mercredi 15 janvier 2014

Harry Potter et la conscience anthropologique de l'éducation par Marie Louise Martinez

Texte très intéressant et dans la droite ligne d'un précédent vu sur ce blog.
Marie Louise Martinez fait de Harry Potter un allié de poids dans sa lutte pour le retour à une éducation équilibrée au sein d'une réflexion girardienne. Une éducation qui saurait éviter les pièges des deux violences. La violence anomique et la violence sacrée. Une éducation qui prend en compte l'identité des enfants dans un monde en crise. Harry Potter enseigne la résistance, l'apprentissage du jugement et de la raison, le respect des modèles, le chemin de la filiation comme modèle du chemin vers l'age adulte. Bref, Harry Potter et son succès est peut être la fin des romans de l'idéalisation de l'adolescence et du modèle de l'individu incertain. Martinez dit : il y a des trouvailles romanesques merveilleuses pour enseigner aux enfants le processus mimétique, le cycle des violences en quoi ces deux violences sont toujours frères ennemis mais toujours liés entre elles comme le montre le personnage de Voldemort, parricide, homme de l'hubris, de l'adolescence éternelle.



L'adolescence concentre en elle la crise d'identité et de transformation physique. Pourtant le XXeme siècle en a fait un mythe et un modèle. ce mythe a déstabilisé les institutions comme la famille et l'éducation. Cela se voit dans le transfert comme lecture de référence de jeunesse des aventures de télémaque aux grands Meaulnes, prolongement des illusions de l'enfance. Harry Potter n'est il pas le signe d'un changement d'époque et de remise en cause ? Mise en scène de la quête du père, et mise en scène de la relation pédagogique. Mise en valeur de la transmission et de la filiation, le succès de Harry Potter est il le signe de la fin du règne des adolescence confusionnelle.

I Impact du mythe de l'adolescence.
Au départ, l'adolescence est une sorte de pacte social bénéfique entre les générations visant le divertissement profitable pour toute la société. La production et la reproduction est repoussée. Mais désormais, cette convention est devenue désirable pour elle même, un affrontement générationnel approche, l'imitation d'acquisition s'est inversée. Cela empire une crise identitaire dont le principale symptôme est l'interminable recherche réciproque de reconnaissance. L'adulte sage n'est plus le modèle. Il y a de moins en moins de repère et de loi donnés aux adolescents et conduits les empêche de construire leur identité. (anomie)
Nous sommes dans le no man's land de l'anomie. Nous pensions avoir quitté l'hétéronomie mais nous n'avons pas atteint l'autonomie.

II Littérature.
La littérature est l'énigme à déchiffrer pour comprendre les réalités sociales. Elle peut voir et dire les relations humaines et sociales travaillées par le désir mimétique et dégradée par la violence qui en découle. Shakespeare ne cesse de montrer un univers social rongé par la crise des degrées, contamination de toutes les identités dans une compétition généralisée. Or Rowling tente aussi d'initier ses jeunes lecteurs à de telles situations où les institutions se désagrègent et où le grand méchant Voldemort incarne les deux aspects paradoxaux de la violence, la violence anomique de la désagrégation institutionnelle d'indifférenciation et la violence hétéronomique, la violence sacrale. Elle montre une société de double autodestructeur et un héros discernant les vrais valeurs pour une vie sensée et choisissant un chemin de formation en conséquence, il poursuit un chemin d'autonomie solidaire avec adultes résistants contre les forces du mal anthropologique, éducative et politique.
Elle met en relief le risque de la méconnaissance, l'impossible connaissance du politique. Rowling montre enfin symboliquement que la dernière des guerres se situe dans la cour de l'école.




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Hier comme aujourd'hui, l'école est perçue comme le lieu de la différenciation sociale.. La ségrégation différenciatrice est justement dénoncée mais elle est aussi alimentée par l'indifférenciation massificatrice des individus et par la confusion des savoirs. Voici le défi démocratique : permettre un processus de différenciation des personnes sur le plan qualitatif sans opérer de différenciation sociale ségrégative.
Harry Potter est un bon modèle de cette subtilité, il élucide le désordre indifférencié et voit que cela aboutit à la tentation du retour au sacré sous la forme du mal politique qui taraude notre modernité globalisée. Rowling appuie beaucoup sur l'aveuglement et le déni de la société ne voyant pas le processus des deux violences, utilisation de symbole magique pour parler de la perte des mémoires et de conscience.

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Dans toute l'oeuvre, il nous est donné à voir de nombreuse formes vivantes chimériques, personnages transgressant la frontière des espèces, elles illustrent les combinaisons identitaires où chacun change d'apparence, de fonctions, de nature dans l'imitation génralisée. L'arrivée des morts vivants dans une imagination collective montre aussi la perte de frontières entre la vie et la mort. Cela ne peut être qu'un mauvais signe.

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la société de Harry Potter peut conduire à l'individu incertain, dont Voldemort est le représentant idéal. Vampirisateur, dénié, tabou des sociétés insouciantes et irresponsables, le refoulé qui fonde la culture, retour du sacré diabolique et archaïque qui prolifère d'abord à l'ombre. Individu incertain car malaise et honte d'une identité sociale mixte, refus de l'origine familiale et du père, nourrissant une haine de soi et du monde.

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Le roman montre le processus, il montre le mal anthropologique du retour du sacré ségrégatif qui prend racine dans le malaise indifférencié. Voldemort a commis le parricide, déchéance honteuse et haineuse de l'origine.Vertige de toute puissance et de l'illimité.
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Le livre ne cesse de montrer en quoi la filiation naturelle  situe sur une lignée, elle différencie, elle inscrit. Il faut avoir été engendré dans la chaire et aussi dans le droit... l'adolescent roi étouffé rejoint le parricide (infanticide symbolique). Malaise dans la filiation et l'identification. Les héros positifs de Harry Potter vivent la filiation comme relation d'amour et de transmission acceptée et rendue à la génération suivante.
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Certes Harry Potter est aussi pris dans le mimétisme, n'est il pas le jumeau de Voldemort et il connait la ruse destructrice qui va jusqu'à l'intrusion psychologique. Il est autant porteur de la malédiction du parricide que de la bénédiction parentale. Voldemort avec son parricide et le sacrifice de la mère de Potter, il y a ici deux descriptions romanesque des deux sacrifices possibles que Girard retrouve dans le jugement de Salomon. L'un fonde la culture et l'identité violente et l'autre convertit la violence en don de soi. L'amour plus fort que la magie.
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La métaphore de la sorcellerie met en lumière la performativité du processus mimétique dans sa pragmatique de réciprocité relationnelle.
Harry Potter a développé une grande capacité d'émotions.
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Perception de la nocivité mimétique ainsi que sa force positive dans l'identification  et celle de la transmission sans rivalité qui caractérise l'intersubjectivité éducative.
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Comme dans tout conte, on prend un petit garçon qui n'a rien pour lui sinon un petit signe distinctif (comme tout le monde), au fil de 7 années qui reprennent celles du système scolaire européen, il apprendra à combattre l'adversité, découvrir sa voie et l'accepter avec audace.
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Rowling  analyse le processus d'identification par tout un trajet de rituels vécus dans la famille, l'école et la quête des parents, il chemine dans la reconnaissance  de sa filiation grâce à la double marque de la haine mimétique du rival et de la protection de l'amour parental. il découvre les filiations symboliques, il renie une vision mythique de la famille et s'approche toujours plus proche de la famille.
il passent par des épreuves, des examens, par la validité de son instruction et de son apprentissage.

L'éducation et la famille sont complémentaires pour l'institution de l'élève comme personne, la famille permet et accompagne la filiation, la différence sexuelle et l’affiliation culturelle, l'école permet l'affiliation sociale et citoyenne.

Le rapport à la loi se fait à travers un système de sanctions justes, par l'amitié à travers les pairs surmontant les jalousies, la confiance vécue dans la relation éducative, l'apprentissage d'une éthique.
Le roman est une vraie méditation sur l'éducation et l'institution scolaire. Lieu de tous les combats de résistance et d'avenir.

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