jeudi 5 septembre 2013

Edito de Ragemag sur la violence

Je ne lis pas assez la presse mais il me semble rare d’y lire des éditoriaux aussi importants.

Arthur Scheuer reproche à la gauche et à la politique social démocrate, son absence de réflexion sur la violence. Pourquoi n’y réfléchissons nous plus ? 

Selon lui, nous sommes bourgeois, nous l’externalisons pour nous croire sans reproche et bons puis nous créons des systèmes qui promettent un monde sans violence. Or ce monde de violence cachée est un monde nécessairement violent. L'article cite Schmitt : dès qu’on veut supprimer la violence de l’homme, on la déchaîne, comme Pascal avait dit auparavant, qui veut faire l’ange, fait la bête.

Parallèlement, pour Scheuer, tout mouvement de non violence est lâcheté ou victorieux par hasard ou par calcul de l’opposant. 

Il présente la violence non comme un besoin et refuse toute fascination mais il lui semble nécessaire pour les progrès sociaux ou pour résister et répondre à la promesse de la défense de ses idéaux, d’où une ambitieuse et étonnante revalorisation de l’honneur. Valeur exprimant le combat et le risque de donner la mort pour se défendre ou bien le sacrifice de soi même pour ses propres valeurs absolues.
Je partage son point de vue sur « l’hypocrisie bourgeoise », sur le mensonge des théories promettant un monde sans conflit, allant pour cela jusqu’à torturer les mots (politiquement correct). Je partage sa volonté de resaisir la notion d'ennemi. J’apprécie son invitation à repenser la violence inscrite dans l’homme et ses sociétés.

Je ne sais pas s’il a lu Girard mais il cite « la montée aux extrêmes ». Terme éminemment girardien lors de son analyse de l’oeuvre de Clausewitz. Mais celle ci exprime le chemin naturel d’un conflit et l’impossibilité (sauf évangélique) de briser l’élan qui le conduit. Or la montée aux extrêmes comme le mimétisme est souvent invisible à celui qui est à l’intérieur du processus.

Or Mr Scheuer est dedans. Car dans cette violence proposée, il y a
toujours un objet (plus ou moins réel et plus ou moins oublié) mais il y a toujours un rival. Que serait le drapeau sans rival honni. L’honneur, n’est-il pas une valeur mimétique ? C’est la justification morale de la continuation de la montée aux extrêmes. Le drapeau est ici l’objet, symbole à idolâtrer qui cache la rivalité mimétique. 

Alors, il faut être victime innocente comme le Christ et regarder laisser passer la caravane de l’histoire sociale, politique et migratoire comme des martyrs ?

Il me semble que c’est la proposition du Christ. « Notre drapeau » est celui du royaume de Dieu. Mais ce drapeau en lui-même est la croix du Christ. Le drapeau de la renonciation à tout combat mimétique et violent. Le refus de jouer le jeu de la destruction. Mais la responsabilité d'être un instrument de la justice, ce qui n'est pas sans combat.

Est ce de la lâcheté, de la fausse espérance, est-ce le chemin de l’injustice sociale, de l’impérialisme et l’échec de tout progrès ou encore du masochisme ? L'exemple de Ibn Ziaten pose la question douloureuse de l'auto-défense. 

Qui est l’ennemi pour Jésus ? Mathieu rapporte (10, 28) cette phrase de Jésus :

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l'âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l'âme aussi bien que le corps.

L’ennemi, ce n’est pas l’offensant c’est celui qui nous éloigne de l’amour de Dieu, non pas celui qui nous vole notre dignité, notre argent, notre vie. L’offensant est celui avec qui il faut construire le monde de justice et conduire vers Jésus. (plus facile à dire.... certes...). Tout ceci n'est pas dénué de courage ni "d'honneur", c'est un combat.

En parlant d’Illic, Dupuy disait qu’il pouvait être violent comme Jésus, d’une violence sans ressentiment, d’une violence hors de toute idolâtrie. Il y a certes une dimension de force et de "virilité" dans la vérité, elle est comparable au déchirement du rideau du temple ou au tremblement de terre au moment de la mort du Christ, à ce glaive que Jésus promet d'apporte. 

Cela me fait penser à la remarque de Girard dans une interview. La violence est mimétique de l’amour de Dieu. (Je retrouverai la référence)

Et à cette citation de Pascal :

C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'opprimer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus. Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre ; quand on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que la vanité et le mensonge ; mais la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre. Qu'on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales : car il y a cette extrême différence que la violence n'a qu'un cours borné par l'ordre de Dieu qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu'elle attaque, au lieu que la vérité subsiste éternellement et triomphe enfin de ses ennemis ; parce qu'elle est éternelle et puissante comme Dieu même. 


Les Provinciales (1656-57), Blaise Pascal, éd. Firmin Didot, 1853, Lettre XII, p. 227\

L’histoire n’est il pas ce temps de confrontation surprenante entre la violence et la vérité. 
Et sachons diagnostiquer la terreur cachée derrière le discours de monsieur Scheuer. ( A moins que ce soit du dégout pour tous ceux pour qui la vie ne serait jamais résistance et lutte ???)
Je ne sais pas ce qui est mieux, le bourreau qui s’ignore (bourgeois et pharisien) ou le bourreau heureux car justifié (Pilate, Hérode, les révolutionnaires et tous les hommes aux ennemis trop bien identifiés et imités) ?

La vraie révolution n'est elle pas celles de la conversion ? D'elle viendra toutes les justices sociales et historiques. (mais bon, gardons un canif dans la poche au cas où...)
Je recommande cet article de Cormary qui complète ma note sur le sujet de la violence et continue aussi ma transcription de Fumaroli sur l'image...

Ici, un article pour découvrir Schmitt

Ci dessous un résumé de l'édito :



------------


Arthur Scheuer, fondateur de Ragemag.

Il est urgent de penser la violence. La bourgeoisie c’est l'illusion de l’exorciser par l’éloignement. (Sorel souvent cité)

La gauche bourgeoise ne réfléchit pas à la violence par sa culture et par intérêt. Dans ces temps ou certains font appel à la contre révolution, il n'y a plus personne pour assumer la violence contre la Vendé ou encore la nécessité passée de tuer le roi. Nous voulons des révolutions sans mort. Bref le socialisme s’est laissé embourgeoisé. (et donc peut-être plus facilement manipulé par la peur).

Même les intellectuels de gauche radicale utilise Schmitt pour bien définir l’ami de l’ennemi et mettre en cause l’idéologie démocrate libérale, qui montrerait sa véritable identité quand elle est violente . 

Jean Claude Monod dit que le libéralisme comme le marxisme promettent un lieu sans conflit et une émancipation de la violence de l’homme. Or pour Schmitt, dès qu’on veut supprimer la violence de l’homme on la déchaîne.
Dans notre monde, la CRS doit accepter les fleurs, le policier est réhabilité et le soldat apporte la paix. La lutte sociale est négociation entre partenaires. Tout criminel est criminel-victime....
Ce sont des illusions car il y aura toujours de la violence, des guerres, des violeurs et des injustices sociales.
Taire le nom de violence, quel que soit le niveau est dangereux. La non violence est un faux concept qui montre surtout l’accord tacite avec le système que l’on combat et le renoncement à le changer.. La victoire de mouvement non violent, c’est le calcul du pouvoir perdant qu’il a tout à perdre à la montée aux extrêmes, ou bien encore le pouvoir cède aux pressions extérieures invisibles.
Derrière chaque conquête sociale, il y avait des gens près à aller au bout... 
La violence n’est ni un bien ni un mal, c’est un fait irréductible à la vie humaine... Il y a souvent de la pleutrerie derrière le pacifisme et la non violence. C’est probablement bien de ne pas designer l’ennemi mais que faire quand celui ci nous désigne. 
Exemple de Imad Ibn Ziaten. Il ne s’est pas couché face a Mohamed Merah. Il est mort en soldat, c’est à dire en tenant sa promesse vis a vis du drapeau qu’il voulait défendre. Il n’est pas mort en victime. 
L’homme moderne se met à plat ventre. Il n’a plus d’honneur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire