jeudi 23 octobre 2014

La lotterie de Babylone 4ème chapitre de La marque du sacré de Jean Pierre Dupuy


Et ici, la somme des chapitres....


Continuons notre lecture de la marque du sacrée (après ceci, cela et encore)
Cette fois, Dupuy s'attaque au politique, au vote et à la démocratie. Oui, oui, pour vous aussi, dit Dupuy, nous pouvons retrouver (malgré vos qualités, votre respectabilité et donc aussi votre morgue...) vos racines profondes dans le religieux et le rituel. Vous ne cessez de buter dessus sans les voir.

 
Nous avons en tête la phrase de Tocqueville pourtant aussi :

"pour moi, je doute que l'homme puisse jamais supporter à la fois une complète indépendance religieuse et une entière liberté politique ; et je suis porté à croire que s'il n'a pas la foi, il faut qu'il serve, et s'il est libre, qu'il croie"

Dupuy défend la thèse suivante : on échappe pas à la logique de l'extériorité or le hasard y joue un grand rôle.

En effet, dans les sociétés traditionnelles, la détermination du bouc émissaire a une grande composante de hasard, non pas aléa moderne comme incertitude réglée mais hasard perçue comme décision d'une extériorité. L'auto-transcendance que produit le hasard a partie liée avec la façon dont les hommes auto-extériorisent leur violence sous la forme du sacré. En passant du hasard à l'aléa, on a cru passer du sacré au calcul, de l'irrationnel au rationnel.

Mais prenons le cas de la philosophie morale sur le choix du sacrifice de l'innocent (ex Le choix de Sophie, William Styron), un pervers nous fait choisir de sacrifier entre deux personnes sinon il tue les deux. Il faut choisir de choisir, l'aléa n'a pas la capacité d'extériorisation. Il en est de même pour les cas d'adoption ou les couples cherchent la reproduction du hasard de la loterie biologique.

Dupuy pense que le vote engendre un hasard légitime et porteuse de sens et productrice d’extériorité et de transcendance. Quand bien même la politique moderne est la recherche de l'immanence mais il ne font que croire de s'affranchir de la transcendance.
Avant tout, notons trois paradoxes logiques du vote et de la volonté générale de Rousseau.

1
On peut avoir l'image de la volonté générale comme la synthèse des volontés personnelles. Or elle entre toujours en rivalité, elle se dressent contre toute les autres, cette synthèse est impossible (K.Arrow). Mais il faut voir que c'est ce qui sauve la démocratie, sinon, il ne suffirait d'un grand ordinateur qui la calcule. La démocratie permet de changer la volonté particulière qui prend le rôle de la volonté générale. Or c'est parce que tous savent que la volonté des gouvernants n'est rien d'autre que leur volonté particulière, que le mythe de la volonté générale peut être préservé.

2
Avec le décompte des voix, la politique instaure le quantitatif comme avec le prix dans l'économie, elle instaure les analyses et prévisions. Qu'en est il de la différence entre sondage et élection ? Le sondage a, en effet, en plus une influence sur les sondages. La scientificité du sondage donne à croire que le vote est rationnelle mais non donc... La pratique du vote tranche certes, mais elle ne fait que décider dans l'indécidable...

3
Quelques pierres ne constituent pas un tas.
Sauf en cas de vote égalitaire entre deux camps, il est inévitable de conclure que le bulletin déposé dans l'urne par chaque électeur a un effet nul. Le résultat n'aurait pas changé si je n'avais pas voté. L'électeur rationnel ne devrait pas voter. Les arguments pour aller voter ont une dimension magique (En votant, j'influence), tout comme les arguments des politologues français croyant que l'élection américaine se jouât sur les votes de quelques floridiens. Ou bien encore la tentative de reconnaître un sujet collectif.

Le vote est un paradoxe et Dupuy se tourne sur les élections américaines 2000 pour nous le confirmer.

On ne peut voir, nous dit il, les votes entre Bush et Gore comme des valeurs déterminées que l'on peut approcher. La marge d'erreur a été plus grande que le seuil critique entre les deux bonhommes. La décision dépendait de cela même qui échappe à l'observable. Une cause si petite déterminait un résultat considérable. Aux USA, un petit transfert de voix peut bouleverser un état qui peut bouleverser l'équilibre entre les grands électeurs qui votent à l'unanimité dans un état.

Cet incident et cette procédure peut être scandaleuse si on pense que le vote doit être rationnel et révéler la volonté générale mais pas autant que cela si on pense la procédure comme un moyen de renvoyer la décision à une instance qui échappe aux choix individuels. Paradoxe de la démocratie, perdu dans la multitude, l'individu ne voit pas l'influence de son emprunte sur le groupe, mais le point où arrive cette situation comme en 2000 aux USA est celui où la procédure semble arbitraire.

La démocratie moderne ne ressemble jamais autant à ce qu'elle ambitionne d'être que lorsqu'elle devient indiscernable d'une gigantesque loterie.

Chacun se demandant s'il va voter ou non, se fixe sur le cas, (possibilité infinitésimale) où sa voix ferait basculer le vote d'un camp dans l'autre. Pouvoir qui serait aussi phénoménal qu'insignifiant puisqu'il n'y aurait pas de différence pour ce qui est du résultat global avec le fait de tirer à pile ou face. Ne sommes nous pas dans le cas où le hasard a un sujet, nous retrouvons l'auto transcendance où le peuple transcende l'individu ? Comprenons, le vote et le rituel dans leur rationalité.

Exemple de l'élection américaine : première phase, crise d'indifférenciation, qu'est ce qui les différencient ? Plus ils se ressemblent, plus leurs différences sont petites et illusoires. Ensuite la nation se rassemble en un mouvement cathartique autour du vainqueur. Le je ne sais quoi a suffi d'en faire l'intégrateur de la nation. Les rituels d'un traité de paix joue la guerre puis la non guerre + sacrifice. Le vainqueur sera immolé. Souverain ou martyr, différence apparemment considérable mais la similitude du choix des deux reste troublante.

La crise de l'Amérique est que la violence qu'il s'agissait de nier a occupé pendant longtemps toute la scène en l'absence d'une solution cathartique qui n'arrivait pas. (media au langage religieux). Il fallait réaffirmer une foi. celle du pouvoir nourricier de la constitution, du règne de la loi et la grandeur d'un système. qui place la loi au dessus des hommes. Peur de la perte de légitimité du système. Le rite joue avec le feu. en jouant l'affrontement pour mieux le dépasser. Risque que la fête tourne mal et que l'incendie embrase tout. Des voix demandaient que les candidats rivaux sacrifient leur ambition pour défendre l'idéal. La victime consentante serait le vainqueur dans l'ordre symbolique et peut être à l'avenir, dans l'ordre réel.

Pour un rapprochement de l'anthropologie et de la philosophie politique


la démocratie est essentiellement rituel dont l'efficacité dépend prioritairement de la participation unanime et du respect scrupuleux des formes.
Paradoxe, le suffrage universel est le moment où la souveraineté populaire devait se manifester mais où aussi l'individu social est converti en unité de compte. Ceci n'est pas, non plus, possible sans dissolution des liens.
Il y a un rapprochement à faire entre la démocratie et la désagrégation conflictuelle de la communauté et en même temps, acte de collaboration sociale. Dans le carnaval encore, le comble du holisme et le comble de l'individualisme apparaissent comme ne faisant qu'un.

Répétons (aussi avec Gauchet) :
La division de la société d'avec elle même (logique du sacré) est importée à l'intérieur de la société. On a pensé que l'intériorisation de la coupure entre la société et son Autre allait entrainer une réappropriation totale de l'être collectif. C'est l'histoire des sociétés démocratiques et de leur prise de conscience de leur fragilité constitutive. (deal irréalisable et dangereux. )
L'absolue souveraineté tendrait paradoxalement à engendrer son contraire...
Un corps politique ne pourrait donc être sujet de lui-même qu'à la condition d'accepter que les instruments dont il se dote pour mettre en acte sa souveraineté le dépossèdent de celle ci dans une certaine mesure. Avant, pouvoir incorporé désormais le lieu du pouvoir devient un lieu vide, on ne peut plus se l'incorporer (sans devenir fou et faire plonger la société avec), il y a compétition réglée et institutionnalisation du conflit.

Écoutons Lucien Scubla en lien avec Hocart, "Si volonté générale est inaliénable, nul ne saurait en être le détenteur ; si la volonté générale ne saurait être représentée, rien ne saurait en être le représentant pas même le peuple unanime. Le chef de l'état occupera un lieu inviolable et comme le roi ashanti qui siégeait sous un tabouret d'or sur lequel nul ne pouvait s'asseoir, placé sous la protection de la Volonté Générale mais ne pouvant s'identifier à lui. Gardien d'une place vide que nul ne saurait s'occuper. Cette place vide est la substance invisible autour de laquelle se structure l'ordre social et politique. Personne ne peut parler en son nom.
Anecdote, pour finir, d'une tribu africaine Gura. Ne voyant pas des hyènes féminines, deux tribus se battent sur l'existence de celle ci. Compétition de chasse intervient pour déterminer cela. La tribu qui a le plus chassé de biches a gagné et permet de déterminer le fait. On peut voir ce rite comme un chainon entre le sacrifice humain rituel et la symbolisation à son extrême par le bulletin de vote. Pas plus raisonnable de compter les biches que les bulletins, mais dans les deux cas, l'essentiel est la participation au rite unanime garantissant l'efficacité des deux. 
Mais qui dira le sexes des hyènes ?
Et sur les dangers qui se rapprochent ?
La sagesse est elle du coté du plus grand nombre ?
Plus bas, résumé au fil de la lecture


IV La loterie à Babylone
Le vote , entre procédure rationnelle et rituel
La sociologie durkheimienne aux sciences cognitivistes, ils se trompent sur la société et son fondement religieux qu'ils omettent... Voyons maintenant la philosophie politique moderne. Elle réfléchit toujours au meilleur système politique sans penser la religion. Les paradoxes sur lesquels buttent leur projet d'autonomie révèlent en creux leur dette cachée à l'égard du religieux. Le vote entretient avec la notion de hasard des relations bien étranges, pareilles à celles de ce même hasard dans les pratiques et croyances religieuses. Le hasard comme marque du sacré.
Du hasard comme solution au problème théologico politique
Problème : Comment faire d'une diversité d'opinions et d'intérêts toujours potentiellement conflictuelle quelque chose qui ressemble à une unité pacifiée ? Avant extériorité fondatrice... Les modernes veulent faire reposer tout cela aux seules ressources internes du monde humain et social. Projet d'autonomie de substitution de la raison et de la foi, l'immanence à la transcendance, l'autonomie à l'hétéronomie. Pessimisme de Tocqueville : "pour moi, je doute que l'homme puisse jamais supporter à la fois une complète indépendance religieuse et une entière liberté politique ; et je suis porté à croire que s'il n'a pas la foi, il faut qu'il serve, et s'il est libre, qu'il croie"  Thèse de Dupuy : logique de l'extériorité est irréductible et que le hasard y joue un rôle majeur.
Sociétés non modernes, le hasard fait partie des institutions de base. Ex bouc émissaire du lévitique, il ya deux boucs, l'un associé au bien, l'autre qui reçoit tous le poids des fautes. Le choix du rôle des deux boucs émissaires se fait au hasard. Livre de Josué, partage au hasard des terres. Le roi des fêtes désignées par hasard. ou encore rituel sacrificiels, désignation des gouvernants par le tirage au sort. Le hasard dans ce cas là n'est pas interprété comme maintenant, pour nous, c'est aléa, incertitude réglée, répétable et maitrisable. LE hasard primitif échappe au calculable mais il a un sens.  ce sens assigne la responsabilité de la décision à un extérieur, à une transcendance. Il y a un sujet au hasard.  Pourquoi donc cette extériorité. Il cite Borges dans la loterie de Babylone.
Mais avant il faut critiquer le structuralisme. Son immanentisme radical et sa conception de la réciprocité comme forme synthétique à priori. Non, il faut affirmer que les relations humaines sont vouées aux formes dissymétriques s'il n'étaient pas à l'abri d'une dimension vertical de la transcendance. Celle ci leur permettent de ne pas être livré à la fascination de leur propre violence. L'auto transcendence produit recours au hasard c'est un peu comme l'auto exteriorisation de la violence sous la forme du sacré. Avec le  hasard on ne peut se battre pour la disposition des terres par exemple. Le moderne en passant du hasard au aléa est passé du sacré au calcul, de l'irrationnel au rationnel. Dé plus affaire sacré mais chaos déterministe. Mais pas si simple... Exemple dans les philosophies morales. Sacrifice de l'innocent ? Choix de Sophie, quel enfant sacrifier ? Si refus de chosir (ou metachoix, les deux mourront). Le choix de la raison est de choisir de choisir, c'est celui de Caiphe, il vaut mieux qu'une personne... Tirer à pile ou face? toujours monstrueux... Le recours de l'aléa n' a pas de capacité d'extériorisation. Ou encore, choix de l'enfant à adopter..., cela répugne au couple de choisir les critères...  Ils veulent se rapprocher du plus possible de la non maitrise... ils reconstituent la loterie biologique par d'autre moyen. Il voudrait un hasard non probabilisable... Certaines formes d'engendrement du hasard sont tenues pour légitimes et porteuses de sens car productrice d'extériorité et de transcendence. Nous allons le vérifier sur le vote pratique essentielle de la démocratie moderne. La politique moderne, c'est la recherche de l'immanence, les hommes ne doivent le lien social qu'à eux memes, ils veulent le croire, ils prétendent s'affranchir de toute transcendance, il voudrait alors sortir du hasard... mais il est difficile de sortir du schéma ancien.
La raison impuissante à saisir le sens du vote.
Toute tentative de rendre compte de la rationalité du vote aboutissent à des paradoxes
3 paradoxes
-La volonté générale de Rousseau est un mystère. On peut dire ce qu'elle n'est pas mais pas ce qu'elle est. elle n'est pas la somme des volontés particulières. Elle se dresse contre toutes les volontés particulières. "comme dit Manent, l'unité de tous se rendra sensible par l'oppression de tous). Alors que pour nous la démocratie est une synthèse ou somme des intérêts privés. Selon le théorème de Kenneth Arrow, il y a impossibilité à trouver un synthèse n'allant pas contre les ou certains intérêts privés. Impossible de définir l'intérêt général à partir des choix individuels. En dehors de tout arbitraire, on ne peut pas concevoir  la volonté générale comme agrégation des volontés particulières. Dupuy dit ne nous en affligeons pas, c'es ce qui sauve la démocratie. Sinon, un ordinateur suffirait, le calcul aurait remplacé le rituel du vote. La raison pratique se dissolverait dans la raison théorique. Pour que les règles d'agrégation puissent mériter le label rationne, Arrow ajoute la condition dite de "non dictature", elle ne prend pas systématiquement pour préférence collective la même préférence individuelle.
Qu'est ce qu'une démocratie dans les faits ?c'est simplement une société qui choisit ses gouvernants et peut en changer. (nul ne croit que la volonté des gouvernants correspond à la volonté générale, c'est une volonté particulière parmi d'autres. mais de même, c'est parce que tous savent que la volonté des gouvernants n'est rien d'autre que leur volonté particulière, que le mythe de la volonté générale, ou de l'intérêt commun, peut être préservé. En ce sens, la démocratie peut être vue comme une dictature permanente. Ainsi, l'échec de la pensée rationnelle à rendre raison du vote n'est pas loin de fournir une leçon de sagesse.
-Avec le décompte de voix, la démocratie introduit le quantitatif dans la science politique (comme prix et valeurs dans science éco. Analyses, corrélations possibles et donc loi et prévisions. Pourquoi voter alors ? rève d'une démocratie informatisée en temps réel. Qu'est ce qui différence un sondage d'une élection ?
Herbert Simon (fondateur de l'AI) pense que pas de différences entre science de l'homme et science de la nature pour possibilité de faire des prévisions. Il ne pense même pas que l'observation  perturberaient le système observé. Les sondages en faisant connaitre l'état de l'opinion publique ne changent pas celui-ci. Or... Ils ont une influence. Le discours  sur la scientificité des sondages donne à croire que le vote est une procédure rationnelle. Mais l'indécidabilité produite par la boucle récursive des sondages sur eux mêmes et, finalement, sur le vote démontre le caractère illusoire de la scientificité en question. La raison, ici, ne produit que de l'indécidable. La pratique du vote, elle, tranche, c'est à dire décide dans l'indécidable.
-Paradoxe du vote. Quelques pierres ne constituent pas un tas.
Soit une élection entre deux nom ou entre oui et non, sauf en cas de résultats égaux, il est inévitable de conclure que le bulletin déposé dans l'urne par chaque électeur aura eu un effet strictement nul. "Le résultat final aurait changé si je n'avais pas voté ?" Non ! Or le vote à un cout (de transport par exemple.) L'électeur ne devrait pas voter. Les cognitivistes se demandent pourquoi l'électeur vote. Ils ont décelé des comportements magiques. Certains se disent, si je vote, ceux qui, s'ils votent, votent comme moi se décideront également à voter, capacité d'influence.
On peut se moquer mais les politologues français se sont plaint que l'élection de 2000 va se jouer sur quelques poignée de votants (même juif ou noir, quelle horreur...) en Floride. Raisonnement magique qui consiste à croire que la découverte d'un fait a le même effet causal que le fait lui même. Ce n'est pas parce que les voix de Floride ont été dépouillé etc en dernier que leur influence aura été plus grande. Tout comme le sujet collectif est pure fiction(Maastricht, la France a répondu oui à l'Europe mais a voulu donner un avertissement....) Vote de 2000 aux USA est un super exemple
La loterie en Amérique
Nous nous sommes moqués de leur incapacité, mais les américains en sont ressorti fiers. Il y a un lien entre cette incapacité et cette fierté, il y a un lien.
On ne peut voir les votes entre Gore ou Bush comme des valeurs déterminées que l'on peut approcher avec une marge d'erreur la plus faible selon le temps que l'on se donne. (il existe toujours une marge d'erreur. Il n'y a d'observation du réel qu'approchée. En 2000, la marge d'erreur a été plus grande que le seuil critique entre les deux bonhommes. Situation remarquable. LA décision dépendait de cela même qui échappe à l'observable. Une cause si petite qu'elle est inconnaissable déterminait un résultat considérable. Aux Etats Unis, tous les grands électeurs sont élu à la majorité, un état est gagné par un camp ou non. Un transfert d'une voix peut être insuffisant pour changer le résultat national mais peut basculer un Etat ce qui peut changer le résultat au niveau national. Il peut exister divergence entre vote populaire et vote du collège électoral. C'est scandaleux si on pense que la procédure doit être rationnelle et révéler la volonté générale. mais pas autant que cela, si on pense que la procédure comme un moyen de renvoyer la décision à une instance qui échappe aux choix individuels.
Malaise politique vu par Constant "perdu dans la multitude, l'individu n'aperçoit presque jamais l'influence qu'il exerce. Jamais sa volonté ne s'empreint sur l'ensemble ; rien ne constate à ses propres yeux sa coopération. " Pourtant l'élection américaine a réussi l'exploit de s'approcher du point où chacun a eu le sentiment que sa voix comptait. Mais ce point est celui nécessairement où l procédure semble arbitraire. La démocratie moderne ne ressemble jamais autant à ce qu'elle ambitionne d'être que lorsqu'elle devient indiscernable d'une gigantesque loterie.
Chacun se demandant s'il va voter ou non, se fixe sur le cas, (possibilité infinitésimale)où sa voix ferait basculer le vote d'un camp dans l'autre. Pouvoir qui serait aussi phénoménal qu'insignifiant puisqu'il n'y aurait pas de différence pour ce qui est du résultat global avec le fait de tirer à pile ou face.
On note plus souvent la part de hasard dans le vote particulier. Certains disent aussi que ce résultat est le signe de la loi des grands nombres et de la proximité des partis. Faux, la probabilité d'égalité diminue avec le nombre. On juge de la probabilité d'un événement après sa venue.... Pas possible... On ne peut dire que c'était comme si les américains ont voté au hasard. Le hasard arrive plutôt comme effet de structure,  il se situe au niveau du vote tout entier. Draw veut dire égalité et loterie.(en France, chance, aléa renvoie à la chute d'une dé. une toute petite cause aboutissent à un transfert de victoire par exemple. (Elections de 2000). Ne sommes nous pas dans le cas où le hasard a un sujet et donc un sens. Sujet en situation d'exteriorité, le peuple transcende les individus. La forme que prend le système générateur est déterminante. Le vote anonyme est souvent un recours au hasard malgré les discussions à coup d'arguments rationnels. On peut sortir du paradoxe du vote mais il faut accepter de le traiter comme une procédure rationnelle et remonter aux origines rituelles de la démocratie. Le rituel n'est pas l'irrationnel face au rationnel, il comporte sa propre rationalité.
Exemple: élection américaine : première phase, crise d'indifférenciation, qu'est ce qui les différencient ? Plus ils se ressemblent, plus leurs différences sont petites et illusoires. Premier temps pour préparer le second. la nation se rassemble en un mouvement cathartique autour du vainqueur. Le je ne sais quoi a suffi d'en faire l'intégrateur de la nation. Les rituels d'un traité de paix joue la guerre puis la non guerre + sacrifice. Le vainqueur sera immolé. Souverain ou martyr, différence apparemment considérable mais la similitude du choix des deux  reste troublante.
La crise de l'Amérique est que la violence qu'il s'agissait de nier a occupé pendant longtemps toute la scène en l'absence d'une solution cathartique qui n'arrivait pas. (media au langage religieux). Il fallait réaffirmer une foi. celle du pouvoir nourricier de la constitution., du règne de la loi et la grandeur d'un système. qui place la loi au dessus des hommes. Peur de la perte de légitimité du système. Le rite joue avec le feu. en jouant l'affrontement pour mieux le dépasser. Risque que la fête tourne mal et que l'incendie embrase tout. Des voix demandaient que les candidats rivaux sacrifient leur ambition pour défendre l'idéal. La victime consentante serait le vainqueur dans l'ordre symbolique et peut être à l'avenir, dans l'ordre réel.
 Pour un rapprochement de l'anthropologie et de la philosophie politique
Bref, nous l'avons vu, la démocratie est essentiellement rituel dont l'efficacité  dépend prioritairement de la participation unanime et du respect scrupuleux des formes. Lefort, suffrage universel, c'est le moment où la souveraineté populaire devrait se manifester que les solidarité sociales sont défaites, l'individu social est converti en unité de compte. Le nombre se substitue à la substance.
Rapprochement entre politique et économique. De même que le marché et le système de prix réduisent la vie collective à une comptabilité en valeurs, en abstrayant toute substance sociale, tout arrive par décompte de voix, cela a pour condition de possibilité la dissolution des liens. Il y a un rapprochement à faire entre la démocratie et la désagrégation conflictuelle de la communauté et en même temps, acte de collaboration sociale.  Dans le carnaval encore, le comble du holisme et le comble de l'individualisme apparaissent comme ne faisant qu'un. (Comme Rousseau pour Louis Dumont).
Gauchet par Tocqueville, proximité troublante entre idéal démocratique et dérives despotiques, Gauchet cherche un fonctionnement démocratique viable. Il reformule le problème théologico-politique : les sociétés primitives croient que leur ordre et leur sens à une volonté supérieure et extérieure. Mais modernité est travaillé par le savoir que les hommes ne doivent les lois de la cité qu'à eux mêmes.. L'extériorité est intériorisée. La division de la société d'avec elle même (logique du sacré) est importée à l'intérieur de la société. On a pensé que l'intériorisation de la coupure entre la société et son Autre allait entrainer une réappropriation totale de l'être collectif. L'histoire des sociétés démocratiques (prise de conscience de leur fragilité constitutive, idéal irréalisable et dangereux.
L'absolue souveraineté tendrait paradoxalement à engendrer son contraire..., aliénation la plus complète par concentration d'un pouvoir devenu illimité et arbitraire en un lieu coupé des autres. Un corps politique ne pourrait donc être sujet de lui-même qu'à la condition d'accepter que les instruments dont il se dote pour mettre en acte sa souveraineté le dépossèdent de celle ci dans une certaine mesure. Gauchet exprime l'importance de l'entre-soi, la société démocratique, dans celle ci le sens de la vie en commun relève bien de l'ordre humain mais nul ne peut se l'approprier. "Etat :Tout se passe entre les hommes, l'état partout est là pour donner corps à la ressaisie complète de l'être ensemble. Mais tout se passe là de telle sorte qu'il n'y ait pas d'appropriation possible du sens final de l'être ensemble par les acteurs sociaux, il ne serait plus entre eux mais en eux."
Claude Lefort "incorporé dans le prince, le pouvoir donnait corps à la société, puis trait révolutionnaire de la démocratie. Le lieu du pouvoir devient un lieu vide. On ne peut plus s'incorporer le pouvoir, remise en jeu périodique, compétitions aux conditions réglées, institutionnalisation du conflit.
Dans ce cadre, écoutons Lucien Scubla en lien avec Hocart, "Si volonté générale est inaliénable, nul ne saurait en être le détenteur ; si la volonté générale ne saurait être représentée, rien ne saurait en être le représentant pas même le peuple unanime. Le chef de l'état occupera un lieu inviolable et comme le roi ashanti qui siégeait sous un tabouret d'or sur lequel nul ne pouvait s'asseoir., placé sous la protection de la Volonté Générale mais ne pouvant s'identifier à lui. Gardien d'une place vide que nul ne saurait s'occuper. Cette place vide est la substance invisible autour de laquelle se structure  l'ordre social et politique. Personne ne peut parler en son nom.
On peut toujours réfléchir du lien entre le passage de rituels non démocratiques, non politiques mais religieux au rituel démocratique. et l'irréductible religieux dans la politique.
Scubla fait suggestion. Hyène féminine existe seulement après combat de chasse entre deux tribus, ls deux tribus mangent le butin du gagnant. Le rite pourra se transformer du Scubla., on conserverait seulement la chasse, puis on remplace les biches par des voix. La chasse rituelle se transformerait en un jeu de massacre politique où les victimes humaines pourraient retrouver la place qu'elles avaient cédée aux victimes animales. Pas plus rationnel de compter les voix plutôt que les proies pour déterminer le sexe des hyènes. Mais l'essentiel est la participation du rite, l'importance est que chacun donne sa voix, l'unanimité garantit l'efficacité comme elle garantit l'efficacité du rite.
Qui dira le sexe des hyènes ? Sur des questions décisives pour l'avenir de l'humanité, l'appel à la démocratie sert d'alibi à l'absence de réflexion normative. Sagesse avec plus grand nombre ?

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