Je me régale depuis quelques temps de la lecture de Paris New York et retour de Marc Fumaroli. Plongeon dans le monde, l’image et méditation sur l’art ancien et notre monde d’image. Il y a des trésors magnifiques à chaque chapitre et une invitation à l’otium et à la sagesse. Je ne l’ai que trop peu repris dans ce blog. Permettez-moi de m’appesantir sur un chapitre. "La souffrance des autres : Leurres de la compassion contemporaine". Recherche de la compassion et analyse de l'hubris de la compassion qui disparaît par sa structure injonctive et sans limite. Cela nous permet de faire le lien avec la lecture d'Illich de la parabole du bon samaritain. Tout en bas, en annexe, vous lirez un extrait du livre de Kavanaugh (Comme un hôpital de campagne) qui servira de base à la partie sur Illich, puis vous lirez mes notes sur le chapitre de Paris-New York qui est ici travaillé.
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Fumaroli analyse le lien entre l’engouement contemporain pour le bon sentiment et la compassion et comment cette dernière s’est enfui des arts.
Il voit une corrélation, la réalité de la recherche égoïste de son propre intérêt avec la mise en avant de la compassion et de l’émotion publique dans un environnement où la violence des images prend la place de tout l’imaginaire.
Il oppose ces bons sentiments compassionnels avec l’humanitas et la caritas.
Humanitas antique, représenté par Cicéron comme éducation à la beauté et considération de la beauté des liens non-politiques caractérisée par l’indulgence entre égaux et la bonté des plus riches. La caritas chrétienne s’est inspiré de cette humanitas pour les relier avec sa vocation divine.
L’humanitas et la caritas, et contrairement dans l’art religieux occidental et antique, ne sont plus représentés dans l’art contemporain.
Fumaroli appelle le philosophe Alain. Celui-ci, bien qu’athée, rend grâce à l’art chrétien d’avoir laissé une place forte à certains lieux communs, dits « populaires », lieux de l’éducation de cette humanitas et caritas, il pense particulièrement au sourire mystérieux du bébé près de sa mère et des vierges à l’enfant. Moments où la raison aussi bien que l’imagination retrouvent leurs origines. Alain dit encore que l’art Chrétien avait un travail d’éducation, de maitrise des désordres de l’imagination, d'autonomisation de l’individu et d'éveil des sentiments.
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Fumaroli analyse le lien entre l’engouement contemporain pour le bon sentiment et la compassion et comment cette dernière s’est enfui des arts.
Il voit une corrélation, la réalité de la recherche égoïste de son propre intérêt avec la mise en avant de la compassion et de l’émotion publique dans un environnement où la violence des images prend la place de tout l’imaginaire.
Il oppose ces bons sentiments compassionnels avec l’humanitas et la caritas.
Humanitas antique, représenté par Cicéron comme éducation à la beauté et considération de la beauté des liens non-politiques caractérisée par l’indulgence entre égaux et la bonté des plus riches. La caritas chrétienne s’est inspiré de cette humanitas pour les relier avec sa vocation divine.
L’humanitas et la caritas, et contrairement dans l’art religieux occidental et antique, ne sont plus représentés dans l’art contemporain.
Fumaroli appelle le philosophe Alain. Celui-ci, bien qu’athée, rend grâce à l’art chrétien d’avoir laissé une place forte à certains lieux communs, dits « populaires », lieux de l’éducation de cette humanitas et caritas, il pense particulièrement au sourire mystérieux du bébé près de sa mère et des vierges à l’enfant. Moments où la raison aussi bien que l’imagination retrouvent leurs origines. Alain dit encore que l’art Chrétien avait un travail d’éducation, de maitrise des désordres de l’imagination, d'autonomisation de l’individu et d'éveil des sentiments.
Les bases de la compassion ont été échangés. Le Christ en croix rappelait notre prochain souffrant, Rousseau et les modernes voient dans le prochain souffrant le Christ. La compassion n’a plus sa source dans le très haut. Cette souffrance était assumée par Dieu qui rappelait à l'homme qu’il y avait quelque chose de fou dans celui-ci. Il y avait au cœur de l’univers un abime de souffrance et de compassion auquel chaque être humain pouvait prendre part. La croix divinise l’humanitas et la caritas. Petites brises, à peine réelles, qui donnent le suc de notre vie par l’attention qui nous est possible de donner. Cela me fait penser à la perspective d’Ivan Illich sur ce qu’il estime la mauvaise lecture de la parabole du bon samaritain (voir plus bas, la citation de Kavanaugh de son livre comme un hôpital de campagne.) Le samaritain face à l’homme blessé est bouleversé dans ses entrailles et agit en toute spontanéité, librement et non sur un sens universel du devoir. Le prochain se transforme en tous nos frères humains. Ce qui est pour Illich une perversion du Christianisme. (Ce qui lui faisait dire quand on lui parlait de famine en Ethiopie : I don’t care. Devons-nous intégrer cette réaction ?) Le prochain devient dans la modernité économique un espace infini et virtuelle bien représenté par l’amitié facebookienne. Paradoxalement, le christianisme ouvre un espace sans borne à l’hubris industrielle et aux institutions qui veulent faire le bien sans limite. Illich disait qu’il fallait faire autant attention aux méchants qu’aux institutions qui prétendent faire le bien en grand, à toutes les cléricatures et institutions contreproductive.
Dans l’art ancien, la souffrance est présente en forme de litote, mise à distance par la réflexion. Désormais plus rien ne nous est épargné dans un fracas de cris de témoignages d’horreur, de sang, d’images. Tout concourt à l’appel de notre compassion et de notre angoisse. (les réseaux sociaux et twitter en particulier sont un magnifique exemple.)
Je laisse enfinla parole à Fumaroli qui dans son style magnifique dit combien ces appels ne sont rien et sont le syndrome de notre perte de charité face à la contradiction que nous devons supporter entre la tragédie humaine permanente et la tendre humanité
P371 La théologie en sait long sur les limites du connaître et du sentir humain. Seul un Dieu a pu avoir un cœur si gros et doué d'une empathie si inépuisable qu'il ait pris sur lui toute la misère du pauvre monde, dont on nous explique par ailleurs, cartes, photographies et épreuves scientifiques à l'appui, qu'il s'entretue dans le sang, qu'il se fendille, se dessèche ou se noie dans la fonte des glaces. Seule une fiction euphorique et flatteuse, de force et d'effets égaux à ceux des informations qui nous rapportent la déliquescence de la planète et l'agonie de tant de nos frères et sœurs humains, peut nous faire croire que nous puissions, individuellement ou collectivement, endurer tant d'éprouvante et de plaies d'Egypte. En réalité, faute de vivre à la fois selon ces deux régimes d'émotion contradictoires, ce glas incessant qui fait frémir notre sensibilité altruiste ou naturiste produit, autour de la plupart de nos cœurs, des cals épais qui les protègent et les dispensent de s'émouvoir autrement qu'en bonnes paroles écologiques et donations humanitaires affranchies d’impôt. Et nous nous replongeons aussitôt dans l’alléluia universel des publicités euphoriques, des clips paradisiaques, et de l’éternel sourire engageant, toutes dents en poupe, d'un escadron de majorettes frétillantes et ravies qui apportent sur la table un gâteau d'anniversaire, enjoy ! Happy birthday to you
plus bas citation de Cavanaug dans "comme un hôpital de campagne."