa femme à lui était parti on ne sait plus où…Il n'y a plus la place dans ce monde pour les héros. Ceux ci se meurent de dépression..
Le quatrième, enrichi par des succès vulgaires dont il est le producteur se lance dans la production d'un cinéma d’avant garde pour essayer de reconquérir sa jeune femme intellectualisante, belle et distante… Il ne fera qu’émerger un cinéaste arrogant, orgueilleux, qu'amener sa propre ruine et entériner la chute définitive de son mariage... Impasse du cinéma italien soit abrutissant, soit méprisant et chute d'une milieu habile pour le succès mais dont la vie se révèle être un désastre.
Le cinquième, homme politique italien du parti communiste devient amoureux d’une jeune femme fragile et délaissée par un mari commercial stressé. Il se fait reprendre par la patrouille morale de son parti et est mis au placard. Il rêve de crier haut et fort son désir d’être honnête envers sa tendre femme. La fidélité à son parti et à sa femme ne font plus qu'un et sont impossibles quand notre héros se désespère de lui-même et de son temps....
Nous les retrouvons enfin tous les quatre et tous les autres amis sur la terrasse pour les funérailles de Sergio, ils seront tous en colère et chanterons tous autour du piano pour leurs belles et puis parce que c’est ce qu’il y a de mieux à faire désormais.
Il me sera difficile de rende hommage à ce film tant il y a de détails à noter et à mettre en exergue et comment tous ces détails créent une cohérence artistique et de sens.
Mais au fond, ce film est incroyablement désabusé… Tout est tombé, nous sommes vieux et laids, nous avons des problèmes de cœur (sauf le scénariste qui ne voit pas les vertus de sa femme), professionnels et nous ne faisons que des mauvais choix dans ce monde que nous avons créé et qui nous détruit maintenant…. Les femmes, la création artistique et la société. Voila ce qui est important pour ces hommes. Et voila que tout ce qu’ils ont créé les rend fous ou malheureux
Les femmes… ils leur ont tout appris, tout donné, ils les ont tant aimées et maintenant elles leur prennent tout, et les jettent. Tout est sens dessus dessous (seule la vielle femme enfante…) il y a ici une description passionnante du changement de la société occidentale, de sa féminisation et de ses conséquences… incroyablement incorrecte mais pertinent… La scène de la fin d'un amour est terriblement émouvante.
En tout cas, le monde n’est plus aimé et le monde ne les aime plus. Ils s’en sentent responsables et victimes. Le parti n’est plus que pesanteur, les films plus que du mensonge pour cacher nos médiocrités, tout n’est plus que réseau, vulgarité et perte de l’espoir…Le monde s'épuise dans une perte de sens. Échec du cinéma, de la télévision, de la politique, du couple, des journalistes. il ne reste que l’amitié et les chansons autour du piano. 30 ans plus tard qu'est ce qui a vraiment changé ?
Notre réalisateur arrive à saisir des moments de vie de chacun des protagonistes qui sont incroyablement parlant, vivant, crédible, sensible et métaphorique que je suis conquis par ce portrait désespéré de génération.
Qui n’a pas besoin de sauveur ?
A noter
La mode de la fin des années 70
Les portraits de femmes
L’architecture
Les métiers intellectuels
Le critique
Marie Trintignant
Le taille-crayon
Les insertions filmiques
Le retour du vénézuélien, le meilleur d’entre nous
La fausse scène d’émasculation !
Le vieux garçon de restaurant
La beauté de Rome
Et tant d’autres
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