J'apprécie beaucoup la clarification et la perspective historique qu'apporte Camille Tarot, professeur de sociologie. Il parle ici succinctement de son livre (le symbolique et le sacré, théorie de la religion) et finalement de sa longue expérience de la haute tradition française universitaire sur son interrogation sur le sacré, il essaie de dérouler le fil de cette histoire et désigner les pièges sémantiques. on peut regretter un manque de nuance dans sa réhabilitation du sacré mais son travail me semble très important.
Il souhaite avertir que la question du divin est secondaire dans un
premier temps (très intellectuelle finalement), il y a d'abord dans les sociétés, la distinction entre le sacré et le profane, le pur et l'impur qui a été perçue de manière variée
Il présente Durkheim comme le grand prophète de Girard, prophète non écouté avec son intuition de l'objectivité de la présence de la religion. Faire confiance aux primitifs et principalement à leur pragmatisme. Il pense que Girard marche sur ses traces (ainsi que celles de Mauss) à partir de sa théorie du désir mimétique
Il y eut ensuit l'influence protestante et neokantienne d'Otto privilégiant la piste symbolique du sacré amenant petit à petit la structure familiale et sociale de Levi-Strauss. N'oublions pas la perspective économique ou matérialiste. Toutes celles-ci refusent à la religion un rôle centrale ou explicatif global.
Tarot développe la thèse Girardienne qu'il trouve très convaincante (Mais ne veut pas pour autant sacrifier la dimension symbolique). Il pense que le sacré est un système de protection, un régime de séparation qui permet l'interaction. Le sacré est ce qui protège le profane ou ce qui doit être protégé lui-même. Que l'on sacralise l'homme ou le lion, on peut mettre en cage les deux si l'on veut au choix protéger le sacré de l’extérieur et le mettre en cage ou préparer des cages contre ceux qui peuvent l'attaquer, selon ce que l'on considère pur ou impur.
Tarot, ensuite, nous conseille de lire Dupuy et les marques du sacré pour se convaincre que si la structure du religieux s'est éclipsé dans notre société moderne (Mondanisation du Christianisme ?), il a existé de nombreux ersatz de sacré, le plus évident est l'économie et sa capacité de contenir la violence.
Mais arrivons nous vraiment à contenir l'économie ? Tout est il échangeable à l'infini ? N'est ce pas un chemin de destruction? Face au risque de destruction qui a toujours inquiété les hommes et que nous ne réfléchissons plus malgré une économie de plus en plus poison et non médicament.... Ne faut il pas retrouver la préoccupation de l'apocalypse, notamment par le rite du catastrophisme éclairé. (rite car : croire sans y croire tout en y croyant).
Il faut se préoccuper du sacré pour comprendre ce qu'il contient, ce que l'on veut protéger, arrêter de se moquer des rites tout en se méfiant de sa tendance à la violence.
J'aime beaucoup la conclusion de tarot, le sacré est l'inverse de la différenciation des sociétés et même encore de l'indifférence. Le sacré est l'opposé du nihilisme.
Revenons à la raison par le religieux, l'instance de base de notre monde et de son appréhension.... Après cela, il suffit de ne pas se tromper de religieux....
On trouve la vidéo ici:
Résumé plus détaillé de la vidéo :
Ancien professeur de sociologie de la religion et auteur du livre
« la symbolique et le sacré », theorie de la religion.
Il a étudié profondément 9 auteurs
francais (Émile Durkheim, Marcel Mauss, Mircea Eliade, Georges Dumézil, Claude
Lévi-Strauss, René Girard, Pierre Bourdieu et Marcel Gauchet...) et tente une
synthèse et une opinion personnelle.
Il reconnait d’abord que nous sommes perdus dans les définitions
et notre maniere d’appréhender le sujet. Beucoup de conflit depuis Durkheim.
Notre mot sacré vient du 12ème siecle, le mot s’oppose au profane
et touche tout un tas de domaine, sacré college, admiration, terreur, attraction,
le thé de 5h peut l’etre aussi. Intangible et inviolable. Amour sacré de la
patrie... Il y aurait un sacré laic... Introduction de la problematique de
l’impur et du pur. Les intégristes le regrettent, c’est une émotion aussi, esthétisme ?
Meme mot pour la patrie ou la protection de la vie... Terme embarrassant...
Le livre est un tournoi entre les principaux auteurs sucités, il a évalué le jeu de chaque auteur. D’habitude tous ceux là ne s’écoutent pas. (il
faudrait faire le meme bouquin avec les allemands et les anglais et discerner
les themes surinvestis et ce qui se recoupe...)
La France a commencé avec Durkehim avec une méthode objective (Durkheim) puis subjective puis
le structuralisme est apparu apres la guerre (echec selon l’auteur)
Durkheim donc d’abord est tres influencé par l’anthropologie
anglaise, perception de la religion comme administrateur du sacré.
Parrallelement Mauss observe un parrallele entre concentration des populations
et le sacré, don et contredon. Durkheim construira une thèse ou le sacré serait
la premiere institution, toutes les autres sont sorties d’elle. Le sacré est
une réalité objective. La science de l’homme en société est d’abord science de
la religion. Idee choquante à l’époque du marxisme et du libéralisme ou tout se
fonde sur l’economie.
Cette these s’oppose aussi avec la gauche francaise, qui comme
Gauchet voit la base de la société comme politique. Cela s’oppose avec les
theses de Levi-Strauss qui pensent que les premieres institutions sont la
parenté, circulation des femmes et alliances de femmes.
Pour Durkheim, la religion est un fait qui s’impose.
Aujourd’hui, nous vivons un individualisme religieux mais « Une religion est un
système solidaire de croyance et de pratique relative des choses sacrées,
séparés, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté
morale appelé Eglise tout ceux qui y adhérent ». Il faut croire que rien
n’est absurde. Nombres de nos institutions ont gardé les traces du sacré
(inceste et propriété privé parmi eux). Durkheim s’interroge avec Hubert et
Mauss sur le sacrifice, ses modalites, son universalité. Il le rapproche du
meurtre, de l’énigme de la destruction, exces de zele passionné, le rapproche
du droit pénal.
Apres L’objectivisme de Durkheim, le sociologue Otto va réveiller
le subjectivisme dans l’analyse du sacré non comme un phénomene social mais un
phenomene subjectif. Le sacré se caractérise par le fascinans et tremendum.
(influence du protestantisme et de Kant).
Le structuralisme a ensuite essaye de dépasser ces deux visions.
Il s’est beucoup appuyé sur le totémisme. Totem, outil conceptuel pour penser
analogie, homologie et ressemblances. Signification matérielle et symbolique...
Mais finalement pas de sacré. Pour Levi-Strauss, définition de la
culture : Ensemble de système symbolique où langage, règle matrimoniale,
règle économique, art et religion. La religion est la 5 roue du carrosse.
Puis Girard vint, nos désirs sont mimétiques, nos désirs sont hétéronomes,
nous avons toujours besoin d’un modele en conséquence le désir est gros d’une
violence rivalitaire. Par l’aide de
la littérature, il découve par exemple que la tragédie est la mise en scene
d’un conflit illustrant la crise sacrificielle, ou comment un sacrifice resout
le conflit communautaire. La tragédie décrit aussi comment les différences
s’estompent et comment l’indifférenciation s’installe et prepare la violence
incontrolable. La crise détruit les mythes mais la foule va se réconcilier par
un bouc émissaire convergeant. La violence est ainsi en meme temps rejeté et
toujours présente.
Aujourd’hui, la sociologie fancaise est divisee entre Levis
traussien et Durkheimien. L’homme est pris par le langage pour les uns, la
sociabilisation est toujours excluante pour les autres, violence qui appelle un
controle de la violence.
Tarot se prononce d’abord en disant qu’il faut concilier le
symbolique et le sacré et continuer le travail de Durkheim tel que Girard l’a
affiné.
La question de Dieu est pratiquement intellectuelle, notre
tradition a pu nous empecher de penser la dialectique du sacré et du divin, tout
comme celle du pur et de l’impure qui a pu etre si évidente ailleur (Inde) elle
est finalement tres proche de celle du sacré et du profane.
On peut voir cependant qu’a été sacralisé, les choses les plus
diverses, des plus violentes (natures ou communauté humaine) mais aussi les
plus faibles.
Il faut voir la religion comme un systeme de protection, un regime
de separation qui se transforme en possibilité d’intéraction. Ainsi le sacré
est ce qui protege le profane ou ce qui doit etre protégé. En
occident, l’homme est à protéger. C’est une sacralisation.
Mais qu’on sacralise l’homme ou le lion, on peut toujours mettre
soit l’un, soit l’autre en cage, selon ce que l’on considere l’un des deux
comme le danger ou bien ce qui est fragile, pur ou impur.
Dans la société moderne, le sacré semble avoir disparu. Dans un
certain sens, cette modernité est la mondanisation du Christianisme en prenant
l’optimisme de la realisation du royaume de Dieu sur terre et ou la
sacralisation serait dépassé. Mais on ressent le renouveau de cette
sacralisation dans la postmodernité, retour a la sacralisation, au sanctuaire
(parc eco, patrimoines. Il faut lire aussi, la marque du sacre de Dupuy, la
société désacralisé porte en elle le signe du sacré, les élections rituel de
l’unanimité, il y a toujours une ruse de la violence du groupe. Le succès de
l’économie est toujours du à l’érosion du sacré Mais comment donner des limites à
l’économie. Si tout est échange,
comment ne pas détruire ? Il fut repenser le catastrophisme, l’apocalypse
et l’intégrer dans notre pensée comme tous les humains le faisaient. Il faut réintroduire du rite (croire
sans y croire tout en y croyant) et ce catastrophisme éclairé en est un.
Il faut donc comprendre le sacré ce sur quoi il touche plutot que
sur ces distinctions, que séparer et comment.
Au final, le sacré est l’inverse de l’indifférenciation (ou meme
de l’indifférence. Malgré les excès et les carcans du sacré (adoration de
la violence ou reification ) le sacré doit être vu comme le contraire du
nihilisme.
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