Très belle conférence (encore) d'Olivier Rey dans le cadre ce que doit être une rencontre de rencontres d'idées et de formation du mouvement "Avant Garde" animé par Charles Millon et Jacques de Guillebon. Ce mouvement se classe à droite de l'échiquier politique française. Cette conférence me semble pourtant universelle mais touche des sujets plus difficilement touchés à gauche. On reconnaît dans le ton de la conférence que Rey est imbibé de René Girard. Il ne sera cité que dans les questions réponses (que je vous invite à écouter aussi.)
Cette conférence me semble très forte. Elle est à discuter mais me semble un préalable à toute conversation sérieuse sur la politique.
Le passage de la communauté à la société est le grand mouvement de notre temps. Au cœur de cette modification, se pose la question de la reconnaissance personnelle. Le confort des sociétés anciennes a été troqué par le confort de l'individu pour notre plus grand bienfait et notre plus grand risque. La perte de la communauté fait de nous des hommes en manque de reconnaissance. Cette chose toute simple transforme les sociétés humaines, leur propre perception, complique toute relation humaine et politique. Faisons le constat de la déliquescence de la politique qui découle du premier constat. N'ayons pas peur, toute lucidité, nous rapproche de la vie bonne à atteindre et de la bonne prière.
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La question de l'harmonie ne se poserait pas si elle était trouvée ou existante. Comprenons ce qui fait obstacle à cette identité harmonieuse et aux questions politiques qui y sont associées.
I Le désir de reconnaissance blessée
Hegel annonce en 1807 que le désir de reconnaissance est ce qu'il y a de plus nécessaire. Pourquoi, fallut il attendre cette date pour le reconnaître ? Car à cette date ce désir se révèle quand les moyens traditionnels de le satisfaire s'en vont. Ils se dérobent avec la société moderne, sociétés d'individus.
Individu ? C'est ce qu'on ne peut découper. C'est l'atome de la société. Mais au XVIIe siècle, le sens est retourné. On part d'un emploi de solidarité à une situation où il est le point de départ duquel toutes institutions humaines se constituent. Nous sommes passés d'une situation ou "je" était le singulier du "nous" à celle où "nous" est le pluriel du "je". D'une situation où l'affirmation du "je" était difficile à une situation où le "nous" est difficile. C'est un bouleversement dans la vision de la chose collective.
Exemple du mot société qui a pour origine le sens de ce qui naît d'un contrat et qui le demeurera jusqu'à l'époque moderne où nous concevons le monde humain comme une société. Ce ne sont pas les humains qui reçoivent une société humaine. Celle ci naît que de décisions humaines. La société se pense qu'en terme contractuelle ou utilitaire. Nous avons extraits donc l'individu des communautés anciennes.
Ce passage est un événement essentiel de notre histoire nous pouvons voir deux étapes essentielles de ce passage. La révolution industrielle et révolution politique.
Ce sont des dynamiteurs des communautés, une fois défaites les communautés ont déversé dans le monde des millions d'hommes désaffiliés, individus appelés à composer les grandes sociétés modernes où la solidarité n'est plus entre personnes qui se connaissent et se reconnaissent mais où l'interdépendance est médiatisé par la division du travail et le mécanisme de marché.
L'ordre social est l'amalgame des comportements des individus confiés à eux-mêmes et poursuivant leurs intérêt. Dans l'optique républicaine, l'ordre social résulte d'un ordre politique exprimant une volonté commune. Mais même dans l'optique républicaine, le fondement n'en demeure pas moins individualiste à l’extrême. La volonté des nations est le résultat de volontés individuelles. La révolution française est le symbole de cette transformation. Il n'y a plus que l’intérêt particulier et l’intérêt national. L’État hypertrophié et l'individu isolé vont de pair. Besoins substantiels partagés.
Les individus gagnent en liberté de mouvement, d'initiative et de choix.
Ce qu'ils perdent est moins évident mais font sentir leurs effets à terme. C'est la perte du minimum garanti de reconnaissance qu'offrait à chacun la vie communautaire. La non-reconnaissance domine. Hegel a saisi la loi générale quand le mouvement en son origine historique s'initiait, ce qui ne l'a pas empêché de chasser la gloire dans la grande ville, Berlin, et profiter de la concentration capitalistique de la reconnaissance.
II Comment trouver cette reconnaissance dans la société moderne ?
Après ces bouleversements la question se pose, comment faire du un ? ce qui marche mieux est la désignation d'un petit groupe à la vindicte populaire. La France révolutionnaire par exemple avait des besoins urgents d'ennemis intérieurs et extérieurs. C'est la situation de toute nation moderne.
Ce n'est pas l'idée nationale qui est en cause mais la place exorbitante que cette idée a trouvé dans le cerveau de masse d'individus déracinés. Le nationalisme agressif s'est développé en tant que palliatif a une vie profondément insatisfaisante, inharmonieuse et n'a eu que quelques compensation en interne par le report d’agressivité en externe avec guerres. Ces guerres ont signalé le vice de constitution de ces nations. On devrait comprendre que le vice en question ne tient pas à l'existence de pays, de frontières, de limites, mais à des limites posées au mauvais endroit et en trop petit nombre. Exemple d'Auguste Comte, qu'Oliver Rey promeut, rêvant d'une Europe de petits territoires. Ces pays permettaient une véritable médiation entre l'individu et l'humanité. Une patrie trop grande est obnubilé par son rang. On se trompe sur les conclusions des grandes guerres. Le mal seraient que les nations soient divisées. Non, il n'y avait pas assez de frontières. Certes, l'augmentation des nations peut multiplier les guerres mais seulement des petites guerres. Nous vivons l'inverse. Les grandes nations apportent des grandes guerres.
Pour l'économie aussi, la taille augmente la productivité, mais les économistes ne voient pas l'incapacité du système économique à répondre au besoin de reconnaissance. A part quelques individus, il n'y a plus qu'une masse indistincte.
Succès des "identités"
Auparavant, l'identité est ce qui ne change pas dans la ligne du temps, cela s'est transformé en sentiment d'appartenance puis est apparu le phénomène identitaire. On peut ainsi se reconnaître dans un monde où le commun des mortels a si peu le sentiment d'exister.
Une autre solution est de se battre avec les "minorités". Ainsi en cachant sa prétention et sa haine de soi nécessaire à cet occasion, on peut prétendre se différencier.
Ce désespoir face à soi-même se développe quand les diverses frontières se dissolvent pour verser toujours plus de populations dans un magma indistinct.
III Dissolution politique
La dissolution politique accompagne la dissolution des peuples celle ci se montre par un magma indifférencié.
Après avoir vu une différence de taille entre l'origine de la démocratie américaine et française par Arendt (La révolution française a conduit le peuple a remplacé le roi, la démocratie fût décrétée du haut, injonction paradoxale. La révolution américaine proposait de tout commencer par la base de la commune) Olivier Rey note ce qui a fait dévier les démocraties actuelles.
La perte de maîtrise des outils de production nécessitant des investissement grandissant. Une communauté perd de ce qu'elle est quand elle ne les maitrise plus. Passé un stade de développement, la technique délocalise et sape les conditions d'une vie locale dans laquelle s'ancre toute véritable démocratie.
Ensuite, il faut voir comment le manque de reconnaissance est le carburant du moteur économique. La reconnaissance par les anciens modes de sociabilité ont été changé par la reconnaissance par la consommation. Veblen verra rapidement le rôle de la consommation dans les catégories riches de l’Amérique industrielle. La consommation ostentatoire prend son envol. La baisse des couts de production permets au plus grand nombre d'entrer dans cette catégorie. Le grand moteur de l'économie tient en une phrase : Keeping up with Joneses ! (Ne pas se laisser distancer par les Dupont). Mais avec le dynamitage des liens sociaux et la télévision, le Jones qui était notre voisin devient le beautifull people des médias.
La souffrance des personnes n'est pas un "à coté" malheureux, elle est le principal carburant.
Face à ces deux situations, un dirigeant de bonne volonté est placé dans une injonction contradictoire :
Rompre avec dynamique nocive conduisant à la catastrophe ou composer avec cette dynamique car s'en extraire est impossible et y réussir est dangereux car on se met à la merci de ses voisins qui resteraient dans la dynamique actuelle.
Conclusion
Nous vivons un paradoxe, la nation est la seule structure politique qui nous reste pour faire de la politique alors qu'elle a été l'acteur de la dégénérescence de la politique.
Acceptons le réel malgré tout. Il nous voue à la disharmonie. Faisons face à l'adversité. N'ayons pas peur des paradoxes et sachons tenir des idées opposées sans les casser.
Par exemple, voyons que les choses sont sans espoir mais avec la résolution de les changer....
Nous entrons dans une époque de turbulence. Tout sera possible.
Ne cultivons pas la tristesse ni la passivité mais plutôt les vertus et les capacités qui grâce aux ciel trouveront à s'employer.
Continuons d'adhérer de toute notre force à ce que nous croyons bon et qui avec l'aide du ciel trouvera une solution !
N'est ce pas aussi ma prière ! En tout cas, je la fais mienne.
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