lundi 21 octobre 2013

Education par Marie-Louise Martinez - Le difficile chemin vers l'autonomie...

Voici un texte passionnant de Marie Louise Martinez sur l'enseignement. Je le conseille pour vous initier à la pensée de René Girard et pour comprendre l'urgence de mieux le connaitre même pour des choses très concrètes comme l'éducation...
Ci dessous, je tente de résumer le texte.

Ici aussi un signe de la problématique actuel sur l'enseignement, et une curieuse grille sur les possibles pédagogies. Curieux, non...


La violence à l'école est un sujet perpétuel pour nos technocrates préférés. La théorie girardienne peut nous aider à réfléchir sérieusement sur elle. Nous devons réfléchir la dissolution des institution et l'indétermination créatrice de violence. Méfions nous des modèles relativistes qui ne font qu'attiser la violence.

Marie Louise Martinez va proposer un schéma pour comprendre comment la violence apparaît plus facilement puis réfléchir sur les conséquences applicables.

Il faut comprendre qu'il y a deux violences, la violence interpersonnelle et institutionnelle.

Au cœur des relations humaines se trouve le mimétisme. Bon quand il est accepté, il permet l'apprentissage et invite aux relation saines s'il y a une bonne distance avec le modèle imité. Mais celui ci peut devenir barrière et rival, c'est la médiation interne. On peut appeler ce risque comme "indifférenciation". Dans le passé, les communautés sanctifiait le bouc émissaire qui transfigurait la violence unanime en sacré. Il restructure la société et était perçu positivement. Il était le fondateur d'un ordre différencié par les interdits (protection contre la rivalité) et les rites (commémoration). Puis le judéo-christianisme a remis en cause ces interdits et rites et invita chacun à l'autonomie de la bonne réciprocité mais il a ouvert parallèlement les portes de l'anomie de la mauvaise réciprocité sans garde fou. La violence anomique peut intervenir et pourrait même faire revenir la violence institutionnelle.
« On encourage tantôt un ordre sécuritaire et répressif, tantôt un désordre indifférenciateur, sans voir que ces deux fausses alternatives s’engendrent et s’amplifient réciproquement. »



Affaiblir le religieux n'est donc pas toujours la solution, cela ne fait résoudre la violence indifférenciée qu'en faisant davantage de victimes. Il faut avec urgence distinguer le processus du bouc émissaire :
1- la crise mimétique surgit avec indifférenciation. 
2- le rassemblement de tous se fait contre une victime choisie selon certains traits particuliers. 
3- l'imaginaire persécuteur invente des accusations, pour l'éviction de la victime. 
4- de la victime jaillissent les règles culturelles, du désordre jaillit l'ordre. 
5- la victime qui était chargée de tous les maux est alors positivée voire sanctifiée.

Il est urgent d’analyser les relations sociétales et intra humaine ainsi et aider plus particulièrement les acteurs de l’éducation.
La théorie mimétique peut choquer car elle dit qu'il n'y a pas d'alternative externe au sacrifice. La dénonciation de la violence se fait toujours à l'intérieur d'un sacré.

Mme Martinez décrit ensuite ce qu'elle appelle l'ordre sacral dans l'éducation ainsi que sa disparition au cours du temps, par exemple les rites de passage souvent symbole de sacrifice (bizutage), il sont les cicatrices symboliques des anciens sacrifices d'enfants très souvent réalisés dans les sociétés anciennes. Cette violence de l'ordre sacral avait pour but de bien clarifier la différenciation

Aujourd'hui, nous vivons le paradoxe suivant, l'institution éducative prône le refus radical de la violence mais encourage l'accroissement de l'indifférenciation qui elle n’empêche pas le développement des cycle de violence. 
Le XXème siècle n'a pas eu les deux violences en ligne de mire et en a laissé grandir une en se concentrant sur la seconde.

Aujourd'hui, en France nous voyons le développement de la violence anomique d'indifférenciation (indiscipline, bagarre, bavardage, insolence, refus de travailler).
Mme Martinez voit trois caractéristiques à la violence indifferenciée: 


1 Anomie : dissolution de l’ordre par discrédit des contraintes et mépris des rites. Anomie, c’est la privation de règles. C’est la sortie de l’hétéronomie sans avoir atteint l’autonomie. Comme l'a vu Durkheim, elle apporte la prolifération des conflits. On est loin du chahut traditionnel qui prend la même structure que l’ordre scolaire. Le chahut anomique effrite l’ordre scolaire.
2 L'individu incertain (Ehrenberg) : C'est l'individu produit par les institutions sans rituels, symbole de la crise de la filiation, de la crise économique, familiale et de l'insécurité de niveau social. La médiation interne devient partout et surtout au cœur de l'homme dont il est le champ de bataille. Cela se remarque par la mise en valeur de l'adolescence, age mimétique par excellence et qui représente en lui même, le brouillage générationnel. L'altérité ne peut être qu'un obstacle à écarter. Le prof n'est que skandalon, fascinant modèle obstacle. Il règne l'éloge du désordre des passions. C'est la loi du père contre la loi des paires.
Le sport qui pouvait servir de soupape à des différence mal vécues dans les sociétés différenciés deviennent le lieu d'un hubris, source de stress, de violence et bien sûr, de transgression (dopage). Le besoin d'être admiré est énorme lorsqu'on est en état d'insécurité identitaire permanente. Cela peut se vivre dans l'échec (lassitude de n'être que soi) ou course à l'excellence (supplice du désir d'être un autre).

3 le harcèlement et le victimaire : Le processus du bouc émissaire se transforme avec le temps et la révélation sur celui-ci. Le harcèlement est la forme moderne de la violence des institutions. l'individu incertain fuie ses conflits sans se remettre en question (=pervers) a recours au mécanisme d'expulsion sur une victime tout en étant dans le déni de celui-ci.
Le victimaire se pose sur la cinquième étape du processus du bouc-émissaire. La victime ayant porté tous les maux peut devenir sanctifié. Le statut de victime est ambivalent, il est devenu gratifiant, il peut devenir prétexte à la prise de pouvoir, à l'oppression, à la justification de la violence. Il faut malgré tout défendre la victime et empêcher le victimaire. Dans ce sens, désigner les institutions et les interdits comme bouc émissaire est souvent une capitulation.


Propositions ?

Il faut sortir des illusions de la méconnaissance.

Les illusions du retour à l'autoritarisme. Tentation de ceux voyant bien les problèmes de l'anomie. Tout retour à la violence sacrale ne voit pas l'irrévocabilité du dévoilement du bouc émissaire. Mais renoncer à la répression, n'est pas renoncer à l'autorité.

Puis, sortir de l'illusion de la sortie heureuse des rites et interdits alors qu'elle ne créé que nouvelle indifférenciation par la contagion mimétique.

L'éducation demande de garder le meilleur du sacré, l'interdit et le rite instituant l'enfant.
Bref, folie de croire qu'en sortant de l'hétéronomie, on aboutirait autoomatiquement à l'autonomie et la rationalité. La violence serait seulement le fruit de l'ignorance. La post modernité est la persistance dans cette ignorance.
Mais alors comment agir ?

L'action véritable est toujours sortie des cycles et des enchaînements réactifs des processus. La dépression est la conséquence de l'impossibilité d'agir de l'individu incertain. Impasse car compréhension de l'hubris moderne mais sans foi pour un retour de l'autorité. C'est le paroxysme de la relation mimétique, abandon de l'objet et de conflictualité pour céder aux tentations fusionnelles dans la fatigue de n'être que soi.
Il faut donc voir et dire la violence subie par soi et les autres, discerner la violence dont nous sommes les mains ou les maillons.

Il faut dire la norme anthropologique. Par contre cela est difficile car norme difficile à établir et surtout quand les sciences humaines n'on été que les miroirs et propagateur de l'anomie. Le relativisme conduit vers la banalisation de la violence. il faut donc nommer calmement la violence,voir aussi bien les relations indifférenciées et percevoir les bonnes distances, les bonnes barrières de l'interdit.

Et voir la collusion des rivaux sur le bouc-émissaire. Permettre les passerelles vers le tiers exclu et mettre les bonnes barrières de l'indifférenciation dans un groupe.

Barrières et passerelles que l'on retrouve dans les interdits que l'on retrouve dans les deux grands interdits : inceste et meurtre. interdiction de confusion avec l'autre et interdiction de toute violence, interdits garantissant la liberté du sujet. Les institutions proposent un réservoir de norme. Elles auront leur légitimité selon leur finalité.

Or celle de l'éducation est : permettre appropriation des savoirs disciplinaires, permettre socialisation solidaire par une émulation réglée, permettre développement du sujet comme personne.

Il faut sortir de l'élève de l'erreur rivalitaire et l'inviter à la notion de coopération. il faut définir l'autorité et les interdits démocratiques. Si l'autorité est respectée, l'autonomie est possible. A l'école, cette autorité du professeur vient de la transmission du savoir qui institue les enfants. Il y a un lien très fort entre instruction et éducation. Les rites vont aider cette institution de la place de chacun. C'est dans le rite que sont apparu le social, l'individu et les concepts.

La sanction donne, elle, son effectuation à l'acte et à la décision d'autorité. Sans sanction bonne ou mauvaise, l'acte n'est pas reconnu. si la sanction a son origine dans le sacrifice, on peut retourner le sacré négatif en sacré positif. Le saint est celui qui a été validé positivement, le sanctifié est celui qui a reçu la sanction de l'approbation divine et du groupe par sa participation aux valeurs les plus hautes.

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