mercredi 5 février 2014

Le dynamisme de la théorie mimétique

Aujourd'hui, je vous propose une longue citation du livre  des figures de la violence de Eric Haeussler. Je ne sais toujours pas si c'est un bon livre introductif ou alors un livre pour lecteur déjà quelque peu averti.
Il y a beaucoup de bonnes choses. Je retiendrais pourtant cet extrait qui commence par une citation de Jean-Pierre Dupuy. L'origine du désir du tiers à l'origine du désir mimétique n'étant pas déterminé, ceci n'est pas un vice de forme de la théorie de René Girard mais ce en quoi elle est aussi intéressante. La nature circulaire du désir nous empêche d'en saisir une origine. C'est toujours "une forme qui se modifie elle-même en transformant les objets, tout en étant aussi "informé" par les objets." La théorie mimétique se transforme selon les situations. Il faut comprendre un dynamisme et non une structure.



Si le désir est mimétique, il est "déterminé" par le désir d'un autre pour le même objet. Mais si cette proposition est universelle, c'est à dire si le désir de l'autre est lui même déterminé par le désir d'un tiers, lequel peut être le sujet d'origine, il en résulte une indétermination radicale. Ceux qui l'ont décelée en ont conclu qu'une faille logique minait l'édifice girardien. C'est au contraire  en ce point que réside toute la richesse potentielle et génétique de l'hypothèse mimétique
Dupuy mimétisme et morphogénèse p231, 232


L'expression la plus ramassée du désir mimétique pourrait être : le désir désire le désir.  Il fait constamment référence à lui-même, d'où cette impression de cercle vicieux; de régression à l'infini, de "faille logique" ou d'"indétermination radicale". Mais surtout nous touchons là au point qui explique le dynamisme du schème mimétique et sa capacité à aller du simple au complexe (et inversement).
En effet lorsque ce schème est isolé, non seulement il est pris dans un mouvement circulaire incessant, mais en plus il est totalement fermé sur lui-même ; on a l'impression qu'il s'écroule sous son propre poids, comme une méduse hors de l'eau ou un tas d'os que les tendons et les chairs ne maintiennent plus ensemble en un squelette articulé ; il n'a aucune existence propre en-dehors des phénomènes qui le fécondent et qu'il permet d'expliquer. Une conséquence est, comme le dit Girard, que "la réalité du processus mimétique est tellement inextricable qu'elle ne permet pas de distinguer entre la théorie et la description des faits". Le schéma mimétique n'est donc pas une forme indépendante que l'on peut plaquer de l'extérieur sur plusieurs sortes d'objets. Mais c'est une forme qui se modifie elle-même en transformant les objets, tout en étant aussi "informé" par les objets.
Autrement dit, les objets ou les faits et la structure mimétique sont dans une interdépendance réciproque.
 des figures de la violence Eric Haeussler  p42

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