dimanche 8 décembre 2013

Les bernardins

J'étais présent sur les bords de Seine à Paris quand Benoit XVI lut son discours des bernardins. Discours resté dans les mémoires de nombreuses personnes et qui demeure en moi comme une lumière et un discours fondateur de ma vie d'adulte.


Voici le texte original.
A partir d'une réflexion générale sur l'ancien monastère où il se trouve, Benoit XVI montre une direction particulière pour nos temps troublés. Les hommes qui ont fondé une culture malgré eux étaient des hommes qui ont voulu répondre à l'invitation du Christ à le chercher, lui Parole éternelle, et à prendre au sérieux, la création, la parole, la liturgie. Tout le corps, le chant, notre subjectivité peuvent être tournés vers ce désir et cette exigence collaborative qui n'est jamais restrictive sous peine de folie littérale. Le monastère était une école de la rencontre divine. Les fruits furent abondants, le travail était aussi réponse au Dieu créateur. La foi était un résultat global, une vie réponse à la vérité et à la réalité et non une habitue culturelle.
Bref, soyons des chercheurs de Dieu et soyons à l'école des moines européens, nos aïeux et nos modèles pour nos temps troublés.
Pour développer, j'aime beaucoup la lecture du père Lambret sur ce texte.
Puis le développement varié de Cormary à propos du pape Benoit XVI


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Les monastères chrétiens sont la racine de la culture européenne. Lieu où on puisa les trésors de l'antiquité et où se forma petit à petit une culture nouvelle. Mais cela n'était finalement pas leur motivation. leur objectif était quaerere deum.
Dans les temps où  tout se détruit, il faut s'attacher à ce qui dure et à ce qui a de la valeur. Les moines étaient tendu vers la fin du monde ? Certes, mais dans le sens définitif. Il n'était pas non plus dans un désert, ils suivaient la parole.

I ORA
La recherche de Dieu requiert une culture de la parole (Dom Leclercq, eschatologie et grammaire, indissociables dans le monachisme occidental). Le désir de Dieu appelle l'amour des lettres et l'amour de la parole. Il fallait comprendre la langue (structure et usages), les sciences de la parole devenaient importantes. Bibliothèque et école s'unissait au monastère. Apprendre à percevoir au milieu de la parole, la Parole. Celle ci est créatrice de communauté. Nous sommes touchés personnellement par elle mais elle nous introduit dans la communauté de ceux qui veulent cheminer dans la foi. Une nouvelle préoccupation arrive : Il faut la lire de façon juste. Tout comme écrire et chanter, lire fait appel à tout le corps.

Mais la Parole invite à un dialogue. (psaumes par exemple), la musique est nécessaire. Il faut chanter avec les anges (Gloria et Sanctus) Les moines devaient trouver les accents qui traduisent le consentement de l’homme racheté aux mystères qu’il célèbre : les quelques chapiteaux de Cluny qui nous aient été conservés montrent les symboles christologiques des divers tons du chant.

Saint Benoit avait conscience de l'acte mystique du chant (chanter au milieu des anges). La cacophonie comme lieu de la dissimilitude ? Tomber loin de Dieu et loin de sa nature d'homme. La culture du chant est une culture de l'être. les moines par leurs prières et leur chants doivent correspondre à la grandeur de la parole confiée.

De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu’Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale. Ce n’était pas là l’œuvre d’une « créativité » personnelle où l’individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s’érige un monument à lui-même. Il s’agissait plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du cœur » les lois constitutives de l’harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l’homme, et d’inventer une musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l’homme et qui proclame hautement cette dignité.

La parole vient bien sur de la Bible, recueil de textes avec tensions entre eux.

L'ensemble est l'unique parole de Dieu qui nous est adressée. La parole de Dieu vient à travers la parole humaine. L'écriture a besoin de l'interprétation et donc besoin de la communauté.
il existe des dimensions du sens de la Parole et des paroles qui se découvrent uniquement dans la communion vécue de cette Parole qui crée l’histoire. 
Le logos peut se retrouver dans la multiplicité des interprétations selon l'histoire. Bible est un défi à chaque génération. Le logos n'est jamais présent seulement dans la littéralité. Il y a toujours un mouvement du coeur, une compréhension globale. Le logos trouve son terrain d'action dans le monde, par la parole humain et son histoire. Comme dit Paulo, la lettre tue mais l'Esprit donne la vie. Mais l'Esprit lui même ne se laisse pas réduire par celui qui interprète. La subjectivité est limitée et oblige la communauté à l'individu au lien avec la parole qui est celui ce l'intelligence et de l'amour. Cette tension entre lien et liberté a influencé le monachisme. C'est cette tension qui se retrouve à nous entre la tentation de l'arbitraire subjectif et du fondamentalisme.


II LABORA
Nous avons vu l'ora, mais n'oublions pas le labora. Chez les grecs, le travail est pour l'esclave. Le rabbi avait, lui, un métier manuel (Paul). Chez le chrétien, le travail est la reconnaissance du Dieu créateur et travailleur.
 C’est ainsi que le travail des hommes devait apparaître comme une expression particulière de leur ressemblance avec Dieu qui rend l’homme participant à l’œuvre créatrice de Dieu dans le monde.
L'europe est impensable sans cette culture du travail et de la parole. Le travail de l'homme et la détermination de son histoire sont une collaboration avec le créateur. Si cette ethos se transforme ou si l'homme se prend pour Dieu, la transformation du monde peut devenir sa destruction.

Le quaerere deum est la vraie attitude philosophique, être à la recherche des réalités ultimes qui sont vraies. Long travail pour le moine mais il avait la direction de la Parole de Dieu. Cette quête des moines contient déjà sa résolution.
Pour cette recherche il faut un mouvement intérieur qui suscite cette recherche et qui rende crédible que dans cette parole se trouve un chemin de vie. Mais avant, il faut avoir préparé les coeurs à cette relation avec le Seigneur. L'annonce de l'évangile est nécessaire. Pierre 3, 15.

Il n'y avait pas de propagande mais une nécessité qui dérivait de la nature de la foi au Dieu universel et attendu par tous. Ce n'était pas une habitude culturelle mais cela faisait partie du domaine de la vérité. Le schéma de l'annonce chrétienne est le discours de Saint Paul à l’aréopage. (tribunal s'opposant et vérifiant les religions étrangères arrivant). Le Dieu inconnu que vous vénérez sans connaitre, je vous l'annonce. Vous l'ignorez et pourtant vous le connaissez.
Au plus profond, la pensée et le sentiment humains savent de quelque manière que Dieu doit exister et qu’à l’origine de toutes choses, il doit y avoir non pas l’irrationalité, mais la Raison créatrice, non pas le hasard aveugle, mais la liberté. 

La spécificité chrétienne est dire, il s'est montré. Le verbe, la raison éternelle s'est fait chaire. Le logos est présent au milieu de nous. L'humilité de la raison sera toujours nécessaire pour l'accueillir. Humilité de l'homme pour répondre à l'humilité de Dieu.

Nous ne sommes pas si  loin de la situation de Paul à l'aréopage. L'actuelle absence de Dieu est aussi hantée par le quaerere deum (chercher Dieu et se laisser trouver par lui). Le positivisme est une capitulation de la raison en renvoyant le quaerere deum comme non avenu

Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable.

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