J’ai rencontré par les hasards du net,(ici, là, encore ici et la) Veronique Dufief, qui
en plus d’une large expérience sur la littérature du 19e, exprime par
livres, interviews et conférences son histoire avec la maladie de la
bipolarité. Je vous propose quelques vidéos et souhaite commenter deux
interviews. On peut être rebuté par la dimension psychologo-spirituello-hypersensible
mais il me semble qu’il y a là quelque chose d’important et de profond. Je
ferai même des points de liaison avec René Girard (on ne se refait pas…)
A travers ce témoignage, Veronique Dufief nous fait sentir
la souffrance des maladies psychologiques et particulièrement de la bipolarité,
syndrome maniaco-dépressif. Désespoir, tristesse, abandon, manie, « siphonné »,
exutoire délirant et souffrance dont on distingue les causes mais qui reste là
avec son manque et son trou. (Le mal de vivre de Barbara comme image ?)
Elle ne mésestime pas la dimension chimique des traitements
et leur utilité, elle parle de leur dimension sociologique mais elle se concentre
sur leur dimension spirituelle. Elle est là pour partager une expérience de foi
au Christ qui guérit.
Elle affirme que la bipolarité est l’accentuation dramatique et
maladive (Hubris ?) de la situation psychologique des hommes. Nous avons
tous le trou, le manque d’amour. Les bipolaires sont quasiment la démonstration
par la folie de la dimension métaphysique du désir humain. Nous savons ce trou,
ce désir d’aimer et d’être aimé. Mme Dufief y voit la source du désir humain
infini et la base de notre individualité, et la possibilité de la relation et
de l’extériorité. On ne vainc pas ce trou, il est toujours déjà présent, on ne
le combat pas.
Son chemin de « guérison » (déjà présent mais
toujours à venir) a été l’acceptation, le consentement à l’existence de ce
trou, de ces souffrances qui y sont lié. Ce consentement a été permis, selon
elle, par sa relation avec Dieu qui est l’inconnu de ce manque. Accepter cette
souffrance, accepter même que notre relation à Dieu soit blessée (blessure qui
crée ce manque ou l’inverse fou du délire « mystico-dingo ») et en
faire un chemin avec le Seigneur et son amour pour nous et un chemin du retour
à la réalité.
Son livre s’appelle la souffrance désarmée. Beau titre
indiquant un chemin où la souffrance ne serait plus armée de la révolte, de la
colère et de la peur. Elle dit dans une vidéo que nous pouvons même faire de
notre souffrance un doudou, une arme contre le monde entier et contre
nous-mêmes.
Ne luttons plus, déposons les armes ? Message horriblement
pacifique et illusoire ? Que dans la mesure où nous ne voyons pas que
notre révolte devient lutte armée contre le fameux trou et donc nous-mêmes…
Mme Dufief en vient à dire que les malades peuvent devenir
comme le Christ des guérisseurs souffrant en faisant découvrir aux autres cet
abandon de l’amour désarmé.
Dire que la bipolarité est l’expérience de tout homme me
semble très proche de la « sagesse girardienne ». Dufief (a-t-elle lu
Girard ? C’est fort possible en tant que prof de littérature….) voit le
manque universel, qu’elle associe au désir et à l’institution de
l’individualité. Comment ne pas se souvenir de l’aveu de Girard : Tout
désir est désir d’être. Une grande partie du travail de Girard sur le désir
mimétique est de montrer que notre désir n’est pas autonome, qu’il ne sait pas
que désirer et que s’il ne s’arrête pas en Dieu, il se plonge dans les faux
infinis, les mécanismes de violences contre soi-même, les autres. La bipolarité
est selon lui le mouvement naturel du désir face aux obstacles que sont devenus
les autres pour nous. Nous le surpassons, mais il nous arrête d’autant mieux
que nous avons cru le surpasser. C’est le scandale girardien. Une fois pris
dans la dialectique de l’obstacle, nous ne pouvons plus en sortir. Chez le
bipolaires, les hauts et les bas face aux obstacles sont décuplés et approchent
du délire. Il y a des pages admirables chez Girard (notamment quand il écrit
sur Hölderlin) et Oughourlian sur ces phénomènes. Nous sommes tous malade
d’amour, nous sommes tous fous dans une certaine mesure, cette lucidité est le
chemin obligatoire pour la guérison.
« Le maniaco-dépressif a une conscience particulièrement aiguë de la dépendance radicale où sont les hommes à l’égard les uns des autres et de l’incertitude qui en résulte. Comme il voit que tout, autour de lui, est image, imitation et admiration (imago et imitare, c’est la même racine), il désire ardemment l’admiration des autres, c’est-à-dire la polarisation sur lui-même de tous les désirs mimétiques et il vit l’incertitude inévitable – le caractère mimétique du résultat – avec une intensité tragique. Le moindre signe d’accueil ou de rejet, d’estime ou de dédain, le plonge dans la nuit du désespoir ou dans des extases surhumaines. Tantôt il se voit au sommet d’une pyramide qui est celle de l’être dans son ensemble, tantôt au contraire, cette pyramide s’inverse, et comme il en occupe toujours la pointe, le voilà dans la position la plus humiliée, écrasé par l’univers entier. (Des choses cachées… pp. 331-332)
Dufief retrouve Girard dans son analyse du désir
métaphysique (mais en ne s’attachant pas au modèle mais directement au manque)
et de l’invitation à retrouver le Christ comme objet de notre désir, à se
reconnaître humblement pris dans les filets de ce désir compliqué qui nous
constitue. Cet abandon dont elle parle
est l’abandon de toutes les rivalités absurdes, la reconnaissance de nos
blessures et le refus de tout ressentiment. Chemin qui semble simple mais qui
est le chemin d’une vie.
Un girardien peut être surpris par l’absence des médiateurs
dans son discours. Mais il est présent et évoqué : Dans une vidéo, on peut
se moquer de son ton et langage fleuri, Il faut, dit-elle, être fleur parmi les
fleurs. Il faut accepter d’être une parmi les autres, refuser de voir les
autres comme obstacle. Aussi, son récit de joie face aux personnes dans un
centre commercial est magnifique. Pas de jugement (péché de la pensée), pouvoir
s’émerveiller de voir toutes ses personnes exprimer leur désir (quand bien même
mal dirigée). S’émerveiller du désir humain, voir la souffrance comme un signe.
Acceptation de celle-ci non sado masochiste mais comme symptôme malheureux
(depuis le péché originel) d’une rencontre divine heureuse et joyeuse. Je suis
présent et je me réjouis de la présence des autres. N’y a-t’il pas ici, une
merveilleuse illustration de cette phrase de Girard. Chacun se croit seul en
enfer et c’est cela l’enfer.
Il y aurait beaucoup à dire encore, notamment sur le
romantisme étudié par Mme Dufief… sur le chemin de résurrection proposé qui est
un passage du mensonge romantique à la vérité romanesque. Etc…
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Dans toutes les expressions du mal, il y a une demande
d’amour qui est trace de Dieu et demande de dieu.
Face à la souffrance, redonner à Dieu sa place et assumer la
sienne qui est toujours une place d’impuissance. Peur, révolte, colère laissent
la place au désir d’être aimant.
Aspiration à l’amour mais refus de se laisser aimer.
Solitude, déréliction, drogue du travail.
Souffrance encore, chemin avec le Seigneur.
Délire mystique, malade du Seigneur ? Importance de la
frontière mystico dingo et folle de dieu
Manie : manière maladive d’être dans un présent irréel.
Recherche de signes. Malade dans sa relation avec Dieu.
Mais même folle, j’étais encore la bien aimée du Seigneur,
maladie d’amour.
Maladie à traiter médicalement, sociologiquement et
spirituellement.
Un statut : pour souffrir pour les autres. Car celui qui
accepte de tomber dans les bras de la faiblesse rend à tout son entourage le
service de permettre la découverte de l’amour désarmé. Tous les malades sont, à
l’image du Christ, des « guérisseurs souffrants ».
Arrêt de la lutte frontale.
Arrêt de la question de la vocation pour l’accueil de ce qui
est donné.
Cette souffrance ? Trou inévitable qu’on ne peut combler… On s’en protège, on
coupe sa sensibilité.
Lien entre guérir et être capable de souffrance, de
l’accueillir pour ce qu’elle est, avec tous ceux qui souffrent. Un peu comme
quelqu’un qui, après s’être débattu dans la mer par peur de s’y noyer, découvre
qu’il lui suffit de flotter paisiblement. Dès que l’on dit « oui », on est dans
la proximité du Seigneur.
http://www.france-catholique.fr/La-Souffrance-desarmee.html
FranceCatholique
Intelligence de la souffrance. Souffrance désarmée car souffrance
qui aurait perdu sa révolte, chemin de consentement et d’abandon, lutter par la
douceur en épousant mouvement de la vie.
Bipolarité, accentuation de ce que chacun vit et facilite
observation de la psychologie humaine (le monde nous ressemble…)
Utilité de la psychanalyse et des cause diverses, mais à un
moment, souffrance. Habitation du manque. Fondement de la vie et non
maladie…Possibilité de la relation, car ce qui nous sépare de l’autre, désir…
Il n’y a pas de victoire finale, il faut acquiescer… Dire oui à chaque instant.
Docilité, écoute. Péché, du jugement en pensée…
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