William Cavanaugh propose une démonstration à laquelle je suis très
sensible. Elle vous paraîtra peut-être peu concrète... Mais elle me semble
trouver la clé du malentendu que les catholiques ont avec la politique. Le
problème est que tel qu'elle est exposé, la "politique" va à
l'encontre de la foi catholique, elle est elle même la foi hérétique où les
catholiques nagent sans s'en rendre compte alors qu'ils devraient en être lucide.
La théorie séculière politique est parodie du catholicisme. C'est à cette
hérésie que nous avons troqué la paix et le corps du Christ pour la paix du
monde et le corps du Léviathan. Cavanaugh veut le démontrer en s'arrêtant plus
particulièrement sur l'état, la société civile et la mondialisation.
(Et pour le connaitre rapidement, voir ici et là)
(Et pour le connaitre rapidement, voir ici et là)
I Le mythe de l'état comme sauveur
Rappelons, pour le Christianisme :
-le genre humain fut créé, il a chuté, il fut sauvé (process en cours). -Jésus appelle à l'unité. La rédemption restaurera l'unité par participation au corps du Christ.
-L'humanité est invité à reconnaitre chacun sa citoyenneté au delà de l'empire.
-La communion des Saints va contre l'individualisme.
-Pas de bien commun là où Dieu n'est pas adoré en vérité.
-le genre humain fut créé, il a chuté, il fut sauvé (process en cours). -Jésus appelle à l'unité. La rédemption restaurera l'unité par participation au corps du Christ.
-L'humanité est invité à reconnaitre chacun sa citoyenneté au delà de l'empire.
-La communion des Saints va contre l'individualisme.
-Pas de bien commun là où Dieu n'est pas adoré en vérité.
De l'autre coté, il nous est dit que l'état nous a sauvé des guerres de religions et de l'impossibilité de nous mettre d'accord sur la vérité. Ces guerres permirent la naissance de l'état (= institution où pouvoir centralisé et abstrait détient monopole de coercition physique dans un territoire géographiquement déterminé.)
La religion de l'état intervient : Théologie volontariste, le Christianisme n'est que soumission
à la volonté de Dieu. Locke, Hobbes et Rousseau l'affirment l'existence est
individuelle avec base de contrat social, la propriété commune perd son sens.
Mais comme pour le christianisme, le salut de l'homme est établi dans la paix
entre rivaux. Le Léviathan est le sauveur, nouvel Adam créé par l'homme pour
sauver l'homme, construit par consentement, il se meut dans une direction.
Cette théologie se construit sur l'exemple des guerres de religion. L'état a
sauvé l'Europe des factions religieuses antagonistes depuis la fin du consensus
religieux. Cavanaugh répond, c'est faux, ces guerres visaient à assurer le
triomphe de l'état moderne sur les derniers vestiges de l'ordre ecclésial. Ce
n'était pas une guerre de religion car ce qui est en jeu est justement la
création même du mot religion (croyance privée sans incidence privée). Les
conflits du XVIe et XVIIe inversent le rapport de domination. Mais ce renversement
commence encore plus loin, les intellectuels amorcent et Luther confirme.
La Reforme vise à empêcher d'identifier la volonté de Dieu avec la régime
politique. Il n'envisageait qu'une simple différenciation entre juridiction
mais cela a conduit à refuser toute juridiction à l’Église. Pourtant le Christ
n'a qu'un seul corps. Une ecclésiologie s'évanouit. L'Eglise doit gérer les
âmes, le corps des fidèles est abandonné.
Ce fut un grand attrait pour les princes de l'époque de Luther. Mais pas
seulement pour les princes devenant protestant. Le protestantisme s'est imposé
dans les contrées ou l’Église n'avait pas encore donné signe de faiblesse
contre cette nouvelle théologie politique. Il y eu un raz de marée, là où il
n'y avait pas eu attaque progressive.
L'époque de la guerre des religions montre plutôt la maturité de la
théologie de l'état. Pas de pouvoir absolu sans l'arrivée de celle-ci. La
guerre de trente ans est due au désir des empereurs allemands d'imiter le roi de
France. Même au prix de sacrifice de la population indifféremment catholique ou
protestante.
Cette époque se détermine par l'arrivée du terme religion pour diagnostiquer
l'ensemble des croyances personnelles sans rapport avec la fidélité du citoyen
envers l'état. Ensuite les humanistes travaillent à ranger le christianisme
dans cette boîte afin d'être manipulable au service de l'état. Son autorité est
unique et sans partage. La loi est écriture sainte. Le Corps du Christ est
mangé par l'état qui pense l'assimiler. Qu'importe les disputes théologiques du
moment qu'il y a la loyauté envers l'état.
La religion de l'état a pris le dessus... Pourtant elle ne nous a pas sauvé.
N'est elle pas l'instauratrice de la guerre moderne ? Frontières, consolidations,
guerres et rivalités etc... L'homme n'est qu'un contenant de droits
individuels et de contrats pour se lier aux autres. Les liens ne sont que par
intérêts. Le corps social n'est qu'un corps fait de corps séparés avec une tête
gigantesque et perdu face aux combats de l'égalité. La solidarité se fait par
l'état. Dépourvus de fins communs, nous n'avons que des moyens, la violence
dont voulait nous sauver l'état devient sa religio, sa liturgie.
L'influence chrétienne reviendra si l’Église se souvient de la dimension
politique et sociale de sa foi.
II le mythe de la société civile.
l’Église est renvoyé dans la sphère privée. Elle est seulement invitée à
investir le terrain social où l'état imprime les règles que l'on ne peut
remettre en cause. Intervenir dans la vie publique est jeu piégé car la distinction
publique-privée est le biais de l'état pour domestiquer l’Église.
Après ses violences passées, la religion est au coin et ne sera autorisé à
rejoindre le jeu public qu'après assagissement et si elle aide au consensus
pacifique. De plus l'état et la société civile ne sont que les deux faces d'une même
pièce. L'économie, le politique, le social, le culturel ont fusionné, la culture
obéit à la logique du marché, comme la politique est la servante du capital. L'état
neutralise toute subversion. Les institutions civiles (syndicats, parti,
écoles, corporations, communautés) ne sont que les membres de l'action de
l'état pour l’assujettissement. L'état moderne est défini par cette usurpation
du pouvoir qui fait disparaitre les intermédiaires sociaux. La famille
n'est pas épargnée...
La société civile neutralise les résistances. Puis il existe deux
stratégies, la sauvegarde des classes sociales puis défense de la société de
consommation avec nécessité du monde de production. La loi de l'offre et de la
demande, du profit sont naturelles. Les économistes deviennent les experts en
humanité.
Cavanaugh continue avec force : La sécularisation est imposture, elle a
dérobé la sotériologie (science du salut) de l’Église.
Retrouvons le sens thomiste du religio, les vertus s'acquièrent
collectivement au sein d'une communauté ecclésiale locale, membre du corps du
Christ et par la participation à l'Eucharistie, sacrement de l'unité et de la
paix, creuset d'une éthique politique. N'essayons pas d'influencer le
pouvoir laïc par société civile mais restaurons une pratique liturgique pour
redonner la conscience de la dimension politique de la foi.
La discipline de l'état veut faire des disciples, mais ce sont des esclaves
du Leviathan ou de Mammon. alors que la discipline de l'Eglise est art de faire
des disciples. ex de Romero, ne collaborons jamais à une pseudo paix bâti sur
la peur et la coercition. "Dieu ne veut d'ordre et de paix que fondé sur
la vérité et la justice. Devant cette alternative, notre choix est clair : nous
suivrons l'ordre de Dieu, pas celui des hommes."
Le chrétien est résistant au pseudo ordre, il se fait un dans le corps du
Christ. De ce fait il doit refuser la dichotomie moderne entre sphère
publique et sphère privée et substituer aux frontières des états nations, des
espaces politique irrécupérables par les guerres.
Bref ne comptons plus sur la société civile mais sur l'Eucharistie, acte
liturgique et politique, acte anarchique, il dénonce l'ordre mensonger de l'état
en annonçant le Christ roi. Don et donneur ne font qu'un, puis gratuité du
contre don non comme dans un contrat. En recevant le don du christ, nous sommes
incorporés dans le don lui même. Plus nous sommes unis au centre et plus nous
sommes unis aux autres. (Inverse du fascisme avec unité par le parti, et du libéralisme,
recherche d'indépendance pour son profit)
L'unité du corps de l'état est simulacre de catholicité. l'absorption du
local et du particulier dans l'universel revient à effacer la distinction
entre le local et l'universel.
Malheureusement que devient l'Eucharistie quand nous avons intégré le mythos
salvifique de l'état ? Nous croyions que l'état semait la paix, nous avons
récolté les guerres de religions, d'états, fractures sociales. Rien ne s'oppose
à l'extension du Léviathan. Dans un état de nature maitrisé par le contrat
social, la guerre du tous contre tous est devant nous, c'est la mondialisation.
III Le mythe de la mondialisation comme catholicité !
Les chrétiens sont perplexes face à la mondialisation, en éthique économique, certains y voient de l'exploitation, d'autres voient le partage de bonnes pratiques pour la prospérité. Devons nous nous féliciter de l'effacement des frontières ? Est ce une catholicité encore plus catholique ? Lyotard y voit fragmentation, Cavanaugh y voit de la décréation. Un monde entier sans localisation précise. cela entretient les divisions et la fragmentation des individus. Au contraire de l'Eucharistie ou le local se retrouve dans l'universel. Cet attachement n'a rien d'une nostalgie de gemeinschaft ni d'une réaction de repli. Son point de vue dilate l'individualisme ou le régionalisme et permet de voir jusqu'au Royaume. Espace et temps retrouve sens, géopolitique de la mondialisation diffère de la géopolitique de l'Eucharistie.
Les chrétiens sont perplexes face à la mondialisation, en éthique économique, certains y voient de l'exploitation, d'autres voient le partage de bonnes pratiques pour la prospérité. Devons nous nous féliciter de l'effacement des frontières ? Est ce une catholicité encore plus catholique ? Lyotard y voit fragmentation, Cavanaugh y voit de la décréation. Un monde entier sans localisation précise. cela entretient les divisions et la fragmentation des individus. Au contraire de l'Eucharistie ou le local se retrouve dans l'universel. Cet attachement n'a rien d'une nostalgie de gemeinschaft ni d'une réaction de repli. Son point de vue dilate l'individualisme ou le régionalisme et permet de voir jusqu'au Royaume. Espace et temps retrouve sens, géopolitique de la mondialisation diffère de la géopolitique de l'Eucharistie.
Non, la mondialisation n'annonce pas le dépérissement de l’état nation
mais son hyper-extension. État et souveraineté sur individu, absorption du
local par l'universel. L'universalisation des droits par la prise de pouvoir de
l'état nation devait libérer l'individu des caprices de coutume locale
instaurant relation directe entre souverain et citoyen. Désormais l'universel
se passe de tout relais local. Les gouvernements ont perdu tout contrôle sur
l'économie internationale. L'argent échappe à l'état. Les usines sont des
vestiges remplacées par la sous-traitance. Déplacements géographiques entraine
dissolution des liens traditionnels au profit d'une culture globale. Nomadisme
engendre esprit de compétition fort, nation et communauté renoncent à tout
contrôle. La fonction de l'état nation se résume à neutraliser les forces qui
s'opposent à la mondialisation. Internet rend le monde en village planétaire où
les peuples de la terre triomphant des divisions ethniques, religieuses et
responsables de la violence vivent enfin en communion pacifique grâce à une
consommation unie. Utopie car ruse pour oblitérer les nouvelles formes de
division engendrée par la mondialisation.
L'économie planétaire a remplacé la discipline exercé sur un lieu
particulier par discipline de pure mobilité fondé sur capacité de fuir pour
contrôler outils, hommes et machines dans un espace toujours différent et
toujours le même. Le nomadisme n'est plus une résistance
Le libre échange respire la violence économique du tous contre tous. Cette
logique exacerbe l'attachement au local (caractère unique de docilité) puis la
compétition gomme les aspérités pour répéter le modèle gagnant. L'authentique
et le local très souvent sont simulacre. Illusion de la diversité et illusion
de l'unité. Pas d'autres mais un peu de différences. Les cultures locales
cèdent la place. Les liens de proximité cèdent sous la force des désirs
éphémères où s'alimente la course à la croissance. Court terme partout, tout
est jetable. On arrive à la production du désir du désir, de la consommation
pour la consommation. Les images soutiennent le tout. L'humain est poussé à la
périphérie de son être.
Non pas fin des méta récits, universelle célébration du particulier et de la
diversité, un méga récit, avec un retour du récit comme récit de la fin des
récits. la mondialisation ne raconte rien sinon elle même.
L'Eucharistie oppose un autre espace. L'Eglise catholique transcende toute
limite de l'espace et du temps. Catholique, relatif au tout. Non par mouvement
d'expansion mais par mouvement de concentration, un tout organique, une
synthèse ferme, tourné vers un centre qui en assure l'unité. Ce centre est
l'Eucharistie.
L'articulation complexe du particulier et de l'universel. La
catholica est en réalité une région dont le centre est partout. elle peut se
trouver partout, si loin qu'elle s'étende, elle ne peut être jamais éloigné du
centre. Pas unité matérielle comme la chrétienté. Chaque Eucharistie réalise la
communion. Le Corps du Christ n'est pas divisé mais tout entier présent dans
chaque fragment des espèces partagées; le monde est contenue dans une hostie.
Avant d'être Eglise catholique, elle est l'Eglise locale autour de
l'Eucharistie. L'Eglise locale n'est pas une circonscription mais une
concentration de tout. L'individu s'unit encore plus à l'universel qu'il s'unit
au local. Le village planétaire, c'est cette assemblée. L'Eglise est Fractale.
Constitution d'un ghetto ? Nostalgie de théocratie ? Exclusion des
autres communautés ?Tout le monde ne prend pas part... cela divise et exclut,
non ?
Eucharistie n'est pas un lieu mais un récit qui met en scène différent
lieux.
A la différence de la carte, le parcours implique non le regard mais
la marche.. L'espace n'est pas appréhendé abstraitement. mais par un
corps qui participe. Et la cité de Dieu est une cité pérégrinante. Elle
traverse ce monde sans lieu propre, ni territoire à défendre. Elle raconte une
histoire à la dimension du cosmos, création, rédemption, accomplissement qui
nous invite à demeurer dans la fidélité à l'alliance scellé sur la croix.
A force d'hypermobilité et de sollicitation, tout devient interchangeable.
L'Eucharistie est aussi la réponse à ce désir fondamental à l'homme (que
l'économie récupère, dévie et asservit) le désir de l'homme a pour objet
véritable Dieu, image duquel il a été fait. Mondialisation : produit trompeur, avec
l'Eucharistie, réalité et signe se rejoignent. Nous sommes absorbés par le
Corps du Christ. Le Christ raconte l'histoire.
Alors pour le fidèle, le Corps universel du Christ fait soudainement
intrusion dans l'espace local. L'espace du monde moderne homogène est
interrompu par le Christ qui se présente à nous sous le trait des plus faibles. La
mondialisation juxtapose les habitants du monde entier dans le même espace temps
et lance les nations dans des compétitions sans merci. Nous ne sommes pas
juxtaposés mais rendu participants les uns des autres dans une mutuelle
communion au corps du Christ. L'autre comme concurrent et source de profit
retrouve son visage humain.
L'Eucharistie nous fait un. Malheureusement la mondialisation est entrée et
nous inocule son sentimentalisme et sa conception de l'espace et du temps.. On
risque de communier qu'à une idée de l'homme, de l'humanité. Paul nous
prévient, si le Corps n'est pas convenablement discerné, la réception de
l'Eucharistie peut provoquer une maladie. (expliquant la mort de nos
communautés?) Anecdote de Romero ayant renversé les barrières spatiales et
sociales non pas abstraitement en mesurant l'extension mais en rassemblant tous
les fidèles dans un espace commun autour de l'autel, manifestant aussi
l'universalité de la catholica en un certain lieu, en un certain temps. Ici
bas, sur la terre, autour du Christ Roi, présent dans l'Eucharistie.