Girard a très souvent cité Raymund Schwager. Le citant souvent comme co-fondateur de la théorie mimétique.(exemple dans cette interview) Compagnon de travail lui faisant "renier" une partie de son livre "Des choses cachées depuis la fondation du monde" sur une interprétation non orthodoxe de l’épître aux hébreux et sur l'acceptation du terme de sacrifice pour Jésus.
Son livre le plus célèbre est celui-ci. En voici une fiche de lecture et quelques extraits qui me furent marquants. J’espère vous faire ainsi partager la lumière de ce beau livre qui me semble tellement nécessaire à chacun. La postface de Girard viendra plus tard dans le temps.
Après un résumé des théories girardiennes, Schwager s'évertuera à montrer ensuite la cohérence de celle-ci par l'unité qu'elles provoquent entre l'Ancien et le Nouveau Testament tout en éclairant d'une lumière aussi nouvelle que traditionnelle le mystère de la rédemption du Christ.
Accepterons nous l'importance du phénomène du bouc-émissaire dans nos vies ?
En introduction, Schwager dit combien l'oeuvre de Girard est importante pour la théologie Chrétienne. Il le dit en 78 après "la violence et le sacré" mais avant "de ces choses cachées depuis la fondation du monde". Le travail de ce livre est de montrer la déflagration que permet Girard dans l'environnement de la théologie qui s'est un peu égarée selon Schwager et s’éloigne de l'essentiel.
Le livre est en trois parties. Un résumé original et protecteur très convainquant des théories girardiennes, une lecture de l'ancien testament à partir de celles-ci puis la confrontation de cette lecture avec le nouveau testament avec pour objectif une interprétation synthétique de l'ancien et du nouveau testament.
I René Girard : La violence et le sacré.
Schwager appuie sur 4 points principaux pour présenter les théories de René Girard
L'importance de la violence et du sacrifice dans les sociétés humaines.
En quoi la violence est la menace de tout groupe humain, comment le sacrifice et les tabous sont les médicaments et les poisons de celle-ci. La colère et non la sexualité comme dernier ressorts des actes humains.
La mimesis.
Aidé d'exemples dostoievskiens, Schwager montre comment Girard découvre la carence ontologique des hommes. La souffrance de ne pas être Dieu et de voir l'autre comme barrière à ce désir. Il détient la plénitude de l'être et me montre mon insuffisance fondamentale. On peut à la rigueur désirer que les autres nous prennent pour une idole. Mais cette blessure partagée conduit les désirs humains à se confronter et à devenir rivaux ainsi qu'à généraliser dans la communauté la violence. Le sacré est une protection existentielle à la communauté.
Le bouc émissaire
Le Bouc-émissaire est la victime innocente que la communauté croit vraiment coupable. Sacrifiée, elle redonnera la paix et se révélera souvent comme le dieu de la religion sacrée.
Enfin Schwager défend la théorie contre certaines objections.
Freud à qui la sexualité dissimule la nature du désir. L'attention de Girard à la scientificité de ses recherches. Même par la révélation de la violence au plus intime des communautés, il permet de voir l'angle mort, le point noir de toute recherche scientifique. Girard est aussi confronté à Hegel, quête de l'universalité et intuition de la violence dans les relations humaines. Pour Hegel, la conscience conduit à la vertu par la disposition au bien de la marche du monde (et par sa ruse). Mais Hegel tout en s'en approchant rate la nature mimétique du désir et le bouc-émissaire.
Tout sacré peut être vu dans une perspective sociale et intersubjective. Alors le véritable religieux n'est-il pas dans cette révélation que Girard voit dans la Bible ? Schwager poursuit la démonstration.
II Ancien Testament : du Dieu de la vengeance au Dieu de la paix
La violence est un thème central de l'ancien testament. Dans un schéma progressif, Schwager convainc à montrer que l'ancien testament est un chemin broussailleux vers la sortie du monde sacré de la violence. Il y a des retours en arrière, des pièges, des découvertes. Il n'y a pas de chemin clair, la représentation est partielle. Mais toute violence divine se révèle être transmise par des intermédiaires et puis petit à petit, de plus en plus clairement, toute violence est humaine. Le lien est toujours réalisé entre mimésis humaine et intervention de la violence divine.
La répulsion que Dieu communique des sacrifices dans Isaïe en est un autre signe. L'intuition girardienne nous permet de lire différemment aussi l'histoire d'Abel et Caïn.
P148 Le texte montre que c’est celui dont le sacrifice n’a pas rempli sa fonction qui est devenu un meurtrier. Ce n’est pas parce que Caïn était mauvais que son offrande a été écarté ; c’est parce que son offrande n’a pas atteint le but souhaité qu’il est devenu rival et meurtrier. Les textes vétérotestamentaires considèrent – en adéquation exacte avec la théorie de Girard- les sacrifices sous un double éclairage. D’un coté, certaines assertions indiquent que la violence surgit là où les sacrifices ne fonctionnent plus correctement. D’un autre coté, à cause justement d’une vue plus pénétrante de l’essence de la violence, l’inefficacité des sacrifices à débarrasser la communauté du mal est reconnue. Caïn a versé le sang car son offrande n’a pas été agréée.
Mais au delà de cette science du sacrifice, Dieu révèle sous son nom, une relation de confiance et de paix qui est exportable dans la société. Au contraire, tout homme ne lui faisant pas confiance se met à portée de la violence et du meurtre. La foi chrétienne pense notamment que le dénominateur commun de l'ancien testament se trouve dans Jésus, ainsi devant les mouvement disparate dans la révélation de la violence dans l'ancien testament ne trouve son ordre et sa clarté que dans l'enseignement et la vie du Christ.
III Jésus, Bouc-émissaire du monde
Girard pense que sa théorie est déjà là toute offerte dans les Évangiles A sa suite, Schwager le montre par l'importance de la parabole de la pierre d'angle (Luc 20 ; sa "clef herméneutique"). Signe de l'importance de la violence et de l'incapacité humaine à la voir comme fondatrice. Ensuite, Schwager expose des propos que je trouve très ambitieux. il pousse radicalement le lien entre péché, meurtre, mensonge et méconnaissance de l'homme de les pratiquer. La volonté de tuer et de mentir est le coeur du péché enfoui en l'homme pour son malheur et c'est la cible de Jésus. Comment lutter contre cet aveuglement et cet entêtement humain ?
Schwager ensuite démontre en quoi Jésus est un bouc-émissaire et en quoi ce thème est central dans les Evangiles. Pour Schwager, derrière tous les boucs émissaires, Dieu est visé, il est donc normal qu'il y ait été vu dans le passé un signe de Dieu dans les boucs émissaires du passé. La violence est enracinée au coeur de l'humain mais ne fait pas partie de son essence.
Partant de là, il explicite la rédemption d'une manière qui m'est tout à fait nouvelle, ou alors plus précise. Par sa mort sur la croix, Jésus a révélé la violence humaine qui fut de tout temps orientée (sans le savoir) sur lui et son père. Il vient pour répondre présent et pour prendre la violence qui lui fut de tout temps (hier, aujourd'hui, demain) attitrée. Jésus est le vrai bouc-émissaire apportant la véritable paix. Le principe païen, comme l'a toujours dit Girard, est l'intuition et la préhistoire de la rédemption.
La parole de Christ devient alors la révélation de l'amour de Dieu car il confronte les hommes avec leur propre violence. La colère de Dieu est la conséquence de la liberté laissées aux hommes dans leurs actions tourné contre Dieu et inversion des relations entre les hommes, la colère est le déchaînement possible de la violence de l'humanité qui n'a plus de sens puisque Jésus y a répondu. Cette violence est ignorance de Jésus. Mais l'Esprit Saint travaille et continue le rassemblement par l'éducation à la vérité des hommes.
En perspective, l’œuvre de Girard, outil de liaison,
d’unité et de cohérence entre l’ancien et le nouveau testament.
Œuvre tellement forte qu’on peut se
demander pourquoi personne n’avait explicité avant la rancune contre Dieu. La
violence aveugle… L’herméneutique de la pierre rejetée a tellement été rejetée que les chrétiens se sont cherché des bouc-émissaire comme les juifs ou bien même Adam d’une
certaine manière… Mais cette vérité a agi comme le levain.
Girard aussi est l’accomplissement chrétien des penseurs athées (et souvent anti-religieux)qui ont importé la critique des
prophètes dans la pensée des sciences humaines. Mais Girard est aussi le signe
d’un progrès de l'époque de cette humanité plus consciente des boucs émissaires et (avec la
science) plus consciente de la violence apocalyptique.
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Quelques extraits :