La désacralisation du monde n'est pas un phénomène
progressif qui irait comme par nécessité vers l'élimination complète et
définitive de la religion. Des resacralisations secondaires viennent constamment
ponctuer ce long retrait du sacré primitif en en perpétuant la caractéristique
principale : le sacré contient la violence dans les deux sens du mot.
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Dupuy s'attaque au sixième chapitre au sacré de la bombe atomique et de la dissuasion nucléaire.
L'apocalypse nucléaire est à la pensée stratégique ce que la crise sacrificielle, dans la théorie de René Girard, est à la science de l'homme : un centre absent et néanmoins rayonnant, dont tout ce qui est découle ou un trou noir, invisible mais qui s'aperçoit par l'attraction immense qu'il exerce sur tous les objets de son voisinage.
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Dupuy s'attaque au sixième chapitre au sacré de la bombe atomique et de la dissuasion nucléaire.
L'apocalypse nucléaire est à la pensée stratégique ce que la crise sacrificielle, dans la théorie de René Girard, est à la science de l'homme : un centre absent et néanmoins rayonnant, dont tout ce qui est découle ou un trou noir, invisible mais qui s'aperçoit par l'attraction immense qu'il exerce sur tous les objets de son voisinage.
Ben Laden dans son interview de 1997 parle comme un métaphysicien, il annonce ses actions terroristes comme des réponses aux bombes d'Hiroshima et c'est ainsi, pense Dupuy, que beaucoup d'américains l'ont pris. "Les américains ont commencé, nous devons utiliser avec simplicité le principe de réciprocité. Et au Japon aussi, les bombes ne faisaient pas de différence entre les enfants et les adultes." dit Ben Laden en substance.
Ben Laden prend la position de Levy-Strauss dit encore Dupuy. La loi qui impose la réciprocité de l'échange serait la manifestation d'une nécessité d'ordre logique, et par là même mécanique. Ben Laden révèle ce que Bourdieu et les autres ne voient pas, à savoir que cette logique est celle du mal, de la violence et du ressentiment. Le terrorisme islamique se montre comme le reflet monstrueux de l'occident qu'il déteste. Logique victimaire, fin de la guerre juste, fin des principes de proportionnalité et de discrimination.
Gunther Anders, le théoricien de l'ère atomique
Pour Anders Le tribunal de Nuremberg fut d'une ironie monstrueuse car ce fut aussi le début de l'ère où les vainqueurs développent des armes qui rendent les guerres criminelles. Hiroshima n'est il pas perçu comme un mal nécessaire. Les normes morales s'effacent devant le calcul des conséquences (conséquentialisme). Dans ce cas là pourquoi n'avons nous pas tué les enfants et femmes de la Ruhr pour accélérer la défaite allemande ?
Pourquoi cette exigence minimale morale n'a pas écarté l'option nucléaire ? Le jugement moral découler des évenements tels qui'ils se sont déroulés, c'est la fortune morale des vainqueurs.
Selon Dupuy, les recherches historiques tendent à nous faire penser que les bombes atomiques n'étaient pas fondamentalement nécessaires, Truman aurait du accepter l'aide soviétique et la permanence du rôle sacré de l'empereur. Il voulait impressionner les russes, les japonais furent des cobayes. Les américains furent même surpris par la reddition après seulement deux bombes...
Quel sens a ses deux bombes ? Comment l'habillage conséquentialiste a t il pu fonctionner ?
Pour Anders, le 6 Aout est le départ d'une nouvelle phase humaine, celle où l'homme sait qu'il peut se détruire. La dénucléarisation ne marchera pas, cela existe, cela sera utilisée. "L'apocalypse est inscrite comme un destin dans notre avenir, et ce que nous pouvons faire de mieux, c'est de retarder indéfiniment l'échéance." Réfléchir sur la rationalité de Hiroshima, c'est encore traiter l'arme nucléaire comme un moyen au service d'une fin, or elle les excède toutes. Pourquoi l'aveuglement face à l'apocalypse ?
Parce qu'il y a un décalage, nous ne pouvons sentir, imaginer la disproportion entre notre capacité de destruction et notre condition.
L'impuissance de la dissuasion ?
La réussite de la dissuasion est elle comme la blague de la poudre aux éléphants ? "Vous voyez bien que cela marche". Dans le reportage the fog of war, de nombreuses fois cités, Mac Namara sur qui le film est centré affirme : La dissuasion ? Quelle blague ! Quarante fois nous sommes passés à ça (un petit écart des doigts) d'une guerre atomique. We lucked out ! (Nous nous en sommes sorti par la chance !)
MAD (Mutually assured destruction) fut la première stratégie pendant la guerre froide. Chaque nation offre en holocauste sa propre population à l'autre. (Cf : discours de Clinton à la Russie, nos boucliers atomiques sont à l'encontre des états voyous mais pas de vous...) Les nations nucléaires se présentent comme vulnérables et invulnérables.
NUTS (Nuclear utilisation Target Selection) La doctrine d'une frappe précise contre les armes nucléaires de l'autre tout en s'en protégeant par un bouclier antimissile.
NUTS (Nuclear utilisation Target Selection) La doctrine d'une frappe précise contre les armes nucléaires de l'autre tout en s'en protégeant par un bouclier antimissile.
Tout le monde a pris ces deux stratégies comme de la sagesse et nos garants de paix. Pourquoi ? Tout est dans l'intention et personne n'ose jeter la première pierre. Moralement, elles sont comme les divinités primitives, elle conjoint la bonté puisque c'est grâce à elle que la guerre nucléaire n'a
pas eu lieu, et le mal absolu, puisque l'acte dont elle est l'intention est une
abomination sans nom.
Mais si on ne croit pas à la destruction mutuelle car aucun dirigeant ne prendrais le risque de détruire l'humanité, c'est finalement avouer que la menace nucléaire n'est pas crédible...
La dissuasion n'a pas empêché le surarmement nucléaire.
Pour que la dissuasion marche, il aurait fallu abandonner la notion d'intention dissuasive. La simple existence de l'armada gigantesque aurait du suffire... Cette dissuasion existentielle fait de l'anéantissement un destin. Bref Anders et la pensée stratégique sont d'accord, nous sommes dans l'ère du sursis.
Si on suit cette dissuasion existentielle, la dissuasion
nucléaire a maintenu un temps de paix en projetant le mal hors de la
sphère des hommes en en faisant une
extériorité maléfique mais sans intention mauvaise pouvant fondre sur
l'humanité comme un tremblement de terre. Cette menace suspendue aurait donné
aux princes la prudence pour éviter l'abomination de la désolation.
Le paradoxe donc de la dissuasion intentionnelle est la marque
du sacré.
Dupuy pense que ce paradoxe de la dissuasion est aussi celui de Jonas (le philosophe et le prophête....). Il dit voici l'avenir pour inviter les habitants de la planète à changer pour que l'avenir prédi ne soit pas celui qu'il prédisait. Il parle pour un avenir qui ne se réalisera pas s'il fait bien son travail. Mystère et paradoxe. Dupuy pense que la dialectique du destin et de l'accident peuvent nous aider à comprendre la chose. L'apocalypse nucléaire est à la fois nécessaire et improbable, le hasard et le destin viennent s'y confondre. L'accident est à la fois le contraire du destin et sa condition de possibilité. C'est donc un accident que nous ne voulons pas et que nous cherchons à éviter.
Sauf si nous renonçons complétement à la violence, nous ne pouvons que jouer avec le feu, pas trop près (dissuasion existentielle) et pas trop loin pour ne pas oublier le danger. Il ne faut pas trop croire au destin, ni trop refuser d'y croire. Cela nous permet d'être à distance du trou noir qu'est l'apocalypse nucléaire.
Cette structure est exactement celle du sacré primitif tel que l'a vu Girard : Il ne faut pas trop s'approcher par ce qu'il déchaine la violence, il ne faut pas non plus s'en éloigner car il nous protège de la violence. Le sacré contient la violence, dans les deux sens du mot.
La fin de la haine et du ressentiment
Le mal dans le christianisme est relié à l'intention de ceux qui le commettent. Or la dissuasion nucléaire ne tente t-elle pas de disjoindre les deux ? Dupuy présente le désarroi de Anders au Japon où il lui semble que les japonais ont confondu la bombe avec une catastrophe naturelle comme s'ils éloignaient d'eux-même toute possibilité de ressentiment. Il écrit alors que dans un monde apocalyptique, par notre faute, offre l'image d'un paradis habité par des meurtriers sans méchanceté et par des victimes sans haine. Prophétie d'un monde de guerre contre lui même, sans haine. Dupuy pose cette question pour finir ce chapitre, L'inhumanité de la violence sans haine n'est elle pas la seule transcendance qui nous reste ?
Le film avec Mc Manara en entier est ici
Plus bas, résumé plus détaillé...
Dupuy pense que ce paradoxe de la dissuasion est aussi celui de Jonas (le philosophe et le prophête....). Il dit voici l'avenir pour inviter les habitants de la planète à changer pour que l'avenir prédi ne soit pas celui qu'il prédisait. Il parle pour un avenir qui ne se réalisera pas s'il fait bien son travail. Mystère et paradoxe. Dupuy pense que la dialectique du destin et de l'accident peuvent nous aider à comprendre la chose. L'apocalypse nucléaire est à la fois nécessaire et improbable, le hasard et le destin viennent s'y confondre. L'accident est à la fois le contraire du destin et sa condition de possibilité. C'est donc un accident que nous ne voulons pas et que nous cherchons à éviter.
Sauf si nous renonçons complétement à la violence, nous ne pouvons que jouer avec le feu, pas trop près (dissuasion existentielle) et pas trop loin pour ne pas oublier le danger. Il ne faut pas trop croire au destin, ni trop refuser d'y croire. Cela nous permet d'être à distance du trou noir qu'est l'apocalypse nucléaire.
Cette structure est exactement celle du sacré primitif tel que l'a vu Girard : Il ne faut pas trop s'approcher par ce qu'il déchaine la violence, il ne faut pas non plus s'en éloigner car il nous protège de la violence. Le sacré contient la violence, dans les deux sens du mot.
La fin de la haine et du ressentiment
Le mal dans le christianisme est relié à l'intention de ceux qui le commettent. Or la dissuasion nucléaire ne tente t-elle pas de disjoindre les deux ? Dupuy présente le désarroi de Anders au Japon où il lui semble que les japonais ont confondu la bombe avec une catastrophe naturelle comme s'ils éloignaient d'eux-même toute possibilité de ressentiment. Il écrit alors que dans un monde apocalyptique, par notre faute, offre l'image d'un paradis habité par des meurtriers sans méchanceté et par des victimes sans haine. Prophétie d'un monde de guerre contre lui même, sans haine. Dupuy pose cette question pour finir ce chapitre, L'inhumanité de la violence sans haine n'est elle pas la seule transcendance qui nous reste ?
Le film avec Mc Manara en entier est ici
Plus bas, résumé plus détaillé...
VI La menace nucléaire, notre nouveau sacré.
De Ben Laden à
Hiroshima.
La désacralisation du monde n'est pas un phénomène
progressif qui irait comme par nécessité vers l'élimination complète et
définitive de la religion. Des resacralisations secondaires viennent constamment
ponctuer ce long retrait du sacré primitif en en perpétuant la caractéristique
principale : le sacré contient la violence dans les deux sens du mot. Bombe
atomique, nouveau sacré ? L'apocalypse nucléaire est à la pensée stratégique ce
que la crise sacrificielle, dans la théorie de René Girard, est à la science de
l'homme : un centre absent et néanmoins rayonnant, dont tout ce qui est découle
ou un trou noir, invisible mais qui s'aperçoit par l'attraction immense qu'il
exerce sur tous les objets de son voisinage.
Ben Laden et
Hiroshima
Un grand théoricien des sciences humaines est Oussama Ben
Laden. Origine du ground zero ? Site de la première bombe atomique du nouveau Mexique. Les américains ont comparé l'attentat du 9/11 aux frappes nucléaires.
C'est ce que voulait Ben Laden. Interview BL de 98 par ABC, sur la fatwa pour
l'extermination des américains, réponse : Ils ont commencé, la vengeance doit
s'exercer en respectant scrupuleusement le principe de réciprocité. Les
américains ont commencé avec la bombe A au Japon, et le bombes ne font pas de
différence entre les enfants et les adultes. Il semble qu'il utilise les
concepts de Levi Strauss. Ben Laden en 2002 : Nous ne commettons pas de
terrorisme. Tuer ceux qui tuent nos enfants n'est pas du terrorisme. Tuer le
roi des infidèles, le chef des croisés et les civils infidèles en échange de
nos enfants mis à mort, cela est permis par la loi coranique et par la logique.
Dans le débat constitutif de la science sociale à la française, Ben Laden prend
la position de Levy-Strauss. La loi qui impose la réciprocité de l'échange
serait la manifestation d'une nécessité d'ordre logique, et par là même
mécanique. Ben Laden révèle ce que Bourdieu et les autres ne voient pas, à
savoir que cette logique est celle du mal, du violence et du ressentiment.
Le terrorisme islamique apparait comme le reflet monstrueux
de l'occident chrétien qu'il abhorre. Logique victimaire aussi. Ben Laden nous
montre la mise à mort des principes de la guerre juste, rituel violent et
mesuré, un rituel qui contenait la violence par la violence. Mise à mort
commencée par l'occident. Le principe de discrimination, de proportionnalité
explosent Ces principes sont mort à Hiroshima. (Même si les bombardements de
Dresde et Tokyo les avaient mis Ko déjà...)
Günther Anders, le théoricen
de l'ère atomique.
Entre les deux bombes atomiques, il y a le tribunal de
Nuremberg. Elle peut juger des crimes contre la paix, les crimes de guerre, et
les crimes contre l'humanité. "Ironie monstrueuse" pour Anders, les
vainqueurs de la guerre mondiale ont ouvert une ère où puissance des armes
rendent inévitables les guerres criminelles. (Brecht, lui conseilla de signer
autrement). Faire de la philosophie pour les autres philosophes, c'est comme un
boulanger faisant du pain pour les autres boulangers. Il pense l'entrée du
monde dans sa possibilité de se détruire. Il rapproche Auschwitz et Hiroshima,
passé certain seuil le mal moral devient trop grand pour les hommes qui
pourtant en sont responsables, aucune norme, éthique peut diagnostiquer la
chose. Pourtant Hiroshima est vu comme le mal nécessaire souvent en Amérique
s'investissant de pouvoir déterminer le meilleur ou le moins pire des mondes.
Entre les morts et ceux de l'invasion nécessaire de l'archipel, on ne peut pas ne
pas choisir la fin de la guerre même au prix de la considération de tout ce que
pouvait être guerre juste. Les normes morales s'effacent devant le calcul des
conséquences. Cela serait la différence entre Hiroshima et Auschwitz.
Certains ne cessent de clamer l'ignominie de l'acte.
Elisabeth Anscombe a utilisé une comparaison juste pour parler de l'horreur de
la morale conséquantialiste. Pour briser l'obstination allemande en 1945,
pourquoi ne pas avoir tué femmes et enfants de la Ruhr; Mais en quoi est ce
différent de l'Allemagne en Pologne ? En quoi est différent des bombardements
atomiques japonais ? Pauvre analogie mais elle n'a que cet outil logique...
Pourquoi cette exigence minimale de consistance n'a pas
suffi à écarter l'option nucléaire ? Il y a la fortune morale du vainqueur... Le jugement moral dépend de ce qui en a
découlé, des évenements, des vainqueurs etc. Dans The fog of war, dans le
reportage consacré Mc Namara secrétaire de la défense de Kennedy et conseiller
du général LeMay, responsable de nombreux bombardements sur le Japon. Il dit à
LeMay si nous avions perdu la guerre, nous aurions été jugé comme criminel de
guerre.
La morale conquentialiste a pu être servi comme alibi. Le
japon allait déjà capituler selon certains. Il eut fallu que l'URSS s'engage
dans cette guerre et de laisser la place à l'empereur. Truman refusa les deux.
(Potsdam 1945). La thèse d'Alperovitz est que Truman voulait impressionner
l'URSS avant que ceux ci interviennent. Les japonais son devenus les cobayes.
La bombe n'était pas nécessaire pour la reddition.
Barton Bernstein affirme après Nagasaki, le chef marine
nippon propose à l'empereur des "attaques spéciales" au prix affichés
de 20 Millions de morts. Les américains sont surpris par la reddition des
japonais (fait encore assez peu expliqué) et préparait la troisième... C'était
le plan le plus prisé parmi les 6 possibles. Le seul à ne pas être discuté.
Ces interprétations "révisionnistes" conduisent à
deux interrogations. 1 Comment donner sens à ces deux bombes ? 2Comment
l'habillage conséquentialiste a t il pu fonctionner ?
Anders y répond. Le 6 Aout, l'histoire est parti dans une
nouvelle phase. La catastrophe appelle des répliques, l'histoire devient
obsolète, l'humanité est capable de se détruire elle-même. Rien, pas même la
dénucléarisation lui fera perdre sa toute puissance négative.
"L'apocalypse est inscrite comme un destin dans notre avenir, et ce que
nous pouvons faire de mieux, c'est de retarder indéfiniment l'échéance."
La mise en obsolescence de l'avenir signifie non que le passé n'a plus de sens
mais qu'il n'en aura jamais eu. S'interroger sur la rationalité d'Hiroshima,
c'est encore traiter l'arme nucléaire comme un moyen au service d'une fin. La
bombe excède toute les fins. La bombe a été utilisée parce qu'elle existait.
Son existence était une menace, pourquoi l'horreur morale n'a pas été perçue
? Pourquoi aveuglement face à
l'apocalypse ? Parce que décalage prométhéen : après certains seuils, notre
pouvoir de faire excède notre capacité de sentir et d'imaginer. Cette incapacité
est de tous les hommes quand leur capacité de faire, de détruire devient
disproportionné par rapport à l'humaine condition. Il n'existe pas d'humain
capable de se représenter l'effroyable élimination de millions de personnes.
L'impuissance de la
dissuasion
La légende de la dissuasion nucléaire est même que celle de
la blague de la poudre à éléphant qui marche. Un pacifiste dirait qu'il
faudrait n'avoir aucune arme nucléaire... Certes mais pas possible. Elles
existent...
Dans The fog of war, On demande à McNamara pourquoi il n'y a
pas eu d'holocauste nucléaire pendant la guerre froide ? La dissuasion ? Non quelle blague ! WE LUCKED OUT !!!! Nous
en sommes sorti par la chance ! Trente fois, nous sommes passés à un cheveu de
l'apocalypse. Dupuy souhaite résumer son travail sur ce sujet ici tel qu'il l'a
développé dans Petite métaphysique des tsunamis. Pendant la guerre froide, la
situation de vulnérabilité mutuelle ou destruction mutuelle assurée aura donné
à l'intention dissuasive. un rôle majeur dans la stratégie et l'éthique.
Discours de Clinton et Rice, boucliers que nous construisons est contre les
états voyous mais vous vous pourrez détruire les USA... Cette extravagance
révèle que rien n'a changé après la chute du mur, logique de dissuasion est
toujours démente. Chaque nation offre à l'autre sa propre population en
holocauste. La sécurité y est fille de la terreur. Si l'un semble montrer qu'il
se protège. L'autre pourrait frapper comme prévention. Cette logique est MAD
(Mutually Assured Destruction). Les nations nucléaires se présentent comme
vulnérables et invulnérables.
La doctrine d'une frappe précise contre les armes nucléaires
de l'autre tout en s'en protégeant par un boulier antimissile a reçu le nom de
NUTS "cinglé" (Nuclear Utilisation Target Selection). Les américains
disent jouer à MAD avec les russes et peut être les chinois, tout en pratiquant
NUTS avec les coréens du nord, les iraniens...Que MADS et NUTS aient pu passer
pour de la grande sagesse et dire que cela nous a assuré la paix est fou. Rare
s'en sont émus... Pourquoi ?
Ce n'est que de l'intention et non un passage à l'acte.
L'adversaire étant dissuadé d'attaquer le premier, personne ne jette la
première pierre. C'est l'intention auto validante. Ce qui peut lui échapper à
la condamnation éthique est ce qui la rend nulle sur le plan stratégique.
Moralement elle est comme les divinités primitives, la dissuasion parait
conjoindre la bonté puisque c'est grâce à elle que la guerre nucléaire n'a pas
eu lieu, et le mal absolu, puisque l'acte dont elle est l'intention est une
abomination sans nom.
Certains ne croient pas à la destruction mutuelle, car aucun
dirigeant ne prendrais le risque de la destruction humaine. Donc menace
nucléaire n'est pas crédible.
Autre argument, une dissuasion ne marche que si elle ne
marche pas à 100% mais ici la première transgression est une transgression de
trop, la dissuasion n'en est pas une, elle préfigure la prophétie du malheur.
Le signe le plus flagrant que la dissuasion n'a pas marché
(si l'on renonce bien sur au mythe qu'elle serait pour quoi que ce soit dans le
fait qu'un holocauste nucléaire ne s'est pas produit) c'est qu'elle n'a pas empêché une fuite en avant suicidaire dans le surarmement. (alors qu'il en
suffit de peu)
Pour que la dissuasion marche, il aurait fallu abandonner la
notion d'intention dissuasive. Tout le mal vient du fait que l'homme, par sa
volonté et sa conscience pussent commander à cette machine terrifiante de la
dissuasion. La simple existence de ces arsenaux auraient du suffire à ce que
les jumeaux de la violence restent cois. L'apocalypse et une certaine
transcendance ne disparaissait pas de cette dissuasion
"existentielle" qui apparaissait comme un jeu dangereux faisant de
l'anéantissement mutuel un destin. Il y avait une chance pour que le destin
nous oublie. Bref Anders et la pensée stratégique sont d'accord, nous sommes
dans l'ère du sursis.
Si on suit cette dissuasion existentielle, la dissuasion
nucléaire a maintenu un temps de paix en projetant le mal hors de la
sphère des hommes en en faisant une
extériorité maléfique mais sans intention mauvaise pouvant fondre sur
l'humanité comme un tremblement de terre. Cette menace suspendue aurait donné
aux princes la prudence pour éviter l'abomination de la désolation.
Paradoxe donc de la dissuasion intentionnelle est la marque
du sacré.
Reprenons les deux arguments contre elle
Menace pas crédible (si dissuasion échouait, on ne mettrait
pas sa menace en exécution) ensuite une dissuasion s'anéantit dans le paradoxe
de l'auto réfutation. Il faut pour échapper à ce paradoxe inscrire la réalité
de l'apocalypse tel un destin. Mais c'est la même chose... Revenons à McNamara.
Il s'en est donc fallu de peu. Echec de la dissuasion ? Non, c'est parce que
nous avons côtoyé le trou noir qui a donné à MAD son pouvoir dissuasif et qui
nous a sauvés. Il faut des accidents
pour précipiter le destin apocalyptique mais contrairement au destin un
accident peut ne pas se produire.
La forme étrange de du paradoxe de l'autoréfutation se
retrouve dans toute une série de paradoxes que Dupuy appelle le paradoxe de
Jonas, ils sont face au dilemme de tous les prophètes du malheur. Il annonce la
catastrophe à venir comme avenir inéluctable pour que celui ci ne se produise
pas. C'est aussi la figure du juge meurtrier celui qui tue les meurtriers avant
qu'il commettent un crime qui ne sera donc pas commis. Mais avec Jonas
annonçant, pas de bouclage paradoxal, l'avenir n'a pas à coïncider avec
l'avenir actuel, l'anticipation n'a pas à se réaliser. L'avenir annoncé n'est pas
l'avenir du tout, mais un monde possible qui et restera non actuel. Comment
donc prophétiser un avenir dont on ne veut pas afin qu'il ne se produise pas
? Tel est le paradoxe de Jonas et même
structure que paradoxe de la dissuasion parfaite qui s'auto réfute.
La clé se trouve dans la dialectique du destin et de
l'accident qui est au cœur de la dissuasion existentielle. Il s'agit de tenir
l'apocalypse nucléaire comme à la fois nécessaire et improbable. C'est la
figure du tragique. Le hasard et le destin viennent à s'y confondre (Oedipe et
Meursault). L'accident est à la fois le contraire du destin et sa condition de
possibilité.
Or c'est un accident dont nous ne voulons pas et qu'il faut
écarter. L'accident instrument du destin et sa négation nous permet de
l'écarter.
Si nous refusons le Royaume, cad le renoncement complet de
tous à la violence, il ne nous reste qu'à jouer constamment avec le feu : pas
trop près (dissuasion existentielle) mais
pas trop loin non plus de peur que nous oublions le danger (c'est le paradoxe
de Jonas). Il ne faut pas trop croire au destin, ni trop refuser d'y croire.
Il faut y croire comme une fiction.
Cela nous permet de nous tenir à distance du trou noir de
l'apocalypse nucléaire qui est notre destin. Cette structure est exactement
celle du sacré primitif tel que l'a vu Girard : Il ne faut pas trop s'approcher
par ce qu'il déchaine la violence, il ne faut pas non plus s'en éloigner car il
nous protège de la violence. Le sacré contient la violence, dans les deux sens
du mot.
La fin de la haine et
du ressentiment.
J'ai voulu faire analogie entre théorie de la dissuasion
existentielle et la structure du sacré primitif.
Et le mal ? Avec le christianisme, celui ci est rapporté aux
intentions de ceux qui le commettent. Le mal de la dissuasion nucléaire est un
mal déconnecté de toute intention, comme la bombe est un sacré sans dieu. C'est
une mauvaise nouvelle.
Anders au Japon avec des survivants note qu'ils parlent de
l'évènement comme s'il était déconnecté de l'humanité. Ils ne veulent pas
nourrir de ressentiment. Ils en parlent comme d'un phénomène naturel.
Le mal de la paix nucléaire n'est le produit d'aucune
intention maligne. Dans son livre Hiroshima est partout : à l'instant où notre
monde est apocalyptique, et par notre
faute, il offre l'image d'un paradis habité par des meurtriers sans méchanceté
et par des victimes sans haine. La
guerre par télémeurtre qui vient sera la guerre la plus dénuée de haine qui ait
jamais existé dans l'histoire. Ce sera une absence de haine inhumaine. Absence
de haine et absence de scrupules ne feront plus qu'un. La violence sans haine
est si inhumaine qu'elle en devient une transcendance peut etre la seule qui
nous reste.
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