lundi 4 mai 2015

Bernard Maris et la fraternité anonyme

Interviewé par la télévision belge, peu avant sa mort tragique dans les locaux de Charlie Hebdo, on retrouve en condensé le peu que je connaissais de Bernard Maris. Ce portrait intellectuel qui jongle entre ses propres livres et sa production éditoriale ressemble à un testament. Ce testament fait curieusement beaucoup écho à ce propre blog. Cela me surprend peu car j'appréciais certaines de ses sorties médiatiques. 
Ne représente t-il pas pour moi l'homme de gauche qui doute et médite, rempli de générosité et du tragique de l'existence, tragique qu'il faut tenter d'embrasser comme la croix du Christ dont elle n'est peut-être que l'ombre sur nos vies et qu'il a, semble-t-il, voulu reprendre dans ses bras...
Laïcité, capitalisme, violence, la quête vibrante de communion de cet auteur a cessé brusquement par un fusil situé à la convergence de ces trois questions qu'il n'a cessé de creuser. Espérons qu'elle a trouvé sa résolution dans les bras du Père et non dans des bras anonymes....



Laïcité
Bernard Maris pose le portrait d'une laïcité douce, elle ne serait pas "de combat" elle est le rêve raisonnable d'une société qui ne croit plus à la folie de la non réciprocité violente du christianisme. Elle est la fraternité en acte, la décence commune. Elle est le rêve de "fraternité anonyme", la cristallisation de l'altruisme inhérent à l'homme et qui nous fait homme. Le religieux n'est pas vraiment l'ennemi de la laïcité mais c'est l'effondrement du social qui en brise les espoirs. 
Je crois que le diagnostic est juste mais il montre surtout le malentendu, souvent de gauche, que porte Bernard Maris. Le religieux est extérieur à l'homme et est une dimension ajoutée. Le rêve de pentecôte et de fraternité devient "anonyme", ironie de l'expression qui comprend le désir et le besoin de communion fraternelle humaine mais qui refuserait de porter le regard sur le Père ou le frère par excellence, Jésus.
Il ne reste qu'un malentendu entre personnes de bonne volonté et une laïcité trop légère pour porter sur ses épaules un besoin eschatologique....

Capitalisme
Celui-ci se donne comme vocation d'absorber toute métaphysique, foi et superstition. La relation marchande se substitue à toute relation véritablement humaine possible. L'argent est l'arme de destruction massive de toute relation humaine éprouvée, le capitalisme en est le stratège. Fausse égalité, hyper narcissisme, hyper individualisation, société confortable mais âpre et dure, sans plus aucune consolation, elle tue tout altruisme et coopération. Processus mortifère et suicidaire. Nous perdons tout...
Il a écrit un livre sur Houellebecq économiste. Il est selon lui l'auteur de la fin du capitalisme. La fin des relations humaines mangées par les relations marchandes, le malthusianisme, la réflexion sur l'utilité.
Maris nous invite aussi à connaitre Freud, Keynes et Marx, ils se sont bien trompés mais ils nous ont donné des indices merveilleux pour comprendre notre monde. Infantilisation du capitalisme en pleine hubris et sans limite sauf celles de la terre. Bidonvillisation du monde malthusien (la possibilité d'une île). Quête absurde d'une productivité qui lutterait contre la rareté. Contre productivité (Illich), promiscuité et catastrophisme que nous savons mais que nous ne croyons pas (Dupuy). Nous allons tous en mourir.
Les socialistes ont trop cru qu'il pouvait construire le paradis sur terre, ce sont des chrétiens qui ont perdu le paradis. (thèse proche de celle de Hadjadj)
Cela nous donne un capitalisme créateur d'irresponsables immatures, endettés croyant à la vie éternelle par la productivité... Mais, en fait, nous avons peur de la mort ! Trouvons le juste milieu et osons vivre ! Nous ne faisons que perdre notre vie à la gagner.


Violence
Bernard Maris a écrit un livre sur la perception de la première guerre mondiale par deux grands hommes qui en ont survécu et se sont probablement battu l'un contre l'autre. Maurice Genevoix (son propre beau-père) et Ernst Junger. (à ce propos, ne soyons pas dupes, "les artistes sont les sentinelles et les voyants de notre monde") A leur suite, il affirme avec force, ne nous faisons pas de film, nous aimons la guerre, les hommes peuvent aimer la cruauté, la guerre apporte une sensation de plus d'être à eux qui la font, c'est un moment exceptionnel et fraternel mais avant tout une maladie destructrice et abjecte....
Malgré tout, Hollande et Merkel, c'est mieux que tout cela, il faut éprouver et voir notre part noire ("Nous ne sommes pas bons !")qui nous est constitutive comme notre altruisme. Il donne comme image un tableau de Goya de deux hommes préférant continuer à se battre alors qu'ils sont tous les deux pris dans le sable mouvant. Mimétisme et montée aux extrêmes !







 Quelques notes...

C'est dur pour la laïcité, non à cause de l'effondrement du religieux mais à cause de l'effondrement du social.
La laïcité n'est pas l'ennemi du religieux, elle en est tolérante, besoin de fraternité, besoin de considérer les autres de manières égales. Mais avec la crise éco et augmentation des inégalités, le sentiment de fraternité et d'égalité se délitent. L'ennemi de la laïcité n'est pas le religieux avec qui ils font bon ménage (depuis 1905) non les inégalités créent des haines et des antagonismes qui peut conduire vers l’extrémisme religieux. Les tendances altruistes se réduisent en temps de crise.
La laïcité a été inventé pour fusionner ces deux choses incompatibles, égalité et liberté, c'est la fraternité qui est le mot d'ordre essentiel de la laïcité.

La laïcité ou la fraternité anonyme... C'est le rêve laïc.
Rêve chrétien est de tendre l'autre joue. c'est impossible. Rêve absolu. Les socialistes et franc maçon n'avait pas de rêve à disponibilité, ils ont inventé les fraternités laïques, désir d'aider l'autre qui existe profondément dans la nature humaine. Penchant égoïste mais aussi altruiste. L'altruisme nous fait homme. Laïcité fondé sur besoin d'altruisme.Fraternité anonyme c'est la common decency présente dans le peuple.

La vocation du capitalisme
Capitalisme a t il vocation à absorber toute métaphysique, foi et superstition pour devenir la superstition suprême ? Oui ?
La relation marchande tend à absorber tout type de relations. (hiérarchie, vassalité, honneur, etc...)
fausse égalité passant par l'argent. Argent c'est ce qui permet de ne pas regarder les autres dans les yeux.... Le capitalisme coupe les relations par l'argent

Pessimisme sur évolution du capitalisme ?
Hyper narcissisme et hyper individualisation
Tout le progrès technique vont vers cela malgré eux. Solitude, société dure. Il y a beaucoup de jouet (stade infantile), ce n'est pas une société mature, elle surfe sur le besoin infini et renouvelé. On détruit du lien social de plus en plus tôt. C'est porteur d'une grande violence et suicidaire. Elle tue l'altruisme et la coopération.

Freud et la capitalisme
Capitalisme et pulsion de mort. Comment Freud nous aide à comprendre.
Malaise dans la civilisation, notre histoire. (Freud inséré en Angleterre par Keynes et bloombury) Keynes grand lecteur de Freud. (dépression économique). Freud nous aide à comprendre le caractère infantile du capitalisme, cela ne s'arrêtera jamais, il y aura toujours de nouveau besoin et de l'envie. Processus mortifère, mythe du roi Midas. Freud dit que pulsion de mort est combattu par la culture, l'éducation, la technique, mais plus on la combat, plus on la refoule plus elle peut exploser...
La limite n'est plus l'homme mais l’écosystème. Bidonvillisation du monde, Malthus et possibilité d'une ile de Houellebecq. Mythe capitaliste, la productivité battera toujours la rareté. En faisant cela nous raréfions le monde. Mais nous allons tous mourir de cela. Il y a de quoi être pessimiste comme Levy Strauss, la promiscuité nous rendra insupportable les uns les autres. L'humanité n'est pas raisonnable. Nous sommes lucide et nous ne voulons pas voir ce que nous voyons. Nous n'y croyons pas vraiment... Je suis d'accord avec Dupuy, nous ne croyons pas ce que nous savons. Titanic qui avance.

Les socialistes ont perdu le paradis.
Comment Keynes et Marx peuvent redevenir des référents politiques ?
Marx était optimiste, il croyait au stade de fraternité. Pseudo chrétien comme beaucoup de socialistes, malheureusement, ils ont perdu le paradis. Ils ont voulu construire le paradis dont les chrétiens ne cessaient de parler.
Keynes lui rêvait d'une société où les hommes travaillent très peu et se consacrent à la poésie et au travail choisi et contre travail servile.
Finalement, il ne nous aide pas, car ils se sont planté, nous sommes à l'intérieur d'une course à la productivité et monde nous étouffant. Mais Keynes a bien pensé que la dette nous tuerait. Donc jeunesse aussi. Mais inappliqués car nous sommes immature et nous avons peur et nous fuyons car nous croyons avoir la vie éternelle par la productivité et que nous ne voulons pas mourir. Nous sommes en pleine contre productivité....
Trouvons le juste milieu et osez vivre !!! Nous préférons être pris ! Nous préférons perdre notre vie à la gagner. Le capitaliste est l'homme le plus riche du cimetière. Le capitaliste économise pour lui car il n'a pas voulu vivre... Il a refusé de vivre.

La magie divinatoire des écrivains.
Vous avez écrit sur la guerre de 14. Genevois et Junger. Qu'est ce que la littérature nous apprend sur la guerre ?
La littérature nous apprend sur tout (l'économie, Balzac et Zola) Les écrivains sont des devins, prescience de ce qui advient. Ils voient ce qui se passe vraiment...
Les deux ont écrit de belle page sur la guerre, ils ont battu l'un contre l'autre.
Ils disent, nous avons aimé faire la guerre. ils sont devenus pacifistes. Guerre comme maladie. Pas dupes de ce qu'ils ont fait, la fraternité. Junger a aimé et Genevois avoue son plaisir. Moment exceptionnel pour les hommes.
Teilhard disant qui n'a pas connu Douaumont, n'a pas connu la liberté.
Hollande Merkel, cela reste mieux Mais n'oublions pas que dans les champs de guerre actuels, ces hommes aiment cela. Il ne faut pas oublier cette part noire. L'hystérie guerrière existe. Ne nous voilons pas les yeux, les hommes aiment cela.
Goya, hommes se battant dans sable mouvant. Ils préfèrent ne pas s'arrêter de se battre de t de mourir tous les deux. Ne pas se leurrer, nous ne sommes pas bons.

La métaphore de la sentinelle
Livre sur Houellebecq
Il écrit des romans de la fin du capitalisme.
Possibilité d'une ile.
riche ayant la vie éternelle
La carte et le territoire, métaphore de la destruction créatrice, on oblige les hommes à se renouveler alors qu'ils n'ont pas envie, cruauté terrible. Qui est utile et qui est inutile.Com, pub, avocat d'affaire, ceux qui nous obligent à travailler et à consommer sont inutiles fondamentalement. Artisan et artiste, voila l'utile.
Puis travaux qui le sont moins, pub etc...

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