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lundi 14 septembre 2015

Jesus de Montreal - Denys arcand






Un homme, dont on ne sait rien du passé, si ce n'est sa formation  d'acteur "cum lauda", prend la direction du spectacle de la passion du Christ organisé tous les ans par un sanctuaire catholique à Montréal. Il invite quatre personnes à se joindre à l'aventure. Il base sa pièce sur une lecture incisive de l’Évangile et de recherches archéologiques sur le Christ. Le spectacle aura du succès et marquera les esprits mais blessera l’Église institutionnelle qui lui demandera d'annuler le spectacle qu'ils vont vouloir pourtant jouer. L'auteur, au moment de jouer Jésus en croix sera blessé lors d'un échauffourée pendant le spectacle. Il mourra et lèguera des parties de son corps et laissera dans le cœur de ses collègues un souvenir impérissable qui iront jusqu'au point de créer une institution à sa mémoire.

Voici pour le bref résumé, mais il faut en dire plus pour rendre un hommage (paradoxal) à ce film. 

Un relecture permanente 
Le film utilise de manière permanente, à chaque scène, un clin d'œil à l’Évangile. Il existe une seconde lecture permanente de l’Évangile dans la vie de ce Daniel Coulombe. C'est quelque fois criant, c'est parfois subtil. A chaque fois, une invitation à lire l’Évangile dans la vie ou de faire la visualisation (jésuite?) de l’Évangile à la vie quotidienne. Nous retrouvons Marie en mère solitaire, Marie Madeleine en ancienne mannequin de pub heureuse de rencontrer un homme qui la regarde avec amour et chasteté, un Jean Baptiste, précurseur et annonçant la venue de "Jésus", Un Pilate, un tentateur dans le désert, les marchands du temple, un grand prêtre, les pharisiens, Judas. Eli, Eli, lama sabactani, le bon romain. L'incarnation est maline, vivante, incarnée. Nous y croyons. D'autant plus que nous avons accès en partie au spectacle joué qui tente justement de rendre Jésus incarné, provocateur et éveilleur. Il y a une idée par plan et le dialogue ont souvent plusieurs sens passionnants. Il y a des scènes fantastiques jouant avec la représentation de la passion et la réalité de ce que les personnes vivent. On sent que Denys Arcand est marqué par Jésus, il veut partager la subtilité de ce qu'il comprend de la personnalité du Christ.

Une rencontre réussie et ratée (ou une expérience moderne)
Il nous vient alors le paradoxe de ce film moderne. Il nous invite à retrouver l'incarnation de Jésus, à éprouver sa sagesse, à l'admirer, à comprendre les raisons de sa mort. Mais les extraits de l’Évangile ne sont pas complets. Ses miracles deviennent de la magie, sa relation avec le Père est passé à l'as. L’Église est une institution, œuvre du diable et ne fait que répéter les erreurs des pharisiens. Il ne reste qu'un humaniste impeccable, simple, sombre, condamnant le monde et ses pompes, à la recherche de la relation juste et de communion. Mais Jésus est aussi un désespéré qui meurt du malheur du monde, fils d'un légionnaire romain. (oui, Arcand diffuse des vieilles thèses archéologiques qui ne valent pas grand chose.) La résurrection est le souvenir d'un homme cher, les disciples et le christianisme qui suivent sont des traitres idiots. Arcand fait facilement confiance aux thèses les plus légères qui le confortent dans ses théories d'un Jésus plus humaniste qu'humaniste. Où est le questionnement du sacrifice, du judaisme, de l'Eucharistie? Ce qu'Arcand oublie des Evangiles parlent plus de lui et de sa propre perception du Christ. La recherche de vérité a ses limites... Quel malheur.
Ou comment l'honnêteté d'une rencontre désirée passe à coté de son but. En ce sens, Arcand est un magnifique spécimen de l'hérésie moderne. L'humanité du Christ est respecté, sa divinité méprisé, l'institution de l'Eglise est ridicule et pourtant Jésus comme homme est apprécié, il semble une magnifique antidote à la modernité commerciale, vulgaire, égoïste et vaine.
C'est en cela que ce film a un gout curieux pour moi. Il fait sentir la douceur et l’âpreté du Christ, mais il nous fait rater le bon, le divin, le fils, le berger, l'anthropologue, la pain de vie, le sauveur. Quelle dommage....
Il semble être ce que l'honnêteté puisse apporter de mieux au moderne sur un point de vue sur le Christ, un petit peu comme "la vie de Brian" des Monthy Python dans un autre genre....
Dans tous les cas, à la question, "Et vous qui, pensez vous que je suis ?", les malentendus durent toujours et la réponse d'Arcand ressemble peu ou prou à celles rapportées avant celle de Pierre. Rien ne change, finalement....

Qui nous fera voir le sauveur ? 
Le paradoxe continue car le film semble résonner d'appels forts ! Qui nous fera voir le bonheur ?
Qui nous fera voir le Salut ?  Qu'est ce que l'homme ? Qu'est ce que la création ?
Arcand reste au point d'un gauchisme qui ne voit plus que la révolte car il rate parallèlement le Salut de la croix et la gratitude de l'homme...
Mais n'est il pas aussi le témoin d'un Église canadienne en pleine chute et en pleine crise de foi ?
Il nous reste le désagréable impression qu'Arcand croit comprendre l'Eglise et le Christ et qu'il les dépasse. Il y a au final beaucoup d'orgueil....
Deux citations situé au début et à la fin du film sont importantes encore.
Le film commence par une représentation théatrale du suicide de Smerdiakov après sa conversation avec Ivan.
Ensuite le film reprend et finira par les deux derniers morceaux du Stabat Mater de Pergolesi.
Dostoïevski est arrêté au désespoir humaniste et Pergolesi est utilisé pour les espoirs déçus de toute métaphysique.
Noir, c'est noir.









quelques notes au cours du film :